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25 avril 2011 1 25 /04 /avril /2011 07:08

UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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Introduction au Moyen Français


Un peu d'histoire
Le XIVe siècle et le début du siècle suivant sont une des périodes les plus sombres de notre histoire.
À partir de 1315 s'installe une famine due au surpeuplement et à des conditions climatiques difficiles. La démographie régresse. La peste noire apparaît et fait des ravages (1348 -1350) avec de nombreuses récidives tant en France que dans l'Europe toute entière. Les guerres, les violences qu'elles entraînent font que l'on vit dans un climat de peur et d'insécurité. La royauté est incapable de défendre le pays. La crise de la féodalité, la captivité de Jean La Bon, la folie de Charles VI, la rivalité des Armagnacs et des Bourguignons, et la Guerre de Cent Ans, mettent le pays à feu et à sang. La crise religieuse due au Grand Schisme (1378 - 1417) divise les chrétiens, deux papes s'étant installés à la tête de l'Eglise catholique, l'un à Rome et l'autre en Avignon soutenu par la France, l'Espagne, l'Écosse et l'Italie du Sud. Après cette période, l'Eglise a de la peine à rétablir son autorité. Le terrain se prépare pour la Réforme protestante qui verra le jour avec Luther au début du XVIe siècle.

L'évolution de la langue 


Le moyen français est une variété historique du français parlé et écrit du XIVe au XVIe siècle. La langue française, issue du francien de l'Île-de-France se différencie alors des autres langues d'oïl.
En 1539, l'ordonnance de Villers-Cotterêts est édictée par le roi François Ier. Elle fait du français l'unique langue juridique et légale du royaume, prenant ainsi la place du latin. Les autres langues d'oïl, l'occitan et le francoprovençal sont dès lors appelés patois.

Quelles transformations apparaissent dans le moyen français ?
La déclinaison, héritée du latin, que l'on trouve dans l'ancien français, disparaît. Aussi, pour que la fonction des mots soit plus évidente dans la phrase, a-t-on recours à de nombreuses prépositions. L'ordre des mots se précise, le sujet se plaçant généralement devant le verbe. On utilise l'article plus fréquemment. On marque d'un e le féminin des adjectifs. Le pluriel des noms prend un s.
Ainsi le français revêt-il un caractère analytique.
La littérature en moyen français se développe. Le vocabulaire s'enrichit, la grammaire se précise.
Villon, Marot, Rabelais, Montaigne, Ronsard et les poètes de la Pléiade nous ont donné des chefs-d'oeuvre dans la langue de cette époque.


FRANÇOIS VILLON (1431 - 1463)

Mais quoy ! je fuyoië l'escolle
Comme fait le mauvaiz enffant
En escripvant cette parolle
A peu que le cueur ne me fent !

Notre poète, François de Moncorbier dit Villon, le plus fameux de cette période est plongé dans les malheurs de son temps. Quelques faits avérés le dépeignent comme un mauvais sujet. Il est arrêté pour des rixes, une affaire de meurtre, un vol. On perd sa trace vers 1463.
Ses écrits où il parle abondamment de sa vie, les « Lais » (« Legs ») et le « Petit Testament » sont en partie le reflet de la réalité et une bouffonnerie satirique, ils ont construit sa légende avec le « Grand Testament » qui, s'il reprend la plaisanterie, est le plus souvent grave et pathétique, révélant les confessions et les regrets.
Les moments lyriques de la poésie de Villon et ses plus belles ballades ont gardé intact, jusqu'à nous, leur pouvoir d'émotion.

 

La Ballade des Pendus 

Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les coeurs contre nous endurciz,
Car, se pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tost de vous merciz*.
Vous nous voyez cy attachez cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça* devoree et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s'en rie :
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre !

Se frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir desdain, quoy que fusmes occiz
Par justice. Toutesfois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas le sens rassiz;
Excusez nous, puis que sommes transis*,
Envers le filz de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale fouldre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie*;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

La pluye nous a débuez et lavez,
Et le soleil desséchez et noirciz:
Pies, corbeaulx nous ont les yeulx cavez
Et arraché la barbe et les sourciz.
Jamais nul temps nous ne sommes assis;
Puis ça, puis la, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d'oiseaulx que dez à couldre.
Ne soyez donc de nostre confrarie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

Prince Jhesus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A luy n'avons que faire ne que souldre*.
Hommes, icy n'a point de mocquerie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre.

NOTES
*Merciz : miséricorde
*pieça : depuis longtemps
*transis : trépassés
*âme ne nous harie : que nul ne nous tourmente
*souldre : payer

Cette ballade traduit les thèmes qui hantent le poète, l'effroi de la mort, la crainte du gibet, la misère, mais aussi la foi et l'appel à la charité chrétienne pour les pauvres gens. Elle s'émaille de détails et d'images réalistes qui surgissent devant nos yeux et ne peuvent nous laisser indifférents.
Je l'ai bien lu des dizaines de fois cette ballade, et je ne peux toujours pas m'empêcher de frémir quand s'égrènent devant mes yeux ses vers qui traduisent tant de douleurs. Mon coeur se serre d'horreur et de pitié. 

L'ombre de Villon est toujours là qui nous fascine. Elle continue de se glisser dans nos poèmes et nos chansons.
Georges Brassens,« foutrement moyenâgeux » comme il se dépeint lui-même, a mis en musique la « Ballade des dames du temps jadis ».

 

 Ballade des dames du temps jadis


Dites-moi où, n'en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades*, ni Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine ;
Echo parlant quand bruit on mène
Dessus rivière ou sus étang,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine
Mais où sont les neiges d'antan?

Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Abélard à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cette essoyne.
Semblablement, où est la royne
Qui commanda que Buridan
Fut jeté en un sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?

La reine Blanche comme lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Bietris, Alis,
Et Jehanne la bonne Lorraine
Qu'Anglois brûlèrent à Rouen ;
Où sont-ils, Vierge souveraine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?

Prince n'enquérez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Qu'à ce refrain ne vous remaine.

Version donnée sur le site   In Libro Veritas


S'inspirant de « La Ballade des Pendus », Léo Ferré nous a donné « L'amour n'a pas d'âge ». Serge Reggiani a chanté aussi cette ballade de façon bouleversante. De même s'en est inspiré Richard Desjardins le Québécois pour écrire sa chanson « Lomer (À la Frenchie Villon) ». Dans « Mon bistrot préféré » de Renaud, Villon est encore là, « qui rôde près du bar et des mauvais garçons ». Félix Leclerc a choisi de mettre en musique quelques pages de l'oeuvre du poète maudit. Le Groupe Eiffel chante« Mort j'appelle » qui s'inspire du rondeau « Mort j'appelle de ta rigueur ».

 

Mort j'appelle de ta rigueur

 

Mort, j'appelle de ta rigueur,
Qui m'as ma maîtresse ravie,
Et n'es pas encore assouvie
Si tu ne me tiens en langueur :

Onc puis n'eus force ni vigueur ;
Mais que te nuisoit-elle en vie,
Mort ?

Deux étions et n'avions qu'un coeur ;
S'il est mort, force est que dévie*,
Voire, ou que je vive sans vie
Comme les images, par coeur,
Mort !

NOTE *que dévie : que je meure

Version donnée sur le site In Libro Veritas


Et, si d'aventure vous vous promenez à Paris, rue Saint-Martin, vous ne manquerez pas de voir, au n°29, la Fontaine Maubuée avec sa pierre sculptée d'épis et de cornes d'abondance, fontaine que Villon a chantée dans son « Testament ».

Voilà, chers lecteurs, de quoi vous donner envie d'écouter des chansons où l'on rencontre ce personnage hors du commun. Je reviendrai bientôt avec d'autres poètes... si, jusque-là, Dieu me prête vie.
Littérairement vôtre,

mamiehiou
 

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