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28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 09:43

Langue usuelle et langue littéraire

 

La langue officielle de la France de Louis XIV, académique et littéraire, se parle surtout chez les gens cultivés, les aristocrates et les bourgeois. La population française — qui compte à cette époque 20 millions d'âmes — à 99% analphabète, comme dans toute l'Europe d'ailleurs, continue de pratiquer les langues régionales, à tel point qu'un voyageur parcourant la France du nord au sud a souvent de grandes difficultés à se faire comprendre.

En témoigne Jean Racine qui voyage en 1661 de Paris à Uzès et raconte : « J'avois commencé dès Lyon à ne plus guère entendre le langage du pays et à n'être plus intelligible moi-même. » On lui apporte un « réchaud de lit » ou une « botte d'allumette », alors qu'il demande un « pot de nuit » ou des « petits clous à broquettes ». Il ne rencontre même pas un seul curé ni un seul maître d'école qui sache répondre par autre chose que des « révérences » à son « françois » (prononcer [franswè]) inintelligible pour eux. La différence entre les parlers du Nord et ceux du Sud était tellement évidente qu'un résident du Sud utilisait l'expression « aller en France » lorsqu'il voyageait dans le Nord.*

En outre, par souci d'un purisme excessif (voir le chapitre précédent) le vocabulaire ne s'enrichit pas, sauf par un certain nombre d'emprunts à l'italien (188 mots), à l'espagnol (103 mots), au néerlandais (52 mots) et à l’allemand (27 mots). Quant à la phrase, elle se raccourcit et [se simplifie] dès le début du règne de Louis XIV; on [délaisse] les longues phrases guindées de Corneille. Dans la grammaire, il n'y [a] pas de faits nouveaux remarquables, sauf la disparition du -s du pluriel dans la prononciation, lequel reste, depuis, uniquement un signe orthographique.*

 

La Préciosité

 

Vers 1608, Catherine de Vivonne, Marquise de Rambouillet, surnommée "L'incomparable Arthénice" accueille dans le salon de son Hôtel bon nombre de gens du monde, de seigneurs et d'écrivains dont Malherbe, Vaugelas, Ménage ; s'y joindront plus tard Madame de Sévigné, Madame de La Fayette, Julie d'Angennes (que l'on honorera avec La Guirlande de Julie) etc. Le poète et prosateur galant Vincent Voiture, "l'âme du rond", anime le cercle.

Les Précieux et les Précieuses "châtient le style", dédaignent la langue commune, et se livrent à des excès jusqu'à ne plus appeler un objet par son nom mais par des périphrases.** Le miroir devient "le conseiller des grâces", les joues, "les trônes de la pudeur", une perruque, "la jeunesse des vieillards", les dents, "l'ameublement de la bouche", le nez ," les écluses du cerveau", les seins, "les coussinets d'amour", le chapeau, "l'affronteur des temps", être en couches, c'est "sentir les contrecoups de l'amour permis". On se livre à des comparaisons galantes et les adverbes sont légion : furieusement, terriblement, épouvantablement.

Aux préciosités du langage s'ajoutent la préciosité des sentiments et celle des manières.

Molière se moquera des excès de ce langage dans sa pièce Les Précieuses Ridicules (1659) qui remportera un grand succès, à la Cour comme à la ville.

Les Précieuses – c'était surtout une affaire de femmes - ont exercé, malgré tout, on le reconnaît, une heureuse influence sur le langage.

 

Nicolas Boileau 1636-1711

"Le législateur du Parnasse", poète, écrivain, critique.

 

"Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,

Et les mots pour le dire arrivent aisément."

"Art poétique, Chant I"

 

Boileau est un théoricien de l'esthétique classique en littérature, l'un des chefs de file du clan des  Anciens  dans la querelle des Anciens et des Modernes, une polémique littéraire au coeur de l'Académie française à la fin du XVIIe siècle.

L'auteur classique est celui en qui la critique ne peut que noter des qualités [...] le classique poursuit surtout ce qui est régulier, harmonieux, au point que la perfection de chacune de ses parties assurent la perfection indiscutable de l'ensemble. Les fautes de grammaire, de goût, de jugement, trouvent en Boileau un critique implacable et il a été pour lui-même le censeur austère qui tâche de remédier à toutes les défaillances et vise au beau absolu [...] « Sans Boileau, dit Sainte-Beuve (critique du XIXe siècle), Racine, je le crains, aurait fait plus souvent des Bérénice, La Fontaine moins de Fables et plus de Contes, Molière lui-même eût donné davantage dans les Scapin et n'aurait pas atteint aux hauteurs sévères du Misanthrope. »**

 

Le Dictionnaire Universel

d'Antoine Furetière 1619-1688

Lorsque Antoine Furetière décide d'écrire son dictionnaire, il doit faire face aux foudres de l'Académie qui se réserve le monopole de la publication de la production lexicographique. Il est accusé de plagiat et son dictionnaire ne sera publié qu'après sa mort en 1890, et à Rotterdam.

Pour en savoir + sur cette affaire, lire : Dictionnaire Universel de Furetière, 1690

 

Titre complet : Dictionnaire françois, contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise : Ses Expressions Propres, Figurées & Burlesques, la Prononciation des Mots les plus difficiles, le Genre des Noms, le Régime des Verbes : Avec Les Termes les plus connus des Arts & des Sciences. Le tout tiré de l'Usage et des bons Auteurs de la Langue françoise.

 

C'est le meilleur dictionnaire du XVIIe siècle et le premier dictionnaire encyclopédique au monde (45 000 articles)

Vous pouvez le consulter en ligne :

Gallica - Furetière, Antoine (1619-1688). Dictionnaire universel

 

          Retrouvez Furetière dans ce blog :

          Le A au fil des dictionnaires

          La Vérité, toute la Vérité, rien que la Vérité...

.......
 

François Malherbe, René Descartes, Pierre Corneille, Blaise Pascal, Jean-Baptiste Poquelin dit Molière, François de La Rochefoucauld, Mme de La Fayette (Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, comtesse de  La Fayette), Mme de Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné),  Jean Racine, Jean de La Fontaine, Jacques-Bénigne Bossuet, Charles Perrault, Jean de La Bruyère, François de Salignac de La Mothe dit  Fénelon...

Le Grand siècle, dont Voltaire disait qu'il fut "le siècle du génie", s'illustre des plus grands noms de notre littérature, écrivains, philosophes, conteurs et poètes, qui nous ont légué, chacun dans son style et sa langue propre, des oeuvres remarquables, oeuvres que le monde entier nous envie. Sachons, encore aujourd'hui les lire et les aimer.

.......

 

Références

*D'après Jacques Leclerc, Histoire de la langue française, Site, agence intergouvernementale de la francophonie.

**cf. Histoire de la Langue et de la Littérature française, Louis Petit de Julleville, 1841- 1900. Editions Armand Colin

 

Nota bene

Conseil de Boileau pour les écrivains en herbe... et les autres :

"Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez."
Art Poétique, Chant I
 

  UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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