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11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 19:07

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FLORILÈGE – Textes d'auteurs

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

 Un florilège de textes sélectionnés par mamiehiou

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

 

-15-

 

Lucifer

Entrée dans le :

 

Dictionnaire de la conversation et de la lecture

 

William Duckett (1805-1873)

Journaliste français

célèbre pour son dictionnaire encyclopédique

 

LUCIFER, que les Hellènes1 appelaient Phosphore, était fils de Jupiter (la pluie ou la rosée) et de l'Aurore. Ces deux noms, l'un latin, l'autre grec, signifient porte-lumière. En effet, revêtu d'une douce et candide lumière, ce charmant génie figure dans le ciel oriental la belle étoile du matin, compagne et messagère de l'astre du jour, qu'elle suit du levant au couchant par une éternelle attraction, phénomène que les anciens, avant Newton, appelaient amour. Aussi Vénus, ou Astarté, qui était la même déesse chez les Phéniciens, fut-elle une de ses appellations. On pensait qu'elle était la productrice des rosées : dès lors, on en fit la déesse de la génération. La mythologie persane en a formé une Vénus-Uranie2, sous le nom harmonieux d'Anahid, la chaste étoile d'orient. Cette étoile est Vénus (v.), brillante planète inférieure, la plus voisine de la terre, et qui tourne autour du soleil, dont elle est éloignée de 25 millions de lieues. Visible trois ou quatre heures, elle luit avant le lever et après le coucher de cet astre, tour à tour, comme lui, sur l'horizon oriental et occidental. Les anciens, les Chaldéens sans doute exceptés, la prenaient pour deux étoiles différentes ; ils la nommaient Hesper ou Vesper, l'occidentale, à son apparition du soir. Les modernes l'appellent l'étoile du berger, parce qu'elle est pour celui-ci le signal de la retraite dans les beaux jours ; et les cœurs tendres, l'étoile des amants, dont elle est le discret et mystérieux flambeau. L'ardente imagination des Grecs peuplant de divinités le ciel et la terre, donnant à tout une âme, un corps, un office, représenta Lucifer comme le conducteur des astres. C'est lui, selon eux, qui attelait, aidé des Heures couronnées de palmes droites sur le front, les chevaux de feu du Soleil au char de ce dieu, qu'il précédait lui-même, une étoile sur la tête, doucement emporté comme la Diana-Lucifera, la lune, par deux coursiers aux blanches crinières, qui ont donné à l'Aube ou Alba (la Blanche) son doux nom. En effet, dit, en analysant les teintes du jour naissant, l'auteur des Harmonies de la nature : « D'abord, une blancheur s'élevant au-dessus de l'horizon se décompose en différentes nuances de jaune qui parvient au jaune doré ; puis ce jaune doré, relevé d'un peu de vermillon, forme la couleur de l'aurore proprement dite, s'élevant ensuite par différentes teintes de rouge jusqu'au carmin, au zénith. » Ainsi, l'observation simple de la nature, chez les anciens, suppléait à l'analyse et aux fourneaux de nos physiciens. Le mythe grec fut depuis copié par les mythes indoustans. À Lucifer, le chef de l'armée mélodieuse des étoiles, ils substituèrent une chaste vierge dont nous avons parlé plus haut, la belle Anahid, créature accomplie. Vainement des génies ravissants de jeunesse et d'amour tendirent des pièges à cette vertu éthérée ; dans leur admiration, ils la transportèrent au centre de l'étoile du matin, d'où elle règle les chœurs des astres aux sons harmonieux de sa lyre. Les chevaux de main, que les Latins nommaient desultorii, étaient consacrés à Lucifer : ces fiers animaux furent aussi en grande vénération chez les Perses, qui les sacrifiaient au soleil, comme n'ayant point de plus nobles victimes à lui offrir. Job appelle Lucifer, ou l'étoile du matin, Boker, textuellement en hébreu le petit jour, et ailleurs Khima, que plusieurs prétendent être les Pléiades. Saint Jérôme traduit par Lucifer le mot sakar (aurore) du psalmiste, qui dit, en parlant au Verbe par la voix de Jéhovah3 : Ante Luciferum genui te (je t'ai enfanté avant Lucifer). Sakar, en hébreu, signifie tirant sur le noir, parce que, en effet, l'aurore est le crépuscule du matin ; et c'est avec la même justesse d'image que nous appelons celui du soir la brune. Le Christ* est quelquefois nommé dans les saintes écritures Lucifer, allusion à la lumière spirituelle qu'il est venu apporter au monde. Enfin, dans Isaïe, selon des talmudistes (interprètes), Lucifer était le plus beau et le plus brillant des esprits de lumière que Dieu ait créé, celui qu'il plaça dans la sphère paisible de l'étoile du matin, et qu'il vêtit des candides rayons de cet astre. Tombé du ciel depuis sa révolte contre son créateur, dans la nuit infernale, il frémit à cette interrogation du Voyant, qui, l'œil tourné vers le firmament oriental, son ancien palais, s'écrie d'une voix sombre :

 

Du haut de ton ciel pur, de la voûte éclatante,
Comment es-tu tombée, étoile éblouissante ?

 

D'abord, riant et frais comme l'Aurore sa mère, après toutes les malheureuses phases qu'il eut à subir dans nos légendes, Lucifer devint un objet de terreur. Cette appellation brillante fut depuis le titre tristement mémoratif de sa primitive splendeur, du prince des ténèbres, de satan, du diable, puisqu'il faut l'appeler par son nom. Écoutons La Fontaine, dans sa fable si poétique, si funèbre, de L'Ivrogne et sa femme :

 

Là-dessus son épouse, en habit d'Alecton,
Masquée, et de sa voix contrefaisant le ton ,
Vient au prétendu mort, approche de sa bière,
Lui présente un chaudeau propre pour Lucifer ;
L'époux alors ne doute en aucune manière,
Qu'il ne soit citoyen d'enfer.

 

À ce seul nom de Lucifer, les enfants poussent des cris d'effroi, et nos dévotes sont saisies de tremblement et d'horripilation, depuis que notre Jacques Callot4 a forcé ce roi des rois des pays bas du globe à venir poser devant son grotesque burin. Qui d'entre eux se sent assez de courage pour lever les regards sur la seule représentation de cet ennemi du genre humain par ce graveur-poète, sur ces cornes de bouc, ces cheveux roussis, ces yeux dont deux charbons ardents sont les prunelles, cette bouche de faune, ces ongles d'oiseau de proie, cette chair de cuivre, ces pieds couleur de feu, où sont entées des griffes ; et surtout cette queue immonde, et ce bras démesuré qui balance une fourche, avec laquelle incessamment il remue les damnés dans des chaudières d'huile bouillante ? Mais il était réservé au sublime et sombre Milton5, génie qui participait du ciel et de l'enfer, de porter un indicible et involontaire effroi dans les âmes les plus vigoureuses par cette peinture gigantesque de l'ange des ténèbres, débris vivant d'une sphère étoilée, et pour lequel le nom de Lucifer n'est plus qu'une sanglante épigramme : « Son bouclier pesant, d'une trempe éthérée, massif, large et rond, est suspendu derrière son dos ; on voit cette vaste circonférence pendre sur ses épaules comme l'orbe de la lune ; et sa lance est égale en hauteur au plus haut pin, coupé sur les rocs de la Norwége, destiné à être le grand mât de quelque vaisseau amiral. » Qu'il est beau, enfin, d'entendre cet ange rebelle, après sa chute d'un empyrée, rugir fièrement ce vers :

 

Better to reign in hell than serve in heaven.

Il vaut mieux régner dans les Enfers que d'être esclave aux Cieux.

.......

Notes de mamiehiou :

 

*Lucifer, "Porteur de lumière" a désigné Jésus, le Christ, pendant les premiers siècles après J.C.

Lucifer a désigné Satan à partir du Haut Moyen Âge. (Traduction de la Bible de l'hébreu en latin par saint Jérôme : La Vulgate - fin XIVe- début XVe siècle, premier livre imprimé par Gutenberg)

 

1Les Hellènes, les anciens Grecs

 

2Vénus-Uranie

[...] Or Mitra ou Anahid ou Anaïtis sont une seule et même déesse, l'étoile du matin ou le génie qui est supposé l'habiter, génie femelle qui préside à l'amour, qui donne la lumière, qui réside aux cieux, la Diana phosphora des Grecs, la Vénus-Uranie [ou Céleste] d'Hérodote,l'Athene ou l'Arthemis Persica de Strabon, Zaretis ou Sohre, qui dans la mythologie des Persans modernes, dirige la marche harmonieuse des astres avec les sons de sa lyre dont les rayons du soleil forment les cordes. (Soukra, la planète de Vénus chez les Hindous) 

Cf. "Religions de l'antiquité considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques", par Georg Friedrich Creuzer, J.D. Guigniaut, 1825. Pages 731, 732.

 

3Jéhovah

Le tétragramme (quatre lettres) hébreu YHWH (יהוה)

ne comportant pas de voyelles, on ne connaît pas la véritable prononciation du nom de Dieu, celle-ci s'est perdue dans la nuit des temps.

Histoire. Les Hébreux s'interdirent de prononcer le nom de Dieu puisque le troisième commandement était : « Tu ne prononceras pas le nom de YHWH en vain... »

Les prêtres ne prononçaient le nom de Dieu dans le Temple de Jérusalem qu'en deux occasions : le Grand Prêtre, dans le Saint des Saints, le jour de l'Expiation, et les prêtres, dans l'enceinte du Temple, lors des bénédictions au peuple, chaque matin.

Un Juif lit   Adonaï lorsqu'il rencontre le tétragramme.

Le chanoine Augustin Crampon (1826-1894), traducteur et exégète de la Bible conserva la transcription  Jéhovah en combinant les consonnes du tétragramme YHWH avec les voyelles du mot hébreu  Adonaï (« Seigneur »)

La Bible de Jérusalem donne Yahvé.

L'Église Catholique préconise aujourd'hui l’appellation « le Seigneur » pour YHWH. 

 

4Jacques Callot, 1592-1635, dessinateur et graveur lorrain fut célèbre pour ses gravures et ses eaux-fortes.

Entre autres oeuvres, Lucifer sur son trône dans les Enfers.

 

5John Milton, 1608-1674, écrivain britannique fit apparaître Satan qu'il nomme aussi Lucifer dans son célèbre long poème en vers Paradise Lost - Le Paradis perdu. Gustave Doré illustra le livre.

 

La chute de Lucifer, Gustave Doré.
(emprunt à Wikipédia)

 

.......

Lucifer du latin lux, lumière et de ferre, porter, apparaît dans la Vulgate (la Bible traduite en latin par saint Jérôme, 347-420) dans le livre d'Hénoch. Il est l'Archange déchu puni par Dieu pour son orgueil. Il entraîna dans sa chute d'autres anges qui devinrent les démons.

.......

« Comment es-tu tombé des Cieux
Astre du Matin, fils de l’Aurore
Comment as-tu été jeté par terre
Toi qui vassalisais toutes les Nations
Toi qui disais en ton cœur :
J’escaladerai les Cieux par-dessus les étoiles de Dieu
J’érigerai mon trône, je siégerai sur la montagne de l’assemblée, dans les profondeurs du Nord,
Je monterai au sommet des nuages noirs
Je ressemblerai au Très Haut
Comment ! Te voila tombé au Schéol, dans les profondeurs de l’abîme »
ISAÏE XIV : 12-15

Esaïe ou Isaïe

.......

Le Paradis Perdu de John Milton, texte en anglais : 

Paradise Lost  by John Milton

 

Traduction de François-René de Chateaubriand du Paradis Perdu de John Milton.

Sur Wikisource : Livre I et suivants 

 

Retrouvez cet article de William Duckett dans Google Books : 

Volume 36 - Lucifer page 46

 

Tous les volumes :

Dictionnaire de la Conversation et de la Lecture - William Duckett - Tous les volumes (lien Books-Google)

 

À lire dans ce blog :

Du plaisir de la lecture des dictionnaires

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11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 13:32

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CONTES, NOUVELLES ET POÉSIES DE MAMIEHIOU

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D'après une histoire historiquement vraie


Le voilà qui paraît sur son drakkar farouche, ivre de sang, ivre de conquêtes, ivre de victoires.
Debout, tel un mât de beaupré, fier, sans foi ni loi.


Il crie à qui veut l'entendre :
"Je suis le maître du monde !"
Il l'est, certes. Et sa voix de tonnerre fait frissonner ses hommes, les valeureux Vikings, tout soumis à son pouvoir suprême, Danois et Norvégiens que l'on nomme Normands.
Ainsi accostent-ils sur notre terre de France.

"J'en ai plus qu'assez de ces pillards sauvages, gronde notre roi Charles. Je veux donner à ce Rollon quelque os à ronger. Cédons-leur donc Rouen et la presqu'île qu'ils affectionnent tant, que lorsqu'ils sont passés nulle herbe n'y repousse."

"Tope-là, dit Rollon. Elle sera normande.

Et dès ce soir, compagnons, nous nous régalerons du beurre de Normandie."
 

C'est ainsi que le Viking fameux nomma la nouvelle terre conquise.

 

C'était en l'an 911.

.......................................................

 Raccourci de l'histoire de Rollon qui devint le Duc de Normandie, Robert Ier le Riche (Raoul, Rodolphe, Ralph...)

 

Retrouvez Rollon au chapitre II de :  

Une petite histoire de la langue française racontée par mamiehiou

 

Texte publié dans "Abribus, La Stéphanoise d'écriture" le 11 décembre 2010

Jeu de la Soupière d'Abribus : Faire un texte court avec Beurre/normand

http://lasoupiere.abribus.over-blog.com/article-texte-jeu-soupiere-beurre-normand-63900335.html

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CONTES, NOUVELLES ET POÉSIES DE MAMIEHIOU

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9 décembre 2011 5 09 /12 /décembre /2011 17:48

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Tautogramme, du grec tauto = même et gramma = lettre.

Un tautogramme est un texte dont tous les mots commencent par la même lettre.

Exemples :

Didon dîna, dit-on, du dos d'un dodu dindon.

On utilise souvent le tautogramme dans le virelangue, phrase ou petit texte difficile à prononcer et même parfois à comprendre.

Chaussez-vous chou, chic et par cher. (pub)

 

Dans "Langage cuit", Robert Desnos, jonglant avec le M et le N nous donne :

"Mon mal meurt mais mes mains miment

Noeuds, nerfs, non anneaux. Nul nord

Même amour mol ? Mames mord

Nus nénés nonne ni Nine."

 

Wikipédia nous propose moult exemples de virelangues, casse-langues, fourchelangues, et cela dans plusieurs langues. Les polyglottes apprécieront.

 

Entre autres, d'anciens virelangues que je m'amusais à dire dans mon enfance :

 

Il était une fois,
Une marchande de foie,
Qui vendait du foie,
Dans la ville de Foix.
Elle se dit ma foi,
C’est la première fois
Et la dernière fois,
Que je vends du foie,
Dans la ville de Foix.

 

Un chasseur sachant chasser sans son chien est un bon chasseur.

 

Pie niche haut,

Caille niche bas,

Hibou niche ni haut ni bas.

 

Quand la phrase est difficilement intelligible, on l'appelle trompe-oreilles.

Chat vit rôt chaud,
Rôt tenta chat,
Chat mit patte à rôt,
Rôt brûla patte à chat, 
Chat lâcha rôt.

Excellent exercice quand on répète très vite ces phrases.

Je veux et j'exige - Je veux et j'exige - Je veux et j'exige - Je veux et j'exige - Je veux et j'exige - Je veux et j'exige - Je veux et j'exige...

La langue en est toute déliée — ou embrouillée !

 

Écoutez, chantées par Ray Ventura,

Les chemises de l'archiduchesse

"Les chemises de l'archiduchesse
Sont-elles sèches archisèches
Pour dire cette phrase avec adresse
Il ne faut pas qu'la langue soit rêche 
Si elle est encore mouillée,
Alors faut répéter :
Les chemises de l'archiduchesse
Sont-elles sèches, archisèches."

 

Jeu entre amis

Chaque participant compose un tautogramme en choisissant une lettre qui commencera par exemple tous les noms et les verbes d'une phrase, ou – plus dur de deux vers.

On peut proposer un thème.

Un exemple de mon cru avec P

Propos provincial pas permis :

"L'patron part pour Paris, les potes. Prêts à parier qu'il s'prend une poivrade, le porc ?

[L'patron paraît]... Pfui ! Peuchère ! Pardon patron !"

Bof !

 

Au lieu d'une lettre, on peut choisir une syllabe qui se retrouvera dans les noms et les verbes.

 

Faites donc faire des tautogrammes à vos enfants. Cela les amusera beaucoup.

On peut leur donner le ou les premiers mots

Exemple : Ma maman... Pour papa... Ces souliers... Paul peut... Cherche... Recherche...

     Ma maman m'a mis mes mitaines aux mains

     Ces souliers sont sans semelles.

     Cherche chihuahua chinois.

 

Voir aussi l'article :

Petits jeux littéraires à pratiquer entre amis sans modération

 

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8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 19:00

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LE FRANÇAIS DANS TOUS SES ÉTATS

 

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Qu'écririez-vous ?

À FAIRE ou AFFAIRE ?

1-Laisse-moi, j'ai ... .

2-J'ai mieux ... que de t'écouter.

3-Qu'ai-je donc ... de ta patience ?

Réponses à la fin de l'article

 

N'hésitez plus longtemps sur le choix que vous avez à faire entre ces deux graphies. Dans la plupart des cas, on a affaire au mot affaire.

 

AVOIR À FAIRE

-Dans le cas où vous devez écrire avoir à faire, vous pouvez le remplacer par devoir faire : la première phrase de cet article devient alors : N'hésitez plus sur le choix que vous devez faire entre ces deux graphies.

Autrement dit, avoir à faire est ce qui est à faire.

J'ai à faire un travail difficile. J'ai un travail difficile à faire.

-Le complément peut ne pas être exprimé :

avoir à faire : avoir du travail, de l'occupation.

       Pourquoi pars-tu si tôt ?

       J'ai à faire /ou J'ai affaire.

-Avoir à faire à, avoir à faire avec :

On a ici à faire à une expression particulière.

-Avoir mieux à faire que de + infinitif, avoir quelque chose de plus important à faire que de... :

J'ai mieux à faire que de m'intéresser à des détails.

 

Et aussi :

Tant qu'à faire

Quand on fait quelque chose, pourquoi s'interdire d'en faire davantage, tant qu'à faire, pendant qu'on y est.

Nuance ironique ou dépréciative.

Tu as acheté dix jouets pour ton fils ? Tant qu'à faire, pourquoi pas toute la boutique ?

 

AVOIR AFFAIRE - UNE AFFAIRE - DES AFFAIRES 

 

Avoir affaire à quelqu'un suppose avoir un rapport avec quelqu'un.

Tous les jours j'ai affaire à toutes sortes de gens.

Dans cette aventure, j'ai eu affaire à un fieffé coquin.

 

Avoir affaire de ou avoir à faire de = avoir besoin de

Qu'ai-je donc affaire de ses compliments fallacieux ?

Ou

Qu'ai-je donc à faire de ses compliments fallacieux ?

 

Avoir affaire peut impliquer un rapport de force.

Il a eu affaire à moi, ce belître !

 

Faire affaire (avec)

ou

Faire des affaires (avec) = faire du commerce, conclure un marché

Dans le même sens on a : un voyage d'affaires, des gens d'affaires, le chiffre d'affaires...

Pour construire ma maison, j'ai fait affaire avec les meilleurs entrepreneurs de la région.

Voilà un homme qui réussit en affaires, ou je ne m'y connais pas.

 

En affaires est complémént d'un adjectif.

Il est vraiment mauvais en affaires, le pauvre homme.

 

Être dans les affaires, faire carrière dans les affaires.

On n'utilisera pas dans ce sens-là l'anglicisme être en affaires (to be in business)

       Que faites-vous dans la vie ?

       —Je suis dans les affaires.

 

Autres emplois

 

Vous souvenez-vous de l'affaire Dreyfus ?

Alors, elle marche bien votre petite affaire ?

Il va régler une affaire importante ce soir.

C'est une affaire d'honneur (un duel)

Toute affaire cessante / toutes affaires cessantes, je vais m'occuper de ce cas particulier. (On interrompt tout ce dont on était en train de s'occuper pour s'intéresser à quelque chose de plus important.)

Tu as vu les belles culottes ? C'est l'affaire du jour ! Je les ai achetées, j'ai fait une bonne affaire.

Elle a pour unique affaire d'empocher ses dividendes.

Regarde Victor jouer avec ses legos, il est tout à son affaire !

Quelle poussière ! C'est l'affaire d'un coup de plumeau !

      —Il va se casser les reins !

      —Laisse tomber, j'en fais mon affaire.

Entre ma soeur et ton frère, c'est une affaire d'amour. (a love affair)

Connaissez-vous madame De*? Elle est en affaire avec Herr Von**!

Le problème des pays européens est une affaire de dettes.

Arrêtez ! N'en faites pas toute une affaire !

             —Pas terrible, ce livre.

      —C'est une affaire de goût.

Ce poste que vous briguez fera votre affaire.

Ah si je le tiens, je lui ferai son affaire ! (Je le punirai. ou Je le tuerai.)

Ça y est, l'affaire est conclue !

Le recyclage des déchets, c'est l'affaire de tous.

Vous êtes irritable, ma chère. Auriez-vous vos (petites) affaires ? (vos règles)

Arrête de fouiller dans mes affaires !

Il vaut mieux avoir affaire à Dieu qu'à ses saints.

Il m'a mis sur une affaire. (populaire, un délit, un crime)

J'ai eu une affaire avec lui. (Je me suis battu)

J'ai sauté sur cette affaire en or.

Il m'a proposé une affaire juteuse.

J'ai de l'affur, de l'afflure. (argot, j'ai de l'argent)

Il s'affourche sur ses ancres. (argot. Il se retire des affaires)

Tu vas avoir affaire avec le pavé / avec l'asphalte. (argot. Tu vas tomber.)

 

Viennent du mot anglais business, affaires, les expressions argotiques :

*bizenesse, bissness, bisness, biseness, bisenesse, bizness, bisnesse, être au business, faire le business, faire le bisness, faire le bizness, aller au bisness, faire son business, faire le biseness.

Business is business.

 

Œuvres

"Les Affaires sont les Affaires." (On ne mêle pas le sentiment dans des affaires d'argent) Comédie d'Octave Mirbeau – 1903.

"Une Ténébreuse Affaire", roman de Honoré de Balzac, 1841.

 

ÉTYMOLOGIQUEMENT, affaire vient de à faire.

 

S'affairer (à quelque chose – à faire quelque chose), être très occupé – Le sujet peut montrer une certaine agitation.

Je voyais chaque jour ma mère s'affairer sans relâche au ménage.

L'affairement, activité excessive.

Elle aimait la campagne et fuyait, étourdie, l'affairement des villes. 

 

>>Récapitulation des articles : "Ne pas confondre... "

 

Pour en savoir +

Lexicographie- CNRTL  (Le Trésor, le Dictionnaire de l'Académie, etc.) 

 

Dictionnaire Littré en ligne

 

Pour la langue familière, populaire, argotique, reportez-vous à :

   Bob  - ABC de la langue française

 

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LE FRANÇAIS DANS TOUS SES ÉTATS

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Qu'écririez-vous ?

À FAIRE ou AFFAIRE ?

Réponses :

1-Laisse-moi, j'ai à faire Ou j'ai affaire.

2-J'ai mieux à faire que de t'écouter.

3-Qu'ai-je donc à faire OU affaire de ta patience ?

 

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4 décembre 2011 7 04 /12 /décembre /2011 16:53

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Jamais, adverbe de temps = à un moment quelconque, en un jour quelconque, en un temps quelconque. Jamais, par lui-même, n'est pas négatif. Cf. Littré

Ne jamais, adverbe avec la négation = en nul temps

Jamais : à un moment quelconque, en un jour quelconque, en un temps quelconque

Avez-vous jamais vu un film aussi effroyable ?

On notera, dans la langue courante et familière qu'on dit souvent :

 N'as-tu jamais vu un film aussi effroyable ? OU Tu as déjà vu un film aussi effroyable ?

Pour dire :

As-tu jamais vu un film aussi effroyable ? T'est-il arrivé de voir un film aussi effroyable ?

Il m'est plus attaché que jamais.

Son fils est très dévoué, s'il en fut jamais.

J'ignore s'il a jamais avoué.

A-t-on jamais vu pareil énergumène ?

Parviendra-t-il jamais au but qu'il s'est fixé ?

Vit-on jamais visage plus gracieux ?

Si vous venez jamais me voir, je vous ferai goûter de mon thé de Chine

Ou, tour plus courant : Si jamais vous venez me voir...

 

Interrogation supposée entraîner une réponse négative :

M'avez-vous jamais rien refusé ?

 

Notez le conditionnel dans :

Si jamais vous auriez dû faire votre déclaration, c'était bien avant qu'elle se marie.

Si jamais vous auriez dû gagner au loto, c'eût été ce jour-là.

 

Dans une proposition relative avec le subjonctif, après un superlatif dans la proposition principale, ou après le premier, le dernier, le seul, l'unique...

C'est un des plus beaux spécimens que j'aie jamais rencontrés.

C'est l'explication la plus claire que j'aie jamais lue.

 

Ne jamais : en nul temps

Phrases négatives ou de sens négatif

 

Vous ne m'avez jamais autant aimée.

Parlez-moi de votre attente jamais désespérée.

Quand je songe douloureusement que, dans sa longue vie, elle n'a jamais connu aucun homme qui l'eût aimée, jamais entendu de douces paroles, jamais senti la caresse d'un être qui lui fût cher, je ne puis retenir mes larmes.

La plupart des femmes n'ont-elles jamais connu la compréhension d'un ami dévoué, et n'ont jamais reçu tous les égards qui leur sont dus !

Moi qui, de toute ma vie, ne me suis jamais fait emberlificoter !

Jamais désespoir ne servit de rien, c'est ce qu'elle dut se dire avant de se venger

ne servir à rien (expression courante)

ne servir de rien (expression vieillie et littéraire)

Nous fûmes toutes prêtes à exécuter un projet qui n'étonne jamais que soi.

La mère et sa fille se dirent que, moins que jamais, elles ne succomberaient au charme de ce voyou.

Moins que, pas plus que.

Moins que suivi de jamais, est un renforcement de jamais.

Ah ! Que cette petite peste ne fût jamais la passion de mon coeur !

 Souhait impossible.

 

Place de jamais :

Jamais je ne l'aimerai. Jamais plus je ne l'aimerai.

Je ne l'aimerai jamais. Je ne l'aimerai plus jamais.

Je ne l'ai jamais aimé. Jamais je ne l'ai aimé. 

Jamais au grand jamais je ne le reverrai.

Il ne m'a encore jamais parlé.

 

Jamais encore

On t'a demandé de t'épouser ? Jamais encore je ne t'avais vue aussi radieuse !

 

Plus jamais - jamais plus - Jamais, au grand jamais -

> renforcent jamais.

Tu ne feras plus jamais ça ? Jure-le-moi !

Jamais, au grand jamais je ne le referai !

 

Jamais - expressions (familières) synonymes

Quand les poules auront des dents

À la Saint-Glinglin

 

Place de EN & de Y :

Petit exercice :

 Placer y ou en dans les phrases suivantes :

Tu m'as confié un secret et je te promets de ne jamais parler.

Je me suis promené dans le petit bois près de chez moi et j'ai eu tellement peur que je jure bien de ne jamais retourner.

Tu m'as dit que je ne pourrais jamais faire allusion.

Ma mère a fait des croquants délicieux et elle m'a demandé de ne jamais goûter. Quel supplice !

Correction

JAMAIS précède le verbe à l'infinitif

Tu m'as confié un secret et je te promets de n'en jamais parler.

Je me suis promené dans le petit bois près de  chez moi et j'ai eu tellement peur que je jure bien de n'y jamais retourner.

Tu m'as dit que je n'y pourrais jamais faire allusion.

Ma mère a fait des croquants délicieux et elle m'a demandé de n'y jamais goûter. Quel supplice ! (de ne jamais goûter à ces gâteaux)

OU

Ma mère à fait des croquants délicieux et elle m'a demandé de n'en jamais goûter. Quel supplice ! (de ne jamais goûter de ces gâteaux)

> La place de Y et de EN dans la phrase.

 

 Jamais, même sans négation, par ellipse d'une négation impliquée dans ce qui précède = en nul temps.

 

Avez-vous été à Paris ?

Jamais.

Comme elle est indifférente ! Jamais l'ombre d'un sourire.

 

Phrase adverbiale averbale (sans verbe)

Moi Arsène, un brigand, un voleur, jamais !

 

Il travaille sans jamais rien dire.

sans jamais (sans négatif)

 

Autres tours

 

C'est le cas ou jamais.

Je suis guérie à tout jamais de l'envie d'en connaître un autre qui lui ressemble !

Par ce serment, nous serons liés à jamais.

Adieu pour jamais !

Locutions adverbiales, à jamais, à tout jamais, pour jamais = pour toujours, dans tout le temps à venir.

Tiens, prends cet argent, si jamais...

(pour le cas où... sinon... parce que... au cas où)

Langue familière, phrase suspendue contenant une éventualité.

Ces expressions si jamais, au cas où, en cas, pour le cas où, peuvent se figer et signifier le cas échéant, à toutes fins utiles.

Prends ton parapluie si tu sors, si jamais. (au cas où, plus courant que si jamais)

Je ferai cela en mil huit cent (=jamais). cf. Littré

 

 Phrases exclamatives

Plus jamais ça !

Jamais de la vie ! en aucun cas, absolument jamais

Jamais de jamais ! absolument jamais.

 

Expressions courantes

On ne sait jamais.

Sait-on jamais ?

C'est le moment où jamais

 

Substantifs formés sur jamais

Jamais-dit (vu, entendu, etc.), substantif masculin singulier. Ce qui n'a jamais été dit (vu, entendu, etc.)

-le sentiment de jamais-vu

-Doit-on craindre le jamais-dit ?

 

La Jamais Contente.

Nom donné à la voiture qui a dépassé pour la première fois les cent kilomètres à l'heure.

 

On dit proverbialement :

 

La semaine des trois jeudis, trois jours après jamais.

N'avouez jamais. (Sagesse populaire)

Mieux vaut tard que jamais.

Il ne faut jamais désespérer.

Jamais deux sans trois.

Bien mal acquis ne profite jamais.

Un malheur n'arrive jamais seul (Rabelais)

etc.

 

Étymologie

Jamais vient de , déjà et de mais, adverbe latin magis qui signifie plus, davantage.

  > déjà et jamais.

L'ancien adverbe mais est conservé dans l’expression figée N’en pouvoir mais.

Je n'en peux mais >  je n'en peux plus, je n'en suis plus capable.

On la retrouve aussi dans l'adverbe désormais (synonymes : dorénavant, d'ores et déjà)

 

Oncques = synonyme de jamais (du lat. umquam ; avec s adverbial (oncques, onques, onc)

vieux terme, emploi littéraire ou pour plaisanter.

Oncques ne vit-on plus galant homme. Je l'aimai et ne fus oncques plus malheureuse.

 

Des livres et des films

 

Jamais sans ma fille (Not Without My Daughter) est un roman autobiographique écrit par Betty Mahmoody publié en 1987. On en a tiré un film en 1991, réalisé par Brian Gilbert avec Sally Field.

Jamais plus jamais, Never say never again, 1983, film britannique réalisé par Irvin Kershner

Je me souviens à l'époque d'une interview de Sean Connery (James Bond) qui précisait que le titre du film "Jamais plus jamais" avait été imaginé par sa femme, française, Micheline Roquebrune, qui, disait-il, avait toujours de bonnes idées.  

L’An 2440, rêve s’il en fut jamais, roman de science fiction de Louis-Sébastien Mercier, 1771.

Vous pouvez trouver le texte sur Wikisource :

L’An deux mille quatre cent quarante

 

Pour plus de précisions et de citations d'auteurs, reportez-vous, entre autres, aux dictionnaires suivants sur la toile.

Lexicographie- Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales

Il propose : Le Trésor de la Langue Française, le Dictionnaire de l'Académie, etc.

 

Dictionnaire universel de Furetière (1690)

"JAMAIS, adverbe de temps, qui se dit de toute la succession des siècles, des temps passez & futurs." Furetière

(passez, pour passés)

 

Dictionnaire Littré en ligne

 

>> Retour au début de l'article

 

Juin 2013

Une internaute me fait remarquer que j'aurais dû écrire :

"Si jamais vous aviez dû gagner au loto c'eût été ce jour là", au lieu de "si jamais vous auriez dû gagner au loto..."

Je réponds :

"Si jamais vous auriez dû gagner au loto c'eût été ce jour là", l'emploi ici du conditionnel est spécifique dans la proposition subordonnée commençant par si jamais.
Pour justifier le conditionnel présent après si, je peux vous signaler une remarque que vous trouverez dans mon article sur Si + indicatif, subjonctif ou conditionnel, quel mode choisir ?

À savoir :
Dans certains cas, quand le présent de l'indicatif ou l'imparfait ne peuvent exprimer la nuance voulue, on trouve le conditionnel après "si".
Exemple : Il semble que si tu devrais te sentir bien dans ta peau, c'est un peu grâce à moi.

 

Autres adverbes et locutions adverbiales de temps 

adverbes

alors

après-demain

aujourd’hui

auparavant

aussitôt

autrefois

avant-hier

bientôt

continuellement

déjà

demain

derechef

désormais

dorénavant

enfin

encore

ensuite

entre-temps ou entretemps

hier

incessamment

incontinent = aussitôt

jadis

jamais

longtemps

maintenant

naguère = récemment

- On l'utilise abusivement dans le sens d'autrefois.

présentement - vieilli, courant au Québec, cf. le Bon usage.

puis

quand (interrogatif)

parfois

piéça, terme vieilli : il ya longtemps, il y a quelque temps

plus

quelquefois

sitôt

soudain

souvent

subito, subito presto, illico presto (familier)

tantôt

tard tôt (plus tôt, à ne pas confondre avec plutôt = de préférence)

toujours 

locutions adverbiales de temps :

d'ores et déjà

de temps en temps

en peu de temps

avant longtemps

au bout d'un temps

avec le temps

de tout temps

dans le temps

la plupart du temps

quelque temps

peu de temps avant / après

à jamais

pour toujours

des fois

souventes fois, terme vieilli

tout de suite

de bonne heure

sur l'heure

à l'instant, à l'instant même

à chaque instant,

à tout instant, à tous (les) instants

d'instant en instant

sur-le-champ

en ce moment

à ce moment-là

à tout moment , à tous moments (plus rare)

dans le moment (même), littéraire

d'un moment à l'autre

par moment, par moments (+ rare)

pour le moment

sur le moment, sur l'instant (rare)

etc.

 

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LE FRANÇAIS DANS TOUS SES ÉTATS

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28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 09:43

Langue usuelle et langue littéraire

 

La langue officielle de la France de Louis XIV, académique et littéraire, se parle surtout chez les gens cultivés, les aristocrates et les bourgeois. La population française — qui compte à cette époque 20 millions d'âmes — à 99% analphabète, comme dans toute l'Europe d'ailleurs, continue de pratiquer les langues régionales, à tel point qu'un voyageur parcourant la France du nord au sud a souvent de grandes difficultés à se faire comprendre.

En témoigne Jean Racine qui voyage en 1661 de Paris à Uzès et raconte : « J'avois commencé dès Lyon à ne plus guère entendre le langage du pays et à n'être plus intelligible moi-même. » On lui apporte un « réchaud de lit » ou une « botte d'allumette », alors qu'il demande un « pot de nuit » ou des « petits clous à broquettes ». Il ne rencontre même pas un seul curé ni un seul maître d'école qui sache répondre par autre chose que des « révérences » à son « françois » (prononcer [franswè]) inintelligible pour eux. La différence entre les parlers du Nord et ceux du Sud était tellement évidente qu'un résident du Sud utilisait l'expression « aller en France » lorsqu'il voyageait dans le Nord.*

En outre, par souci d'un purisme excessif (voir le chapitre précédent) le vocabulaire ne s'enrichit pas, sauf par un certain nombre d'emprunts à l'italien (188 mots), à l'espagnol (103 mots), au néerlandais (52 mots) et à l’allemand (27 mots). Quant à la phrase, elle se raccourcit et [se simplifie] dès le début du règne de Louis XIV; on [délaisse] les longues phrases guindées de Corneille. Dans la grammaire, il n'y [a] pas de faits nouveaux remarquables, sauf la disparition du -s du pluriel dans la prononciation, lequel reste, depuis, uniquement un signe orthographique.*

 

La Préciosité

 

Vers 1608, Catherine de Vivonne, Marquise de Rambouillet, surnommée "L'incomparable Arthénice" accueille dans le salon de son Hôtel bon nombre de gens du monde, de seigneurs et d'écrivains dont Malherbe, Vaugelas, Ménage ; s'y joindront plus tard Madame de Sévigné, Madame de La Fayette, Julie d'Angennes (que l'on honorera avec La Guirlande de Julie) etc. Le poète et prosateur galant Vincent Voiture, "l'âme du rond", anime le cercle.

Les Précieux et les Précieuses "châtient le style", dédaignent la langue commune, et se livrent à des excès jusqu'à ne plus appeler un objet par son nom mais par des périphrases.** Le miroir devient "le conseiller des grâces", les joues, "les trônes de la pudeur", une perruque, "la jeunesse des vieillards", les dents, "l'ameublement de la bouche", le nez ," les écluses du cerveau", les seins, "les coussinets d'amour", le chapeau, "l'affronteur des temps", être en couches, c'est "sentir les contrecoups de l'amour permis". On se livre à des comparaisons galantes et les adverbes sont légion : furieusement, terriblement, épouvantablement.

Aux préciosités du langage s'ajoutent la préciosité des sentiments et celle des manières.

Molière se moquera des excès de ce langage dans sa pièce Les Précieuses Ridicules (1659) qui remportera un grand succès, à la Cour comme à la ville.

Les Précieuses – c'était surtout une affaire de femmes - ont exercé, malgré tout, on le reconnaît, une heureuse influence sur le langage.

 

Nicolas Boileau 1636-1711

"Le législateur du Parnasse", poète, écrivain, critique.

 

"Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,

Et les mots pour le dire arrivent aisément."

"Art poétique, Chant I"

 

Boileau est un théoricien de l'esthétique classique en littérature, l'un des chefs de file du clan des  Anciens  dans la querelle des Anciens et des Modernes, une polémique littéraire au coeur de l'Académie française à la fin du XVIIe siècle.

L'auteur classique est celui en qui la critique ne peut que noter des qualités [...] le classique poursuit surtout ce qui est régulier, harmonieux, au point que la perfection de chacune de ses parties assurent la perfection indiscutable de l'ensemble. Les fautes de grammaire, de goût, de jugement, trouvent en Boileau un critique implacable et il a été pour lui-même le censeur austère qui tâche de remédier à toutes les défaillances et vise au beau absolu [...] « Sans Boileau, dit Sainte-Beuve (critique du XIXe siècle), Racine, je le crains, aurait fait plus souvent des Bérénice, La Fontaine moins de Fables et plus de Contes, Molière lui-même eût donné davantage dans les Scapin et n'aurait pas atteint aux hauteurs sévères du Misanthrope. »**

 

Le Dictionnaire Universel

d'Antoine Furetière 1619-1688

Lorsque Antoine Furetière décide d'écrire son dictionnaire, il doit faire face aux foudres de l'Académie qui se réserve le monopole de la publication de la production lexicographique. Il est accusé de plagiat et son dictionnaire ne sera publié qu'après sa mort en 1890, et à Rotterdam.

Pour en savoir + sur cette affaire, lire : Dictionnaire Universel de Furetière, 1690

 

Titre complet : Dictionnaire françois, contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise : Ses Expressions Propres, Figurées & Burlesques, la Prononciation des Mots les plus difficiles, le Genre des Noms, le Régime des Verbes : Avec Les Termes les plus connus des Arts & des Sciences. Le tout tiré de l'Usage et des bons Auteurs de la Langue françoise.

 

C'est le meilleur dictionnaire du XVIIe siècle et le premier dictionnaire encyclopédique au monde (45 000 articles)

Vous pouvez le consulter en ligne :

Gallica - Furetière, Antoine (1619-1688). Dictionnaire universel

 

          Retrouvez Furetière dans ce blog :

          Le A au fil des dictionnaires

          La Vérité, toute la Vérité, rien que la Vérité...

.......
 

François Malherbe, René Descartes, Pierre Corneille, Blaise Pascal, Jean-Baptiste Poquelin dit Molière, François de La Rochefoucauld, Mme de La Fayette (Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, comtesse de  La Fayette), Mme de Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné),  Jean Racine, Jean de La Fontaine, Jacques-Bénigne Bossuet, Charles Perrault, Jean de La Bruyère, François de Salignac de La Mothe dit  Fénelon...

Le Grand siècle, dont Voltaire disait qu'il fut "le siècle du génie", s'illustre des plus grands noms de notre littérature, écrivains, philosophes, conteurs et poètes, qui nous ont légué, chacun dans son style et sa langue propre, des oeuvres remarquables, oeuvres que le monde entier nous envie. Sachons, encore aujourd'hui les lire et les aimer.

.......

 

Références

*D'après Jacques Leclerc, Histoire de la langue française, Site, agence intergouvernementale de la francophonie.

**cf. Histoire de la Langue et de la Littérature française, Louis Petit de Julleville, 1841- 1900. Editions Armand Colin

 

Nota bene

Conseil de Boileau pour les écrivains en herbe... et les autres :

"Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez."
Art Poétique, Chant I
 

  UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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>>> Chapitre précédent (12) : À l'aube de la langue classique - Les grammairiens façonnent notre langue - Malherbe - Vaugelas - l'Académie Française
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23 novembre 2011 3 23 /11 /novembre /2011 17:40

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1re Partie - Définitions

 

 

Un champ lexical est un groupe de mots qui appartiennent à la même catégorie syntaxique (nom, verbe, adjectif, adverbe, etc.) et qui se rapportent à une même idée. 

Exemples :

- champ lexical de "déplacement" : voyage, promenade, flânerie, balade, excursion, errance...

- champ lexical de "se déplacer" : voyager, se balader, errer, vagabonder, arpenter, filer, rouler, se trimbaler (ou se trimballer), trotter, galoper, courir, voler, traîner, se baguenauder, musarder...

Ces mots, s'ils sont liés par le sens, n'appartiennent pas au même registre de langue.

 

Niveaux de langue - Registres de langue 

Le niveau de langue d'un locuteur correspond à la connaissance qu'il a du français, Il dépend de son instruction.

On distingue le niveau intellectuel, le niveau moyen et le niveau populaire.

 

Les registres de langues dépendent des circonstances où se trouve le locuteur au moment où il parle. Il peut utiliser divers registres.

Registre familier, très familier, soigné, soutenu ou précieux. 

 

Les registres ou les styles

1-Style soutenu, littéraire, langue soignée, style châtié : style recherché et soigné. Il s'emploie en littérature. Vocabulaire rare. Tournures et figures de style recherchées.

Emploi du passé simple et du passé antérieur, du subjonctif imparfait et plus-que-parfait.

>>Pour une recherche sur le subjonctif, lire les articles :

Valeurs et emplois du subjonctif

 La conjugaison des verbes au subjonctif - Comment déjouer ses difficultés

 

Employés à l'oral, ces temps (surtout ceux du subjonctif) peuvent donner l'impression d'un style ampoulé ou emphatique et provoquer des moqueries si le locuteur ne s'y adonne pas par plaisanterie.

>>Vous pouvez lire les définitions de ampoulé, emphatique ou d'autres mots difficiles dans les dictionnaires du Trésor et de l'Académie sur le site du CNRS :  Lexicographie- CNRTL 

 

2-Style courant : il est employé à l'oral comme à l'écrit. Style correct dans des phrases échangées entre professionnels ; on l'entend dans les discours politiques ; il est utilisé par les journalistes, par les professeurs et leurs élèves, etc. On dit aussi langue neutre.

 

3-Style familier : il se permet certaines incorrections dans les échanges entre familiers, entre copains, etc.

Il peut s'utiliser pour rabaisser un interlocuteur qui mériterait plus de respect, en le traitant comme un familier.

 

4-Style populaire  : il appartient à des groupes sociaux particuliers, étudiants, ados, etc. Il est propre aux couches les plus modestes de la société, au peuple, et inusité par les gens cultivés.

 

5-Argot : sociolectes, parlers des groupes sociaux qui visent à exclure tout individu n'y appartenant pas, en utilisant un langage "chiffré", afin de n'être pas compris par les non-initiés (entre autres verlan et louchébem).           

>> Voir l'article :  Verlan et Louchébem - Comment ces langues fonctionnent    

 

ARGOT dans Le Dictionnaire de l'Académie 8e édition : 

Langage de convention dont se servent entre eux les malfaiteurs. L'argot des rôdeurs de barrière se renouvelle sans cesse. Le poète Villon nous a transmis des termes d'argot du XVe siècle. Il se dit, par extension, des Mots et tours particuliers qu'adoptent entre eux ceux qui exercent la même profession ou vivent dans un même milieu social. L'argot des peintres, des écoliers. L'argot des coulisses. L'argot de la Bourse.

 

6-Mots vulgaires (triviaux, grossiers, ou orduriers) ou argotiques, ils appartiennent à la langue du "bas peuple". Ils sont prononcés en toute connaissance de cause, pour choquer, pour provoquer celui qui les entend.

La vulgarité ne se trouve pas seulement dans les mots mais aussi dans l'attitude, la gestuelle, le comportement de ceux qui n'ont aucune élévation morale. Elle se manifeste (malheureusement ?) chez certains humoristes, chez les malades atteints du "syndrome" de Gilles de La Tourette, etc.

 

Le mot vulgaire peut ne pas avoir de sens péjoratif et signifier : qui est de la langue orale (en opposition à la langue écrite), la langue courante (par opposition à la langue scientifique).

Exemple : Le latin vulgaire, langue parlée au Moyen Âge, s'opposait au latin écrit des clercs.

La vulgarisation est le fait d'adapter des notions scientifiques pour qu'elles soient compréhensibles par tous.

 

7-Jargon

Ce mot a plusieurs acceptions. Entre autres :

1-Synonyme d'argot. Sens donné au Moyen Âge à une langue comprise par les seuls initiés, voir ci-dessus §5.

2-Code linguistique incompréhensible à ceux qui ne font pas partie du groupe (socioculturel ou professionnel) qui le pratique.

Exemples : jargon médical, sportif, philosophique, judiciaire, jargon des grandes écoles, des métiers, des sectes, jargon des sciences, de la linguistique, etc.

3-Par extension une langue ou des propos que l'on ne comprend pas. Mais qu'est-ce que c'est que ce jargon ?

 

8-Mot archaïque, archaïsme, mot désuet ou tombé en désuétude, inusité de nos jours, vieilli (datant d'une autre époque).

>> Archaïsme ! Fleur fanée, oubliée sur la page d'un vieux livre. Reviens à la vie, l'espace d'un instant !

 

9-Régionalisme : expression linguistique propre et limitée à une région. Le parler régional.

 

 

2e partie - Variations

 

 

Comment peut-on dire d'une autre façon, les phrases suivantes ?

Cet exercice peut donner lieu à un jeu entre amis.

Vous donnez une phrase, vous laissez une minute de réflexion et chacun donne ensuite une phrase de sens proche dans un style semblable ou différent.

1-Veuillez vous retirer, je vous prie.

 

2-Même si vous continuiez à me mentir, je ne vous le reprocherais pas.

 

3-Peu m'importe qu'il soit parti, je ne l'aimais plus.

 

4-Un peu plus, je le giflais.

 

5-Je ne peux pas croire qu'il soit si naïf !

 

6-Ai-je dit cela ? C'est peu probable.

 

Précisez le registre de langue pour chaque phrase

Les fautes de français sont soulignées. Par exemple, omission de l'adverbe de négation NE dans le style familier - ou populaire

 

Propositions

 

1-Veuillez vous retirer, je vous prie.

 

Je vous prierai de sortir. (futur de politesse)

 

Je vous demanderai de sortir. (futur de politesse)

 

Veuillez sortir s'il vous plaît / je vous prie.

 

Sortez !

 

Disparaissez  !

 

Disparaissez de ma vue !

 

Hors de ma vue !

 

Ôte-toi de ma vue !

 

Hors d'ici !

Harpagon à La Flèche -" Hors d'ici tout à l'heure, et qu'on ne réplique pas ! Allons, que l'on détale de chez moi, maître juré filou, vrai gibier de potence !" Dans l'Avare de Molière

 

 Allez, sors !

 

La porte !

 

De l'air !

 

Casse-toi !

 

Dégage !

 

Lanturlu* !

 

2-Même si vous continuiez à me mentir, je ne vous le reprocherais pas.

 

Dussiez-vous poursuivre vos fabulations, je ne vous en ferais aucun reproche.

Fabulation, bavardages mensongers

>>Pour en savoir + sur dussiez-vous, lire l'article :

je dusse, dussé-je, dussè-je ...

 

Vous continueriez à m'en faire accroire que je ne vous blâmerais en rien. 

>>Voir accroire dans l'article :

Les défectifs -Pour peu qu'il vous en chaille !

 

Quand bien même tu continuerais à me dire des mensonges, je ne t'en tiendrais pas rigueur.

>>Voir l'article

Quand - quand (bien) même - quand bien – même quand

                         et l'article sur Même si  

 

Que tu me mentes encore, tant pis, je ne t'en ferai pas grief.

 

Tu peux toujours me donner de la gabatine*, je broncherai pas.

 

Tu auras beau me gonfler le mou, je te ferai pas d'aubade.

 

Dis-moi des menteries, lâche-moi des gasconnades*, ça craint pas que je te galvaude*.

 

Continue à me conter des bobards, t'inquiète, je ne te dirai pas la messe.

Bobard, bobarderie, bobard à la graisse de chevaux de bois.

T'inquiète = ne t'inquiète pas

 

Sache que si tu me bourres encore la pipe, je te dirai rien !

 

Tu me fais avaler des couleuvres mais je te chenaillerai pas. 

 

Conte-moi des gausses* et je te laisserai faire.

 

Tu peux toujours me raconter des salades, je t'amasserai pas.

 

3-Peu m'importe qu'il soit parti, je ne l'aimais plus.

 

Peu me chaut qu'il m'ait abandonnée, je n'éprouvais plus de sentiment pour lui.

>>Voir chaloir dans l'article : 

Les défectifs -Pour peu qu'il vous en chaille !

 

Quelle importance qu'il m'ait laissée choir ? Je ne le portais plus dans mon coeur !

 

Je me moque qu'il m'ait laissé tomber, il n'y avait plus rien entre nous.

>> Voir 

L'accord problématique des participes passés FAIT et LAISSÉ - Ils se sont fait ou faits / Elle s'est fait ou faite / Ils se sont laissé ou laissés...

          

Cela m'est égal qu'il ait rompu, je ne suis plus folle de lui

 

Je me fiche s'il m'a laissée toute seule, on ne s'aime plus.

 

Il m'a plaquée, tant pis, je l'ai plus dans la peau.

 

Il m'a quittée, basta ! j'en ai rien à cirer. je pouvais plus le gober.

 

Il m'a jetée. Je m'en fous complètement. Je le kiffais plus

se/s'en foutre, vulgaire

 

Il s'est tiré. Je m'en bats les c.... Je pouvais plus le blairer.

s'en battre les c..., vulgaire, très vulgaire.

 

4-Un peu plus, je le giflais.

 

Il ne s'en fallut guère que je ne lui donnasse un soufflet.

 

Il s'en fallut peu de choses que cela n'allât me pousser à le corriger.

 

Peu s'en fallut que je ne vinsse à le souffleter. 

 

Il s'en est fallu de peu que je ne lui donne une bonne calotte.

 

J'ai bien failli le calotter.

 

Un peu plus et il recevait une tarte.

 

Un peu plus je lui donnais une baffe.

 

Tout juste s'il recevait pas une claque.

 

Il aurait bien mérité une torgniole. Mais je me suis retenue.

 

Il a failli morfler une beigne.

>>Voir faillir dans l'article :

Les défectifs -Pour peu qu'il vous en chaille !

 

Synonymes :

a-style :

-soutenu :un soufflet

-courant : une gifle

-familier : une calotte, une tarte, une claque

-populaire : une torgniole, une beigne, une baffe, une mornifle, un beignet, un emplâtre, une giroflée, une girofflée à cinq feuilles*, un pain, une talmouse (populaire, vieilli) etc.

b-Souffleter, gifler, calotter, girofletter (par plaisanterie), etc.

 

>> Voir aussi l'article : 

Pour un peu, un peu plus, il s'en faut peu de choses, il s'en faut beaucoup, il ne s'en est fallu guère, il s'en faudrait peu, il s'en faut de beaucoup, de peu...

5-Je ne peux pas croire qu'il soit si naïf.

 

À mon avis, il est très improbable qu'il ait des facultés intellectuelles aussi limitées : il joue au candide à coup sûr.

 

Je doute qu'on ait affaire à un handicapé mental. Assurément il veut se faire passer pour simple d'esprit.

 

Qu'il est sot ! Qu'il est niais ! C'est à n'y pas croire !

On n'emploie plus beaucoup sot dans le sens de niais de nos jours.

 

Est-il possible qu'il soit aussi simplet ? J'en doute.

 

Ingénu à ce point ? Mais je rêve !

 

Je n'en reviens pas qu'il soit si bête.

 

Difficile d'imaginer qu'il soit nigaud à ce point ! Voilà ce que je pense. 

 

Vise ce grand gille*! Il se la joue ou quoi ? 

 

Dis, c'est pas Dieu possible un jaquesu * pareil ! 

 

Il arrête pas  de faire le malitorne*, le jeannot*. Mais —  j'y crois pas !

 

Quelle poire !  Quel benêt ! Quel godiche ! J'aurais jamais cru ça de lui !

 

C'est pas vrai ! Il est vraiment bouché ou quoi ?

 

Incroyable ! Il est à la masse, le blaireau !

 

Je te fiche mon billet qu'il n'est pas si naze qu'il paraît.

 

Il fait le jobard ou je m'y connais pas.

jobar, jobart, jobard.

 

Le gogotte ! Tu le crois, toi ?

 

Quel c... ce type ! C'est impensable ! 

 

6-Ai-je dit cela ? C'est peu probable.

 

Est-il vraisemblable que j'aie dit cela ?

Qui donc a dit cela si ce n'est moi. Mais j'en doute fort.

Je n'ai pas dit cela, n'est-pas ?

Est-ce que j'ai dit cela ? C'est invraisemblable !

Il est bien improbable que j'aie dit cela.

Il est douteux que j'aie dit cela.

Je doute que j'aie pu dire une chose pareille !

Nul doute que je n'ai pas dit cela.

Il n'y a aucun doute, je n'ai pas dit cela.

C'est vrai que j'ai dit ça ? Moi ? Qu'est-ce que tu me chantes !

Mais qu'ai-je dit ? Et tu crois que c'est moi qui ai dit cela ?

Qu'est-ce diable que j'ai dit ? Mais de qui se moque-t-on ?

Qu'est-ce donc que j'ai dit ? Impossible ! 

Qu'ai-je donc dit ? ―...... ― Non !

Qui est-ce qui a dit ça ? Moi ? Tu déparles !

N'est-ce pas que j'ai pas dit ça ?

C'est pas possible que j'aie dit ça ! À d'autres !

J'y crois pas. Ça, c'est pas moi qui l'a dit ? > ai dit

J'ai pas pu dire ça quand même ! Tu charries !

J'ai dit ça ? Ça alors ! 

C'est-y moi qui a dit ça ? (> ai dit) Allons bon !

J'ai dit quoi ? Je rêve ! Tu débloques !

C'est qui qui a dit ça ? C'est moi ? Tu déconnes (très vulgaire)     

J'ai vraiment dit ça ? Ça craint !

 

>>Voir l'expression du doute :

Douter que, se douter que / Je doute que, nul doute que, il n'est pas douteux que... Je me doute que, il ne se doute pas que... + indicatif ou subjonctif ? 

  .................................................................................  

*Les mots marqués de l'astérisque sont des archaïsmes que vous pouvez trouver dans :

 

-Lanturlu ! Allez au diable, allez vous faire fiche !

-Gabatine, fourberie, subtilités, menterie, phrases flatteuses et galantes, cajoleries.

-Gasconnade, menterie, langage de gascon.

-Galvauder, traiter quelqu'un avec hauteur, le maltraiter de paroles, l'injurier. 

-Conter des gausses, faire des mensonges badins et plaisans, lâcher des gasconnades.

-Une girofflée à cinq feuilles, donner à quelqu'un une girofflée à cinq feuilles, lui donner un soufflet.

-Gille, un grand gille, sobriquet que l'on donne à un niais, à homme d'un esprit simple et borné.

-Jauquesu, sobriquet injurieux et méprisant qui équivaut à badaud, ignorant, jocrisse, niais.

-Malitorne pour sot, niais, stupide et malbâti.

-Un jeannot, un grand jeannot, terme d'injures et de mépris qui se dit d'un homme borné et innocent. 

.................................................................................   

En lexicologie, le champ sémantique d'un mot est l'ensemble de ses sens différents selon le contexte où il est employé.

Exemple :

Temps : le temps qu'il fait, le temps qui passe, le temps jadis...

 

On associe ces deux notions, champ lexical et champ sémantique, on les confond souvent.

................................................................................. 

D'après le Bon Usage (le Grevisse)

"La sémantique étudie la signification, le contenu du message, le signifié."

............................................................

Champ lexical et catégorie sémantique 

>>Voir l'étude savante de Françoise Labelle :

SÉMANTIQUE LEXICALE 

................................................................................. 

Pour la langue familière, populaire ou argotique, reportez-vous donc à Bob dans  ABC de la langue française

Il est vraiment trop !  

..............................................................

 Note de mamiehiou

Cet article est en chantier, il n'est pas terminé. Je cherche des phrases dans le style populaire que pourraient prononcer des groupes de jeunes, ou d'autres.

Phrases synonymes des numéros 1 2 3 4 5 6

Pouvez-vous m'aider ?

 

Comme suite à mon appel, ma jeune amie Fatiha propose :

Ajout, le 17 janvier 2012


Pour la phrase 1 -  Veuillez vous retirer, je vous prie
Gicle ! / Débarrasse le plancher ! / Bouge ! / Bouge de là !

 

Pour la phrase 2 - Même si vous continuiez à me mentir, je ne vous le reprocherais pas. 
Même si tu continues à me mitonner, je dirai rien. / Même si tu me balades, je te prendrai pas la tête.

 

Pour la phrase 3 - Peu m'importe qu'il soit parti, je ne l'aimais plus 
Je m'en tape qu'il se soit cassé / Je m'en tamponne qu'il soit parti / Je m'en bats la race... je le kiffais plus.


Pour la phrase 4 - Un peu plus, je le giflais.
J'étais à deux doigts de le gifler.

Limite j'allais lui en décoller une.

Limite il allait s'en prendre une.


Pour la phrase 5 - Je ne peux pas croire qu'il soit si naïf
Il se croit chez les bisounours (dessin animé où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil).


Pour la phrase 6 -Ai-je dit cela ? C'est peu probable.
N'importe quoi, tu délires grave / Tu débloques, j'ai jamais dit ça / T'es vraiment mytho, j'aurais jamais dit ça. / Arrête tes conneries.....

 

Merci Fatiha ! Tu es une fille épatante !

= super, géniale, top

et sensass — aurait-on dit il y a 50 ans !

                   sensass, apocope de sensationnel. 

..............................................................  

Voir aussi :  

 

> Comment dites-vous "Je t'aime" ? Je te kiffe, je ne te hais point, tu me bottes, je suis morgane de toi, je t'ai dans la peau, etc. 

> Dictionnaire de la langue verte d'Alfred Delvau + QUIZ 80

> Poème argotique : Elle arpentait la rue Bréda

> Verlan et Louchébem dans les notes du texte :126 Délires sur un coup de théâtre

> La langue française massacrée - Peut-on s'habituer à la grossièreté ?

 

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23 novembre 2011 3 23 /11 /novembre /2011 05:30

LES DÉLIRES Tous les épisodes

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Au cours de ces mois glacés, Lio et moi jouîmes d'une vie tissue d'amitié et de tendre complicité. Nos caractères s'accordaient à merveille et nous ne doutions pas que nos jours s'écouleraient ainsi longtemps encore. Je songeai souvent à ma chère Alcmène que j'avais perdue pour toujours et pour laquelle j'avais éprouvé tant de gratitude en des temps tourmentés, et mon coeur se serrait à son souvenir. Le crime impuni qui l'avait arrachée à moi me laissait dans l'âme un regret et une amertume incoercibles.

Les premiers signes du renouveau apparurent et me soulagèrent un peu de mes pensées sombres, encore que je n'eusse guère de temps à consacrer à la rêverie.

Notre travail nous emportait dans un tourbillon salutaire. Et nous étions prêtes à consacrer nos heures de repos à nos disciples dont le nombre ne cessait de croître de semaine en semaine. Pouvions-nous leur refuser la sollicitude qu'ils attendaient de nous et les conseils qui les aideraient à vivre ?

 

Un jour, cependant que j'étais près, non pas de renoncer à découvrir quoi que ce fût sur l'énigme qui m'avait amenée jusqu'ici, dans cette ville étrange, mais plutôt de désespérer d'y parvenir, je vis se profiler dans le hall de notre école une silhouette qui me sembla presque familière, sinon que la démarche hésitante m'étonna au plus haut point.

« Il y a donc, me dis-je des hommes assez fous pour déambuler ainsi, affichant ouvertement leur état, au risque d'être arrêtés sur-le-champ ! »

Je craignis que son image, captée par des dizaines de caméras, n'inquiétât les autorités, et que ne surgît une horde de policiers pour se saisir de ce pauvre homme.

Je dégringolai prestement l'escalier pour aller à sa rencontre, et lui intimai de me suivre dans un endroit caché à la vue, et insonorisé de surcroît,

À le voir ainsi de près, je mis un nom sur son visage et m'exclamai : « Monsieur Pro ! Vous ici ? » Il mit le doigt sur sa bouche, effrayé qu'il était que quelqu'un eût pu le repérer et, les portes bientôt closes derrière nous, nous espérâmes nous protéger de tous.

 

La petite pièce où je l'emmenai ressemblait à un boudoir précieux que j'avais installé pour mon plaisir, et où je me réfugiais hors de portée de vue et d'ouïe de Big Brother que je soupçonnais toujours à l'affût de quelque manquement à la sacro-sainte Règle à laquelle je m'étais aujourd'hui accoutumée, mais non soumise, comme vous venez de vous en apercevoir. Eût-on découvert mon cabinet secret, qu'une sanctionje n'ose imaginer laquelleeût fondu sur moi comme l'épervier sur son innocente proie.

 

« Reprenez-vous », dis-je au petit homme haletant et tout recroquevillé d'effroi, « et mettez-vous à l'aise. »

Il s'installa du bout des fesses sur l'ottomane que j'avais discrètement rapportée de chez Alcmène, en souvenir d'elle, et nous fûmes de loisir d'engager la conversation.

« Je suis piégé, » commença-t-il. « mon heure est arrivée ! Déjà ! »

Il fit une pause et respira profondément.

Il n'était pas douteux qu'il s'en allait au grand galop°.

 

Je pensais que chaque homme ici-bas s'étonnait quand il voyait la mort surgir devant lui, qu'il fût atteint d'une maladie mortelle, qu'il vît l'accident survenir, qu'il sentît le bourreau lever sa hache ou qu'il tombât d'une falaise.

« Déjà ! » Et la vie, qu'elle ait été longue ou courte — à l'échelle humaine s'entend — avant ces circonstances, se met à n'être qu'un point infime du temps.

« Déjà ! » Et l'on se rend à l'évidence : on ne peut échapper à son humaine condition. Et l'on a beau se dire qu'avant soi des dizaines de milliards d'êtres se sont éteints, et qu'il faut, comme eux, en passer par là, on ne peut s'y résoudre, ou si l'on s'y résout, c'est au prix d'une grande sagesse ou d'une immense résignation, inconnue de la plupart des mortels. On est seul. Rien ni personne ne peut nous venir en aide. Nul n'échappe à l'inexorabilité.

Adresser à Dieu une prière instante serait l'ultime secours, la douceur de l'espérance. Mais la terreur paralyse, si bien que toute velléité d'apaisement, en cet instant ultime, semble vain.

Et pendant ce temps-là, la foule des vivants rit et suit sa folie.**

...................................................................... 

* "Nada saber si el mondo differenzia sono y vivir..."

"Personne ne peut savoir si le monde est fantastique ou réel, et non plus s'il existe une différence entre rêver et vivre."

Jorge Luis Borges, écrivain et poète argentin 1899–1986

 

** "La foule des vivants rit et suit sa folie." Victor Hugo, 1802–1885

Dans le Cimetière de... Recueil : Les Rayons et les Ombres.

 

NOTES

Une vie tissue d'amitié et de tendre complicité

voir le défectif tître / tissu dans l'article sur les défectifs.

Les verbes défectifs - Pour peu qu'il vous en chaille !

 

les premiers signes du renouveau apparurent

Le renouveau, le printemps.

locutions adverbiales À NOUVEAU et DE NOUVEAU – nouvellement – une nouvelle - le renouveau ...

 

il n'était pas douteux qu'il s'en allait au grand galop°

Voir l'article sur douter

Douter que, douter si, se douter que / Je doute que, nul doute que, il n'est pas douteux que...

Il s'en va au grand galop, se dit de quelqu'un qui est tombé en langueur et dont la vie est fort en danger. Littré

 

le crime impuni me laissait dans l'âme un regret et une amertume Incoercibles

un regret et une amertume incoercibles, irrésistibles, que je ne pouvais dominer.

 

encore que je n'eusse guère de temps à consacrer à la rêverie.

la concession exprimée avec : encore que, bien que, quoique

Voir l'article Encore que

 

nous fûmes de loisir d'engager la conversation

Être de loisir (vieilli). Pouvoir faire ce que l'on veut, et avoir tout son temps pour le faire.

 

Un jour, cependant que j'étais près, non pas de renoncer à découvrir quoi que ce fût sur l'énigme

Près de (sur le point de) sens différent de prêt à (= préparé à)

Cependant que, voir l'article.

quoi que ce fût, voir l'article Quoi que

 

sinon que la démarche hésitante m'étonna au plus haut point.

Voir l'article Sinon que

 

je me réfugiai hors de portée de vue et d'ouïe de Big Brother

voir la note du texte 63 Délires sur Big Brother

 

Eût-on découvert mon cabinet secret

Subjonctif plus-que parfait

Si l'on avait découvert mon cabinet secret...

 

il s'installa du bout des fesses sur l'ottomane

Une ottomane, voir la note du texte 71 Délires à vous donner des frissons, à votre corps défendant

 

Et la vie, qu'elle ait été longue ou courte – à l'échelle humaine s'entend

Cf. Littré S'entend, bien entendu, cela va sans dire, locution familière qui se dit par parenthèse.

 

Et l'on se rend à l'évidence

Et l'on a beau se dire...

ON ou L'ON - Quand peut-on employer L'ON ?

 

Nul n'échappe à l'inexorabilité

Inexorabilité, caractère de ce qui est inexorable, inéluctable, impitoyable, de ce à quoi on ne peut échapper.

 

<< 138 Délires dans la triste froidure

>> 140 Délires sur la visite inopinée de Monsieur Pro. « La vie est une grande surprise »  

 

 

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 08:54

FLORILÈGE

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IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

 Un florilège de textes sélectionnés par mamiehiou

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

 

 

 -14-

 

 

Boule de Suif - 1880

 

Guy de Maupassant (1850-1893)
 


Dans une diligence, sur la route du Havre où grouillent les envahisseurs prussiens...*

 

[...]

La femme, une de celles appelées galantes, était célèbre par son embonpoint précoce qui lui avait valu le surnom de Boule de Suif. Petite, ronde de partout, grasse à lard, avec des doigts bouffis, étranglés aux phalanges, pareils à des chapelets de courtes saucisses ; avec une peau luisante et tendue, une gorge énorme qui saillait sous sa robe, elle restait cependant appétissante et courue, tant sa fraîcheur faisait plaisir à voir. Sa figure était une pomme rouge, un bouton de pivoine prêt à fleurir ; et là-dedans s’ouvraient, en haut, deux yeux noirs magnifiques, ombragés de grands cils épais qui mettaient une ombre dedans ; en bas, une bouche charmante, étroite, humide pour le baiser, meublée de quenottes luisantes et microscopiques.

Elle était de plus, disait-on, pleine de qualités inappréciables.

Aussitôt qu’elle fut reconnue, des chuchotements coururent parmi les femmes honnêtes, et les mots de « prostituée », de « honte publique » furent chuchotés si haut qu’elle leva la tête. Alors elle promena sur ses voisins un regard tellement provocant et hardi qu’un grand silence aussitôt régna, et tout le monde baissa les yeux à l’exception de Loiseau, qui la guettait d’un air émoustillé.

Mais bientôt la conversation reprit entre les trois dames, que la présence de cette fille avait rendues subitement amies, presque intimes. Elles devaient faire, leur semblait-il, comme un faisceau de leurs dignités d’épouses en face de cette vendue sans vergogne ; car l’amour légal le prend toujours de haut avec son libre confrère.

Les trois hommes aussi, rapprochés par un instinct de conservateurs à l’aspect de Cornudet, parlaient argent d’un certain ton dédaigneux pour les pauvres. Le comte Hubert disait les dégâts que lui avaient fait subir les Prussiens, les pertes qui résulteraient du bétail volé et des récoltes perdues, avec une assurance de grand seigneur dix fois millionnaire que ces ravages gêneraient à peine une année. M. Carré-Lamadon, fort éprouvé dans l’industrie cotonnière, avait eu soin d’envoyer six cent mille francs en Angleterre, une poire pour la soif qu’il se ménageait à toute occasion. Quant à Loiseau, il s’était arrangé pour vendre à l’Intendance française tous les vins communs qui lui restaient en cave, de sorte que l’État lui devait une somme formidable qu’il comptait bien toucher au Havre.

Et tous les trois se jetaient des coups d’œil rapides et amicaux. Bien que de conditions différentes, ils se sentaient frères par l’argent, de la grande franc-maçonnerie de ceux qui possèdent, qui font sonner de l’or en mettant la main dans la poche de leur culotte.

La voiture allait si lentement qu’à dix heures du matin on n’avait pas fait quatre lieues. Les hommes descendirent trois fois pour monter des côtes à pied. On commençait a s’inquiéter, car on devait déjeuner à Tôtes et l’on désespérait maintenant d’y parvenir avant la nuit. Chacun guettait pour apercevoir un cabaret sur la route, quand la diligence sombra dans un amoncellement de neige et il fallut deux heures pour la dégager.

L’appétit grandissait, troublait les esprits ; et aucune gargote, aucun marchand de vin ne se montraient, l’approche des Prussiens et le passage des troupes françaises affamées ayant effrayé toutes les industries.

Les messieurs coururent aux provisions dans les fermes au bord du chemin, mais ils n’y trouvèrent pas même de pain, car le paysan défiant cachait ses réserves dans la crainte d’être pillé par les soldats qui, n’ayant rien à se mettre sous la dent, prenaient par force ce qu’ils découvraient.

Vers une heure de l’après-midi, Loiseau annonça que décidément il se sentait un rude creux dans l’estomac. Tout le monde souffrait comme lui depuis longtemps ; et le violent besoin de manger, augmentant toujours, avait tué les conversations.

De temps en temps, quelqu’un bâillait ; un autre presque aussitôt l’imitait ; et chacun, à tour de rôle, suivant son caractère, son savoir-vivre et sa position sociale, ouvrait la bouche avec fracas ou modestement en portant vite sa main devant le trou béant d’où sortait une vapeur.

Boule de Suif, à plusieurs reprises, se pencha comme si elle cherchait quelque chose sous ses jupons. Elle hésitait une seconde, regardait ses voisins, puis se redressait tranquillement. Les figures étaient pâles et crispées. Loiseau affirma qu’il payerait mille francs un jambonneau. Sa femme fit un geste comme pour protester ; puis elle se calma. Elle souffrait toujours en entendant parler d’argent gaspillé, et ne comprenait même pas les plaisanteries sur ce sujet. « Le fait est que je ne me sens pas bien, dit le comte, comment n’ai-je pas songé à apporter des provisions ? » — Chacun se faisait le même reproche.

Cependant, Cornudet avait une gourde pleine de rhum ; il en offrit ; on refusa froidement. Loiseau seul en accepta deux gouttes, et, lorsqu’il rendit la gourde, il remercia : « C’est bon tout de même, ça réchauffe, et ça trompe l’appétit. » — L’alcool le mit en belle humeur et il proposa de faire comme sur le petit navire de la chanson : de manger le plus gras des voyageurs. Cette allusion indirecte à Boule de Suif choqua les gens bien élevés. On ne répondit pas ; Cornudet seul eut un sourire. Les deux bonnes sœurs avaient cessé de marmotter leur rosaire, et, les mains enfoncées dans leurs grandes manches, elles se tenaient immobiles, baissant obstinément les yeux, offrant sans doute au Ciel la souffrance qu’il leur envoyait.

Enfin, à trois heures, comme on se trouvait au milieu d’une plaine interminable, sans un seul village en vue, Boule de Suif se baissant vivement, retira de sous la banquette un large panier couvert d’une serviette blanche.

Elle en sortit d’abord une petite assiette de faïence, une fine timbale en argent, puis une vaste terrine dans laquelle deux poulets entiers, tout découpés, avaient confi sous leur gelée ; et l’on apercevait encore dans le panier d’autres bonnes choses enveloppées, des pâtés, des fruits, des friandises, les provisions préparées pour un voyage de trois jours, afin de ne point toucher à la cuisine des auberges. Quatre goulots de bouteilles passaient entre les paquets de nourriture. Elle prit une aile de poulet et, délicatement, se mit à la manger avec un de ces petits pains qu’on appelle « Régence » en Normandie.

Tous les regards étaient tendus vers elle. Puis l’odeur se répandit, élargissant les narines, faisant venir aux bouches une salive abondante avec une contraction douloureuse de la mâchoire sous les oreilles. Le mépris des dames pour cette fille devenait féroce, comme une envie de la tuer ou de la jeter en bas de la voiture, dans la neige, elle, sa timbale, son panier et ses provisions.

Mais Loiseau dévorait des yeux la terrine de poulet. Il dit : « À la bonne heure, madame a eu plus de précaution que nous. Il y a des personnes qui savent toujours penser à tout. » Elle leva la tête vers lui : « Si vous en désirez, monsieur ? C’est dur de jeûner depuis le matin. » Il salua : « Ma foi, franchement, je ne refuse pas, je n’en peux plus. À la guerre comme à la guerre, n’est-ce pas, madame ? » Et, jetant un regard circulaire, il ajouta : «  Dans des moments comme celui-ci, on est bien aise de trouver des gens qui vous obligent. » — Il avait un journal qu’il étendit pour ne point tacher son pantalon, et sur la pointe d’un couteau toujours logé dans sa poche, il enleva une cuisse toute vernie de gelée, la dépeça des dents, puis la mâcha avec une satisfaction si évidente qu’il y eut dans la voiture un grand soupir de détresse.

Mais Boule de Suif, d’une voix humble et douce, proposa aux bonnes sœurs de partager sa collation. Elles acceptèrent toutes les deux instantanément, et, sans lever les yeux, se mirent à manger très vite après avoir balbutié des remerciements. Cornudet ne refusa pas non plus les offres de sa voisine, et l’on forma avec les religieuses une sorte de table en développant des journaux sur les genoux.

Les bouches s’ouvraient et se fermaient sans cesse, avalaient, mastiquaient, engloutissaient férocement. Loiseau, dans son coin, travaillait dur, et, à voix basse, il engageait sa femme a l’imiter. Elle résista longtemps, puis, après une crispation qui lui parcourut les entrailles, elle céda. Alors son mari, arrondissant sa phrase, demanda à leur « charmante compagne » si elle lui permettait d’offrir un petit morceau à Mme Loiseau. Elle dit : « Mais oui, certainement, monsieur, » avec un sourire aimable, et tendit la terrine.

Un embarras se produisit lorsqu’on eût débouché la première bouteille de bordeaux : il n’y avait qu’une timbale. On se la passa après l’avoir essuyée. Cornudet seul, par galanterie sans doute, posa ses lèvres à la place humide encore des lèvres de sa voisine.

Alors, entourés de gens qui mangeaient, suffoqués par les émanations des nourritures, le comte et la comtesse de Bréville, ainsi que M. et Mme Carré-Lamadon souffrirent ce supplice odieux qui a gardé le nom de Tantale. Tout d’un coup la jeune femme du manufacturier poussa un soupir qui fit retourner les têtes ; elle était aussi blanche que la neige du dehors ; ses yeux se fermèrent, son front tomba : elle avait perdu connaissance. Son mari, affolé, implorait le secours de tout le monde. Chacun perdait l’esprit, quand la plus âgée des bonnes sœurs, soutenant la tête de la malade, glissa entre ses lèvres la timbale de Boule de Suif et lui fit avaler quelques gouttes de vin. La jolie dame remua, ouvrit les yeux, sourit et déclara d’une voix mourante qu’elle se sentait fort bien maintenant. Mais, afin que cela ne se renouvelât plus, la religieuse la contraignit à boire un plein verre de bordeaux, et elle ajouta : — « C’est la faim, pas autre chose. »

Alors Boule de Suif, rougissante et embarrassée, balbutia en regardant les quatre voyageurs restés à jeun : « Mon Dieu, si j’osais offrir à ces messieurs et à ces dames… » Elle se tut, craignant un outrage. Loiseau prit la parole : « Eh, parbleu, dans des cas pareils tout le monde est frère et doit s’aider. Allons, mesdames, pas de cérémonie, acceptez, que diable ! Savons-nous si nous trouverons seulement une maison où passer la nuit ? Du train dont nous allons nous ne serons pas à Tôtes avant demain midi. » — On hésitait, personne n’osant assumer la responsabilité du « oui ».

Mais le comte trancha la question. Il se tourna vers la grosse fille intimidée, et, prenant son grand air de gentilhomme, il lui dit : « Nous acceptons avec reconnaissance, madame. »

Le premier pas seul coûtait. Une fois le Rubicon passé, on s’en donna carrément. Le panier fut vidé. Il contenait encore un pâté de foie gras, un pâté de mauviettes, un morceau de langue fumée, des poires de Crassane, un pavé de Pont-l’Évêque, des petits-fours et une tasse pleine de cornichons et d’oignons au vinaigre, Boule de Suif, comme toutes les femmes, adorant les crudités.

On ne pouvait manger les provisions de cette fille sans lui parler. Donc on causa, avec réserve d’abord, puis, comme elle se tenait fort bien, on s’abandonna davantage. Mmes de Bréville et Carré-Lamadon, qui avaient un grand savoir-vivre, se firent gracieuses avec délicatesse. La comtesse surtout montra cette condescendance aimable des très nobles dames qu’aucun contact ne peut salir, et fut charmante. Mais la forte Mme Loiseau, qui avait une âme de gendarme, resta revêche, parlant peu et mangeant beaucoup.[...]

 

...........................

Mais bientôt vint l'ingratitude, l'ignoble ingratitude... (Précision de mamiehiou)

 N.B. Vocabulaire

Passer le Rubicon, franchir le Rubicon,

lire la note du texte des Délires : 138 

 

  Lire le texte intégral sur Wikisource :  

Boule de suif

 

.................................................................................

FLORILÈGE - LA PENSÉE DES AUTRES (titres des textes)

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.................................................................................

 

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21 novembre 2011 1 21 /11 /novembre /2011 12:47

>> TOUS LES QUIZ DU BLOG

LE FRANÇAIS DANS TOUS SES ÉTATS

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  QUIZ 1

 

Questions

Réponses

1 Tu as deux mains. L'une est la main droite.

Comment s'appelle l'autre main ?

On donne la réponse après chaque question. L'enfant pourra s'en servir pour répondre à la question suivante. 

On lui fait montrer sa main droite et sa main gauche.

 

Voir les réponses ci-dessous

2 Combien de doigts as-tu à chaque main ?

 

On compte avec lui en montrant chaque doigt, un deux trois quatre cinq. 

3 Si tu caches ton pouce de la main droite, combien te reste-t-il de doigts à cette main ?

On compte les doigts avec lui.

4 Combien d'orteils as-tu à chaque pied ?

On compte avec lui s'il ne peut pas compter seul et on lui fait répéter. 

5 Dessines-tu avec une main ou un pied ?

 

6 Peux-tu dire si tu dessines avec la main droite ou avec ta main gauche ?

 

7 Sais-tu que le soleil est une étoile ?

 

8 Sais-tu que la terre est une planète ?

 

9 La terre et le soleil ont la même forme. Ils ont la forme d'un ballon ou d'une orange. Ils sont ...

 

10 Sais-tu si c'est la terre qui tourne autour du soleil ou le soleil qui tourne autour de la terre ?

 

Ton papa (ou ta maman) peut prendre une orange qui représente le soleil et une toute petite boulette de pain qui représente la terre et il fera tourner la boulette autour de l'orange. Il expliquera que tout cela se passe dans l'espace, le ciel. Et tu adoreras ça.

 

Questions + Réponses

 

Questions

Réponses

1 point par réponse juste

1 Tu as deux mains. L'une est la main droite.

Comment s'appelle l'autre main ?

La main gauche

On lui fait montrer sa main droite et sa main gauche.

 

 

  

2 Combien de doigts as-tu à chaque main ?

 

Cinq

On compte avec lui en montrant chaque doigt, un deux trois quatre cinq.

3 Si tu caches ton pouce de la main droite, combien te reste-t-il de doigts à cette main ?

Quatre

un deux trois quatre

on compte les doigts avec lui.

4 Combien d'orteils as-tu à chaque pied ?

cinq

5 Dessines-tu avec une main ou un pied ?

Avec une main

6 Peux-tu dire si tu dessines avec la main droite ou avec ta main gauche ?

Avec la main ...

7 Sais-tu que le soleil est une étoile ?

oui

8 Sais-tu que la terre est une planète ?

oui

9 La terre et le soleil ont la même forme. Ils ont la forme d'un ballon ou d'une orange. Ils sont ...

Ils sont ronds

10 Sais-tu si c'est la terre qui tourne autour du soleil ou le soleil qui tourne autour de la terre ?

 

C'est la terre qui tourne autour du soleil.

Ton papa (ou ta maman) peut prendre une orange qui représente le soleil et une toute petite boulette de pain qui représente la terre et il fera tourner la boulette autour de l'orange. Il expliquera que tout cela se passe dans l'espace, le ciel. Et tu adoreras ça.

 

 

Score

Tu as répondu à 3 questions, c'est bien.

Tu as répondu à 6 questions, c'est très bien.

Tu as répondu à toutes les questions, tu es un petit garçon ou une petite fille qui sait beaucoup beaucoup de choses !

Tu n'as pas su répondre aux questions, ce n'est pas grave, tu pourras refaire ce quiz plus tard et tu répondras à beaucoup de questions.

 

 

Si ta maman ou ton papa veulent que tu réussisses à l'école et ailleurs, ils doivent te parler et te faire parler, ils doivent te faire raconter tes activités, ce que tu as fait en promenade, à l'école, chez ta grand-mère et ton grand-père, chez tes amis, etc.

Et qu'ils n'oublient pas de te lire ou de te raconter des histoires pour développer ton imagination !

 

J'espère que ce petit quiz a réussi à te faire t'exprimer !

 

..................................................................................

 

  QUIZ 2

 

 

11 Comment sais-tu quand il y a du vent dehors ?

 Voir quelques propositions de réponses ci-dessous

12 Quand tu es dans une voiture, le conducteur, ton papa ou ta maman doivent-ils s'arrêter au feu rouge ou au feu vert ?

 

13 Peux-tu dire ce que fait un pompier ? 

 

14 Peux-tu dire ce que fait un policier ?

 

15 Peux-tu dire ce que fait un médecin, un docteur ? 

 

16 Connais-tu d'autres métiers ?

 

17 Quel métier voudrais-tu faire quand tu seras grand ?

 

18 Explique pourquoi.

 

19 Quand un petit garçon grandit, il devient plus tard un homme. Que devient une petite fille quand elle grandit ?

 

20 Connais-tu d'autres jours de la semaine que le lundi et le mardi ?

 

 

 

Réponses

 

11 Comment sais-tu quand il y a du vent dehors ?

Les feuilles des arbres bougent. Je sens le vent sur ma figure. Des feuilles et des papiers s'envolent....

Il suffit d'une bonne réponse pour compter 1 point

12 Quand tu es dans une voiture, le conducteur, ton papa ou ta maman doivent-ils s'arrêter au feu rouge ou au feu vert ?

Au feu rouge

13 Peux-tu dire ce que fait un pompier ?

 

Il sauve les gens en danger.

Il transporte les gens à l'hôpital.

Il éteint les feux.

...

14 Peux-tu dire ce que fait un policier ?

Il rend service.

Il fait la circulation.

Il empêche les voleurs de voler, les gens de se battre, les conducteurs de voitures d'aller trop vite...

Il suffit d'une bonne réponse pour compter 1 point   

 

15 Peux-tu dire ce que fait un médecin, un docteur ?

 

Il soigne les gens malades, il dit le nom des médicaments qu'il faut prendre, il écoute le coeur, il regarde au fond de la bouche (la gorge)...

Il suffit d'une bonne réponse pour compter 1 point

16 Connais-tu d'autres métiers ?

...

Un ou plusieurs métiers comptent 1 point

17 Quel métier voudrais-tu faire quand tu seras grand ?

...

Un ou plusieurs métiers comptent 1 point

18 Explique pourquoi.

...

Une idée ou plusieurs idées comptent un point

19 Quand un petit garçon grandit, il devient plus tard un homme. Que devient une petite fille quand elle grandit ?

Une femme

20 Connais-tu d'autres jours de la semaine que le lundi et le mardi ?

Il suffit qu'un seul jour soit cité pour avoir 1 point.

On peut lui faire répéter tous les jours dans l'ordre

 

Score

Tu as répondu à 3 questions, c'est bien.

Tu as répondu à 6 questions, c'est très bien.

Tu as répondu à toutes les questions, tu es un petit garçon ou une petite fille qui sait beaucoup beaucoup de choses !

Tu n'as pas su répondre aux questions, ce n'est pas grave, tu pourras refaire ce quiz plus tard et tu répondras à beaucoup de questions.

 

Aux parents :

Si votre enfant aime les chansons, il peut en trouver sur la toile, des chansons bien françaises que vous avez appris peut-être dans votre enfance.

Il est temps qu'il apprenne à faire se promener la souris pour choisir les chansons qui lui sont proposées sur You Tube.

On ne le laissera jamais seul devant l'écran bien sûr, pour éviter les pièges que vous pouvez imaginer.

 

 >>> Voir Aidez votre enfant à apprendre à parler tout en s'amusant

 

>>> Voir d'autres quiz dans la catégorie : Contes et quiz pour les petits enfants

 

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  • J'aime trop les mots pour les garder par-devers moi - au fond de mon coeur et de mon esprit. Ils débordent de mes pensées en contes drolatiques, avec des quiz et des digressions sur la langue.
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