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29 mai 2011 7 29 /05 /mai /2011 07:24

UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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La Renaissance 


La Renaissance est la période historique qui suit le Moyen Âge et qui s'étend de la fin du XVe siècle au XVIe siècle. Elle prend sa source en Italie bien avant qu'elle ne se propage petit à petit dans toute l'Europe.

De grand bouleversements se produisent à cette époque et entraînent une toute nouvelle vision du monde : les grandes découvertes (avec Christophe Colomb, Vasco de Gama, Magellan), les progrès scientifiques (avec Ambroise Paré en chirurgie, Nicolas Copernic en astronomie), la diffusion du protestantisme dans certains pays d'Europe et l'invention de l'imprimerie qui permet de diffuser largement les oeuvres littéraires.
Grâce à la redécouverte des textes anciens, grecs et latin, la pensée occidentale prend un essor sans précédent.

 

Érasme

Né en 1466 ou 1469, mort en 1536
Érasme (Desiderius Erasmus Roterodamus), le Prince de l'humanisme théologien néerlandais, philosophe, érudit, défenseur des lettres, il incarne cet esprit nouveau. Cosmopolite et pacifiste, il a milité pour la paix en Europe. Il  proclame dans la « Querela pacis »:
  

             « Le monde entier est notre patrie à tous. »

L'Église catholique s'oppose alors à toute traduction de la Bible car elle craint les hérésies, Elle affirme qu'il n'est pas nécessaire de comprendre le latin pour être croyant.
Érasme s'insurge dans son ouvrage « Enarratio Primi psalmi », soutenant que le peuple doit entendre l'Évangile dans sa propre langue :

« Pourquoi paraît-il inconvenant que quelqu'un prononce l'Évangile dans la langue où il est né et qu'il comprend : le Français en français, le Breton en breton, le Germain en germanique, l'Indien en indien ? Ce qui me paraît bien plus inconvenant, ou mieux, ridicule, c'est que les gens sans instruction [... ], ainsi que des perroquets, marmottent leurs Psaumes et leur Oraison dominicale en latin, alors qu'ils ne comprennent pas ce qu'ils prononcent. Pour moi, d'accord avec Saint Jérome, je [... ] considérerais le résultat comme particulièrement magnifique et triomphal, si toutes les langues, toutes les races  la célébraient (=la croix), si le laboureur, au manche de la charrue, chantait en sa langue quelques couplets des psaumes mystiques, si le tisserand, devant son métier, modulait quelque passage de l'Évangile, soulageant ainsi son travail, appuyé à son gouvernail, en fredonnât un morceau, qu'enfin, pendant que la mère de famille est assise à sa quenouille, une camarade ou une parente lui en lût à haute voix des fragments. »

(Texte traduit du latin)

Ce n'est certes pas un hasard si le nom d'Erasmus a été choisi pour représenter aujourd'hui une identité européenne. N'est-ce pas en son honneur que le programme européen d’échange pour les étudiants et les enseignants porte son nom ?

Je ne puis résister à l'envie que j'ai de vous dire deux mots sur son ouvrage « L'Éloge de la Folie » (1509) qui fut le bestseller de son temps. Érasme s'adresse à son ami anglais Thomas More (l'auteur de « Utopie »). Cette fiction burlesque, où le principal personnage est une allégorie, la déesse Folie, est une critique virulente des institutions établies et des gens ayant une position sociale dont ils abusent. Érasme s'inspire des auteurs de l'antiquité, de leur mythologie et des philosophes médiévaux.
Vous trouverez sur la toile le texte de l'« L'Éloge de la Folie », traduction de Pierre de NOLHAC.
Éloge de la folie - Wikisource 

 

L'Éloge de la Folie

Extrait
 C'est La Folie qui parle. Il va sans dire que le ton léger, bien que satirique, semble n'engager personne à prendre, au pied de la lettre, ce que dit la Folie ! Encore que...

« Le singe est toujours singe, dit l’adage grec, même sous un habit de pourpre. » Pareillement, la femme a beau mettre un masque, elle reste toujours femme, c’est-à-dire folle. Les femmes pourraient-elles m’en vouloir de leur attribuer la folie, à moi qui suis femme et la Folie elle-même ? Assurément non. A y regarder de près, c’est ce don de folie qui leur permet d’être à beaucoup d’égards plus heureuses que les hommes. Elles ont sur eux, d’abord l’avantage de la beauté, qu’elles mettent très justement au-dessus de tout et qui leur sert à tyranniser les tyrans eux-mêmes. L’homme a les traits rudes, la peau rugueuse, une barbe touffue qui le vieillit, et tout cela signifie la sagesse ; les femmes, avec leurs joues toujours lisses, leur voix toujours douce, leur tendre peau, ont pour elles les attributs de l’éternelle jeunesse. D’ailleurs, que cherchent-elles en cette vie, sinon plaire aux hommes le plus possible ? N’est-ce pas la raison de tant de toilettes, de fards, de bains, de coiffures, d’onguents et de parfums, de tout cet art de s’arranger, de se peindre, de se faire le visage, les yeux et le teint ? Et n’est-ce pas la Folie qui leur amène le mieux les hommes ? Ils leur promettent tout, et en échange de quoi ? Du plaisir. Mais elles ne le donnent que par la Folie. C’est de toute évidence, si vous songez aux niaiseries que l’homme conte à la femme, aux sottises qu’il fait pour elle, chaque fois qu’il s’est mis en tête de prendre son plaisir. Vous savez maintenant quel est le premier, le plus grand agrément de la vie, et d’où il découle. »

Les textes de notre humaniste préféré sont en latin. On aura compris qu'ils permirent une libération des esprits qui jusque-là étaient contraints dans des dogmes et des principes trop étroits.
Ces écrits furent censurés.

Si Luther en 1523 traduit la Bible en allemand, Lefèvre d'Étaples la traduit en français l'année suivante. Bon nombre de défenseurs de la langue française sont poursuivis par la Sorbonne et les Parlements. Parmi d'autres, Étienne Dolet (1509-1546), humaniste, poète, philologue et imprimeur, fut torturé, étranglé et brûlé avec ses livres sur la Place Maubert à Paris pour avoir édité des écrits dangereux (de Galien, Rabelais, Marot) et, d'après certains, pour s'être montré proche des idées de Luther. 


Rabelais
Né entre 1483 et 1494, et mort en 1553.
Fils spirituel d'Érasme, et luttant comme lui pour le retour des valeurs antiques et pour la tolérance, François Rabelais publie « Pantagruel » en 1532 et « Gargantua » en 1534 sous un pseudonyme, Alcofribas Nasier, afin d'éviter d'être accusé d'athéisme. Ces deux écrits et les suivants seront censurés.
Son oeuvre s'apparente à un conte paillard où des géants, ses héros, évoluent dans une parodie chevaleresque.
Rabelais, « le plus grand esprit de l'humanité moderne », comme l'appelait Balzac, apporta à la langue française sa verve, sa liberté de penser et bon nombre de mots qui vinrent l'enrichir.

 

Pantagruel

extrait

Quand Pantagruel fut né, qui fut bien ébahi et perplexe ? Ce fut Gargantua son père. Car, voyant d'un côté sa femme Badebec morte, et de l'autre son fils Pantagruel né, tant beau et tant grand, ne savait que dire ni que faire, et le doute qui troublait son entendement était à savoir s'il devait pleurer pour le deuil de sa femme, ou rire pour la joie de son fils. D'un côté et d'autre, il avait arguments sophistiques  qui le suffoquaient car il les faisait très bien in modo et figura , mais il ne les pouvait souldre , et par ce moyen, demeurait empêtré comme la souris empeigée , ou un milan pris au lacet.
« Pleurerai-je ? disait-il. Oui, car pourquoi ? Ma tant bonne femme est morte, qui était la plus ceci, la plus cela qui fût au monde. Jamais je ne la verrai, jamais je n'en recouvrerai une telle : ce m'est une perte inestimable. O mon Dieu que t'avais-je fait pour ainsi me punir ? Que n'envoyas-tu la mort à moi premier  qu'à elle ? car vivre sans elle ne m'est que languir. Ha ! Badebec, ma mignonne, m'amie — mon petit con (toutefois elle en avait bien trois arpents et deux sexterées ), ma tendrette, ma braguette, ma savate, ma pantoufle, jamais je ne te verrai. Ha ! pauvre Pantagruel, tu as perdu ta bonne mère, ta douce nourrice, ta dame très aimée ! Ha, fausse mort, tant tu m'es malivole , tant tu m'es outrageuse, de me tollir  celle à laquelle immortalité appartenait de droit ! »
Et, ce disant, pleurait comme une vache ; mais tout soudain riait comme un veau, quand Pantagruel lui venait en mémoire.
« Ho, mon petit fils, disait-il, mon couillon, mon peton, que tu es joli et tant je suis tenu à Dieu de ce qu'il m'a donné un si beau fils, tant joyeux, tant riant tant joli. Ho, ho, ho, ho ! que je suis aise ! Buvons, ho ! laissons toute mélancolie ! Apporte du meilleur, rince les verres, boute  la nappe, chasse ces chiens, souffle ce feu, allume la chandelle, ferme cette porte, taille ces soupes, envoie ces pauvres, baille-leur ce qu'ils demandent ! Tiens ma robe, que je me mette en pourpoint pour mieux festoyer les commères. »

Ah ! Comme tout cela met le coeur en joie !

             « Fais ce que voudras. »
Telle est la devise de l'abbaye de Thélème que Rabelais imagine propice au bonheur, là où l'instruction dispensée permet à l'homme, toujours soucieux d'agir en tout bien tout honneur, et de s'affirmer dans une société qu'il fait évoluer. 

Et si vous vous sentez d'humeur rabelaisienne, lisez donc « Le torche-cul de Gargantua ». Pour ce faire, rendez vous au texte :

112 Délires sur une description qui met à mal la patience du lecteur - Le torche-cul de Gargantua 

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