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29 avril 2013 1 29 /04 /avril /2013 09:05

LES DÉLIRES Tous les épisodes

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« Quelque attitude que Marie Cratère puisse avoir envers moi en cet instant présent, qu'elle me soit indifférente ou insupportable, elle me renvoie aux souvenirs des moments douloureux que j'ai vécus avec elle, inébranlable sorcière, et cela ne change rien au sentiment de mésestime que je nourris désormais, sans y rien ajouter, et sans en rien retrancher. »

Telles étaient les amères pensées que je roulais dans ma tête.

Le ton désinvolte qu'elle s'amusait à prendre lorsqu'elle s'adressait à moi n'était point de mon goût ; et j'eusse aimé qu'elle s'appliquât à me parler avec plus d'aménité.

« Mais tu rêves ! » s'exclama Prétatou toujours à l'affût de la moindre de mes pensées. « Qu'elle veuille un seul instant te paraître aimable et il te faudrait promptement te rendre à l'évidence : voir qu'il y a anguille sous roche° et qu'elle t'en veut faire accroire. »

Que Marie fît, selon son humeur, des efforts pour me plaire et m'amadouer — eussent-ils été véritables et inattendus — ne me touchait plus guère ; elle aurait eu bien du mal à me convaincre, à voir la façon cavalière dont elle changeait brusquement d'avis lorsqu'elle me voyait m'attendrir, ce qui me bouleversait naguère encore à chaque fois. Cette habitude perverse et calculée qu'elle avait de souffler le chaud et le froid°, je l'avais débusquée, et on ne m'y reprendrait plus.

J'avais été trop longtemps trop naïve pour croire que Marie éprouvait pour moi quelque attachement. Elle m'en avait donné des preuves qui s'étaient évanouies si souventes fois sitôt que j'en avais ressenti quelque douceur. Pourquoi donc s'obstinait-elle à réfréner* l'élan qui la portait vers moi, alors que son unique voeu était de me conserver auprès d'elle ?

Pouvais-je avoir une once de pitié pour celle qui voulait aimer et ne le pouvait point ? Je lui eusse posé la question, elle eût été la proie de fureurs —  je lui en avais connu d'effroyables.

..................................................

*refréner ou réfréner

 

NOTES 

 

Quelque attitude que Marie Cratère puisse avoir envers moi

Quelque... que, locution conjonctive de concession suivie du subjonctif.

 

qu'elle me soit indifférente ou insupportable

soit qu'elle me soit agréable soit qu'elle me soit insupportable

soit qu'elle me soit agréable ou qu'elle me soit insupportable

> Soit que... soit que marque l'alternative (suivi du subjonctif)

 

les moments douloureux que j'ai vécus

le participe passé vécus s'accorde avec le complément d'objet direct placé avant lui : que (qui a pour antécédent moments douloureux)

> Règles de l'accord des participes passés

 

et ne change quoi que ce soit

quoi que ce soit avec une négation signifie rien.

 

au sentiment de mésestime que je nourris

Cf. Littré

Mésestime : Défaut d'estime ; mépris. Un sentiment de mésestime attiédissait ceux qu'elle m'avait inspirés. [Rousseau, Les confessions]

 

sans y rien ajouter, et sans en rien retrancher

> La place de Y et de EN dans la phrase. Vous recherchez des difficultés dans cet exercice ? Vous finirez bien par Y EN trouver. + QUIZ 67

 

Le ton désinvolte [...] n'était point de mon goût

de mon goût OU à mon goût

Cf. L'Académie 8e éditionGoût : Il se dit, en général, pour le Sentiment agréable ou avantageux qu'on a de quelque chose. Satisfaire tous les goûts. Cet ouvrage est au goût de tout le monde. Cela n'est pas de mon goût.

 

j'eusse aimé qu'elle s'appliquât

langue soignée

j'eusse aimé subjonctif plus-que-parfait à valeur de conditionnel passé

qu'elle s'appliquât, subjonctif passé

On dirait plus couramment : j'aurais aimé qu'elle s'applique

> Valeurs et emplois du subjonctif

> La conjugaison des verbes au subjonctif - Comment déjouer ses difficultés

 

Qu'elle veuille un seul instant te paraître aimable

veuille – toujours le subjonctif dans une proposition en tête de phrase introduite par la conjonction de subordination que

 

il y a anguille sous roche°

Cf. Littré : Proverbe. Il y a quelque anguille sous roche, il se trame quelque intrigue.

 

elle t'en veut faire accroire (tournure vieillie)

Si l'infinitif a deux pronoms personnels complément, on peut placer Y ou EN soit devant le verbe principal, soit devant l'infinitif.

La première tournure est rare de nos jours.

On dirait plus couramment : elle veut t'en faire accroire

> Phrase 34 dans La place de Y et de EN dans la phrase.(déjà cité ci-dessus)

accroire, verbe défectif : faire croire que quelque chose est vrai alors que c'est faux, mentir.

> Les verbes défectifs - Pour peu qu'il vous en chaille !

 

Eussent-ils été véritables et inattendus

proposition à nuances conditionnelle et concessive

qu'il eussent été véritables et inattendus

même s'ils avaient été véritables et inattendus > Même si

quand bien même il auraient été véritables et inattendus

> Eussé-je, eussè-je, j'eusse, fussé-je, fussè-je, je fusse, dussé-je, dussè-je, eût-il, fût-il, dût-il, fût-ce, fussent-ils, parlé-je...

 

ce qui me bouleversait naguère

naguère, adverbe de temps, il y a peu.

Jadis, autrefois, il y a longtemps.

 

souffler le chaud et le froid°

Littré : au sens figuré : Souffler le froid et le chaud, parler pour et contre une chose ou une personne, être tour à tour d'avis contraires.

 

son unique voeu était de me conserver auprès d'elle

un voeu, des voeux

Les noms qui se terminent par au, aux, aus, eau, eaux, eu, eux, eus, oeu, oeux, ou, oux, ous QUIZ Tonton et Jeannot vont à la pêche

 

Cette façon perverse [...] je l'avais débusquée

débusquée, participe passé qui s'accorde avec le COD placé avant : L' (LA élidé) mis pour façon.

 

Des preuves si souventes fois évanouies

souventes fois, expression vieillie. Littré donne aussi souventefois

souvent, maintes fois, à maintes reprises.

 

sitôt que j'en avais ressentie quelque douceur

Sitôt que (langue soutenue) aussitôt que, dès que.

 

Pourquoi donc s'obstinait-elle à réfréner l'élan qui la portait vers moi

Refréner ou réfréner, ralentir ou arrêter le mouvement, le développement ou l'intensité de quelque chose.

 

<< 166 Délires au bord du gouffre

>> 168 Délires autour de mes amitiés tôt envolées ; "je crois le vent les m'a ôtées"*

 

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15 avril 2013 1 15 /04 /avril /2013 17:41

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J'aurais failli à mon devoir, cher lecteur si je t'avais caché quoi que ce fût de mon histoire, quelque difficile à croire qu'elle pût l'être. Je me serais traitée volontiers de lâche, de quiche, de mollassonne même ; et il m'aurait fallu fouetter le jus de navet de mes veines, afin d'activer, de toutes mes forces, mon coeur1 pusillanime, si j'avais, ne fût-ce qu'un instant, renoncer à me battre contre vents et marées°. Mais tu me connais si bien, toi qui ne cessas de trembler pour moi en me suivant dans mes aventures périlleuses, où, à chaque  instant, ma frêle vie risquait de chavirer !

N'avais-je pas mille fois voulu quitter ce monde où le bonheur était un vain mot ! N'avais-je pas mille fois espérer franchir le mur épais de l'ignorance pour qu'enfin mon esprit s'éclairât, pour que mes souvenirs revinssent ; mille fois, tel Œdipe2 aveuglé, j'aurais aimé qu'une main secourable et amie prît la mienne pour guider mes pas. Que n'étais-tu là, courageuse Antigone, pour me porter secours ?

Mais Utopinambourg n'était point Colone2, et bien que j'eusse voulu de tout mon coeur ne plus voir ma cité que je ne pouvais dorénavant souffrir, mais d'où je ne pouvais m'échapper, je me dis : « Cela n'est pas de mon fait, je n'ai tué ni père ni mère pour vouloir me punir. Seuls l'hypocrisie, le mensonge et l'imposture des hommes sont les causes de mon désarroi et de ma détresse. »

Viendraient bientôt, après les frimas, les grandes ardeurs de la canicule, et mon coeur resterait glacé. Nulle tendresse, nulle affection, nul amour pour le réchauffer. Et la solitude, toujours – toujours la solitude – me menaçant de désespérance.

« Tu m'as bien l'air d'avoir là un coup de mou ! »

Je sursautai. Marie Cratère, qui m'épiait depuis longtemps peut-être, venait de me plonger dans l'âpre réalité. Je m'en voulus d'avoir laissé mes rêveries divaguer et se perdre dans un lyrisme qui eût tôt fait de me couper bras et jambes°.

.............................................

1-Cf. Alexandre Arnoux 1884-1973, Rhône mon fleuve 1944

"Lâche. Chante. Quiche, afin de fouetter les jus de navet de leurs veines, d'activer, leur cœur failli et mollasson !"

 

2-Mythologie grecque.- Lorsqu'Œdipe apprend qu'il a tué son père et épousé sa mère, il devient fou de désespoir et se crève les yeux. Accompagné de sa fille Antigone, il vient à Colone pour y trouver la paix, selon une prophétie d'Apollon.

Œdipe à Colone est une tragédie grecque de Sophocle (495-406 avant Jésus Christ)

Nous avons déjà rencontré Antigone, la fière Antigone, dans les Délires 32, voir la note.

> 32 Délires d'une femme atrabilaire dont la roideur d'esprit n'est plus à démontrer - de la libertad.""Es la libertad de tiranizar, que es lo contrario de la libertad."

 

NOTES

J'aurais failli à mon devoir

Faillir n'est usité aujourd'hui qu'à l'infinitif, au passé simple (je faillis...) au futur (je faillirai...) au conditionnel (je faillirais...) aux temps composés (j'ai failli, j'avais failli, j'aurais failli...)

 

quoi que ce fût

fût, subjonctif imparfait

> Quoi que

 

quelque difficile à croire qu'elle pût être

> Quelque... que

 

je me serais traitée de lâche si j'avais renoncé à me battre contre vents et marées°

contre vents et marées°, malgré vents et marées°, à travers vents et marées° (peu usité) : malgré les difficultés et les obstacles.

Cf. Littré - Aller contre vent et marée (vieilli), poursuivre obstinément un projet malgré les obstacles. Elle a établi son fils à la cour contre vent et marée. Madame de Sévigné, 236.

 

LA MÉTAPHORE FILÉE

C'est une suite de métaphores qui se rapportent toutes à un même champ sémantique. Ici, le champ sémantique du bateau : contre vents et marées - chavire

 

Cf. L'Académie 8e édition : MÉTAPHORE : Figure de rhétorique. Comparaison abrégée, par laquelle on transporte un mot du sens propre au sens figuré. Métaphore heureuse, juste, hardie, outrée, forcée, incohérente. C'est par métaphore qu'on dit d'un homme courageux : C'est un lion. Faire des métaphores qui se suivent.

 

pour qu'enfin mon esprit s'éclairât, pour que mes souvenirs revinssent

pour que, locution conjonctive de but, suivie du subjonctif.

La conjugaison des verbes au subjonctif - Comment déjouer ses difficultés

 

Que n'étais-tu là, courageuse Antigone

Que, ici, dans le sens de pourquoi.

> QUE dans tous ses états – pronom interrogatif - pronom relatif - conjonction de subordination ou élément d'une locution conjonctive - adverbe interrogatif ou exclamatif – ne... que - etc

 

N'avais-je pas mille fois ... N'avais-je pas mille fois ... mille fois

L'ANAPHORE : figure de rhétorique, répétition d'un même mot ou d'un même syntagme en tête de plusieurs phrases. Elle marque l'obsession, donne une force incantatoire en rythmant le discours.

 

que je pouvais dorénavant souffrir

dorénavant, désormais, dès lors, à partir de ce moment-là - dans une narration au passé.

 

Seuls l'hypocrisie, le mensonge et l'imposture des hommes sont les causes de mon désarroi et de ma détresse."

Voir l'article > Le mensonge - L'imposture - La fausseté

 

Viendront bientôt, après les frimas, les grandes ardeurs de la canicule

Ici, ardeurs est pris dans son sens propre : grande chaleur.

Les ardeurs du soleil

Ce sont les seuls cas où l'on puisse employer ardeurs au pluriel dans le sens propre. Ce peut être aussi une licence poétique, pour la rime ou la mesure du vers.

Sens figuré : être plein d'ardeur, l'ardeur de la passion...

 

Et la solitude, toujours – toujours la solitude – me menaçant de désespérance.

Menacer :

1-menacer, emploi absolu

Le ministre menace. >Il tient un discours menaçant.

L'orage menace.

2-menacer, verbe transitif.

Mais tu me menaces !

3-menacer de + substantif

Il me menace d'une bonne correction. > La correction sera ma punition.

Il me menace d'un couteau. > Le couteau sera le moyen de me corriger.

4-menacer de + infinitif

Il me menace de me renvoyer.

Mes espoirs menacent de s'écrouler. > Crainte que quelque chose n'arrive.

5-menacer + complétive (proposition conjonctive introduite par que)

Il me menace qu'il m'enfermera dans le placard à balais si je ne me tais pas.

Voir Le Trésor > MENACER

 

"Tu m'as l'air d'avoir là un coup de mou, Oli !"

avoir un coup de mou, être fatigué.

Registre populaire

Voir les registres de langue > Champ lexical - Champ sémantique - Niveau de langue - Registre de langue - style soutenu, courant, familier, populaire, argotique, ou vulgaire - Archaïsmes

 

me couper bras et jambes°

me priver de mes moyens

 

 << 165 Délires sur l'amour « Il n’y a qu’une loi en sentiment, c’est de faire le bonheur de ce qu‘on aime. »*

 >> 167 Délires sur un point de non-retour

 

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6 mars 2013 3 06 /03 /mars /2013 06:38

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Fort rares, si tant est qu'il y en eût, avaient été jusqu'à ce jour les signes d'un amour véritable que m'aurait porté Marie Cratère. Certes elle m'avait fait connaître, dès le début de notre rencontre, qu'elle nourrissait pour moi un sentiment que je pris pour de l'amitié, puis elle avait vanté mes qualités et s'était faite mon mentor ; mais, rappelle-toi, lecteur fidèle, l'effroyable moment où elle m'avait incarcérée et affamée, moi, alors sans défense, et cela parce que je l'avais avertie que je voulais me séparer d'elle. Rappelle-toi le supplice incroyable qu'aucune autre que moi n'aurait supporté et qui m'avait entraînée jusqu'aux portes de la mort. Alors que Cerbère2 m'ouvrait toutes grandes celles des Enfers, j'avais regimbé, et je m'étais accrochée si fortement au fil ténu qui me maintenait encore en ce monde, que je m'étais porté secours à moi-même en me refusant obstinément à vouloir quitter la vie. Et si je n'eusse point été sauvée in extremis par Sissi, que serait-il advenu de moi ?

 

Qu'elle est large la palette de l'amour !

Qui pense aimer n'aime en vérité que lui-même, et à l'autre bout, qui pense aimer et aime vraiment est prêt à se donner tout entier.

Amour altruiste, amour possessif. D'autres que moi en ont décrit tous les signes. Il n'est que de lire les grands amoureux et les grandes amoureuses, et les grands auteurs qui ont donné vie à des personnages amoureux, pour se faire une idée de ce dont l'homme est capable par amour. D'un côté, l'appropriation jalouse de l'autre, l'autoflagellation, la haine qui peut conduire jusqu'au crime même, en revanche, de l'autre, le sacrifice, l'abnégation, c'est-à-dire la négation complète de soi-même pour le bonheur de l'être aimé, et entre les deux, l'amour que l'on dispense avec mollesse jusqu'à ce qu'il s'étiole et s'éteigne au fil du temps.

Bon, laissons-là ces idées rebattues et lisons plutôt Stendhal, chantre De l'Amour.

................................................................

*1-Stendhal

Titre « Il n’y a qu’une loi en sentiment, c’est de faire le bonheur de ce qu‘on aime. »

Stendhal, Journal, 1805

*La Cristallisation

« Aimer, c'est avoir du plaisir à voir, toucher, sentir par tous les sens, et d'aussi près que possible un objet aimable qui nous aime.  »

La première cristallisation commence. On se plaît à orner de mille perfections une femme de l’amour de laquelle on est sûr ; on se détaille tout son bonheur avec une complaisance infinie. Cela se réduit à s’exagérer une propriété superbe, qui vient de nous tomber du ciel, que l’on ne connaît pas, et de la possession de laquelle on est assuré. Laissez travailler la tête d’un amant pendant vingt-quatre heures, et voici ce que vous trouverez. Aux mines de sel de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d’arbre effeuillé par l’hiver ; deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes : les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grosses que la patte d’une mésange, sont garnies d’une infinité de diamants mobiles et éblouissants ; on ne peut plus reconnaître le rameau primitif. Ce que j’appelle cristallisation, c’est l’opération de l’esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections.”

Stendhal, De l'amour, 1822

L'art et la vie de Stendhal - Page 377 - Résultats Google Recherche de Livres

 

Stendhal parle de Don Juan : « Au lieu de se perdre dans les rêveries enchanteresses de la cristallisation, il pense comme un général au succès de ses manœuvres, et, en un mot, tue l’amour au lieu d’en jouir plus qu'un autre. »

De l'amour - Volume 2 - Page 177 - Google Recherche de Livres

 

Une étude intéressante dans : Stendhal : La Cristallisation la-philosophie.com/cristallisation-stendhal

 

2-Cerbère– Dans la mythologie grecque, Cerbère est le chien qui garde les portes des Enfers, le séjour des morts. Il est traditionnellement représenté avec trois têtes, une crinière de serpents et une queue de serpent. Il laisse entrer les vivants qui traversent le Styx et terrorise les morts qu'il empêche de sortir.

 

NOTES

Fort rares, si tant est qu'il y en eût, avaient été les signes d'un amour véritable

♦ rares, adjectif attribut de signes

si tant est qu'il y en eût ou si tant est qu'il y en eut

eût subjonctif imparfait ou eut passé simple

> la locution conjonctive Si tant est que

 

elle s'était faite mon mentor

Académie, 8e édition - Mentor : Celui qui sert de guide, de conseiller à quelqu'un, par allusion à un personnage du Télémaque, de Fénelon, emprunté à l'Odyssée d'Homère. Donner un mentor à un jeune homme. Vous servirez de mentor à cette jeunesse. Vous êtes bien jeune pour faire le mentor.

 

alors que Cerbère m'ouvrait toutes grandes celles des Enfers

toutes, ici adverbe qui varie pour raison d'euphonie

> Ne pas confondre : TOUT adjectif indéfini, pronom indéfini, adverbe variable dans certains cas et substantif

 

je m'étais porté secours à moi-même

se porter, verbe pronominal réfléchi, le complément d'objet direct secours suit le participe passé. Pas d'accord.

> Qu'est-ce qu'un verbe pronominal réfléchi, réciproque, subjectif... ? + QUIZ 32 Accord du participe passé des verbes pronominaux

 

en me refusant  obstinément à vouloir quitter la vie

en refusant obstinément à ou de vouloir

se refuser à - refuser de

> Verbes qui se construisent avec à + infinitif ou de + infinitif

 

Et si je n'eusse point été sauvée in extremis

ici, subjonctif (imparfait) après si

> la conjonction de subordination Si

 

d'un côté... en revanche, de l'autre...

> Peut-on dire PAR CONTRE ? > en compensation, en revanche, mais d'autre part, mais d'un autre côté.

 

laissons ces idées rebattues

> Ne pas confondre : alcoolique, alcoolisé – rabattre, rebattre - amener, apporter – geai, jais - jadis, naguère – plutôt, plus tôt

............................................

À lire dans Florilège – la pensée des autres, les lettres de grandes amoureuses

♥ Les tragiques amours d'Héloise et d'Abélard – Lettre d'Héloïse

♥ LETTRES PORTUGAISES anonyme - La passion amoureuse d'une religieuse

et aussi

♥ PIERRE CORNEILLE - Le Cid - Acte III Scène 4 - Va, je ne te hais point. - Rodrigue qui l'eût cru ? 

♥ Poèmes d'amour - Tome 1 

♥ Poèmes d'amour – Tome 2

 

> Comment dites-vous "Je t'aime" ? Je te kiffe, je ne te hais point, tu me bottes, je suis morgane de toi, je t'ai dans la peau, mon coeur s'est embrasé, etc. ?

 

<< 164 Délires aux larmes de crocodile « Pleurez , pleurez mes yeux et fondez-vous en eau. »

>> 166 Délires au bord du gouffre

 

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21 février 2013 4 21 /02 /février /2013 11:31

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Peut-être Marie Cratère eut-elle un sursaut de remords de s'être montrée si intraitable à mon égard. Lorsqu'elle me dévisagea, curieuse qu'elle était de savoir jusqu'à quel point je supportais ses sarcasmes, une larme discrète coula le long de ma joue tendre.

N'avais-je pas usé d'autosuggestion1 et prononcé en mon for intérieur : « Pleurez , pleurez mes yeux et fondez-vous en eau !2 » Ce qu'ils firent. Une fieffée comédienne, voilà ce que j'étais devenue ; mais, à mon corps défendant. Qui m'en eût osé tenir rigueur en cette circonstance ? Ma détermination ne m'y pouvait que résoudre. Ne devais-je pas employer tous les moyens, si subtils et si blâmables qu'ils fussent, pour arriver à obtenir de Marie les réponses que j'attendais ? Non que je crusse qu'il fût aisé de la fléchir, mais je misais sur ce dont elle aurait pu faire preuve à mon égard, ne fût-ce qu'une once de faiblesse. Et c'est bien là ce qui se produisit. Rien de ce qui me concernait ne pouvait lui échapper.

Certes je savais qu'elle entendait toutes choses au premier mot, mais le plus souvent elle préférait faire la sourde. Elle était, en compassion, aussi grippe-sou qu'en économie.

Prétatou, qui suivait le fil de ma pensée, ne put se retenir de marmotter sans que, fort heureusement, Marie Cratère pût l'entendre : « Il s'en trouve qui sont si avares, chiches et pince-mailles qu'ils n'osent, comme on dit, boire de peur de pisser». Ce n'était guère là un langage châtié, mais il reflétait bien ma pensée. 

 

Mon pleur, cependant, toucha la vieille femme au-delà de mes espérances.

Un rictus mal contenu, une crispation légère que je devinai plus qu'elle n'apparaissait en vérité, me firent comprendre que Marie ne demeurait point insensible à la déception qui m'accablait. Sans doute s'en voulut-elle quelque peu —  c'est à tout le moins ce que je crus — car elle me susurra d'une voix mielleuse : « Qu'est-ce donc là que je vois, ma chérie ? Quel est ce chagrin qui gonfle ton coeur ? Sont-ce les refus que j'oppose à tes questions importunes qui te mettent en peine ? »

Puis, se reprenant brusquement, et avant même que je ne me fusse épanchée dans son sein — ce que j'aurais osé faire malgré ma répugnance, mais elle ne m'en donna pas l'opportunité — elle continua : « Tu ne lâcheras donc jamais ! »

Non, je ne me décramponnerais point de mon obsession et je continuerais toujours à la poursuivre avec les mêmes questions.

 

Je te prie, lecteur impatient, de ne faire aucune allusion à ce qu'il fallut que je cessasse d'être pour être qui j'étais devenue.4

...............................................................

1-autosuggestion ou auto-suggestion > L'agglutination – entr'acte ou entracte, grand'mère ou grand-mère

 

2-"Pleurez , pleurez mes yeux et fondez-vous en eau." Corneille, Le Cid, III, 2

 

 3- «[...] il s'en trouue qui sont si auares chiches et pince-mailles qu'ils n'osent (comme on dit) boire de peur de pisser [...]» Le Tondeux qui court en certains quartiers de la France, et pourquoi il tient la campagne. Auteur anonyme ? 1615 (dans BHVF attestations)

♦ trouue, auares > u consonne, ancienne forme du v

> Que les consonnes sonnent !

 

4-"Il a fait allusion à ce qu'il a fallu que je cessasse d'être pour être qui je suis." André Breton, Nadja, 1928

 

NOTES

Titre : Délires aux larmes de crocodile

Cf. L'Académie, 8e édition : Fig. et fam., Larmes de crocodile, Larmes hypocrites par lesquelles on cherche à émouvoir quelqu'un pour le tromper.

 

Peut-être Marie Cratère eut-elle un sursaut de remords

> L'inversion du sujet après ainsi, aussi, aussi bien, à peine, peut-être, sans doute, encore, du moins, pour le moins, tout au plus, encore moins, toujours est-il, encore, à plus forte raison.

 

curieuse qu'elle était de savoir...

curieuse, attribut de elle

 

prononcé en mon for intérieur

Cf. Académie, 8e édition : Le for intérieur, Le jugement qu'au fond de soi on porte sur soi-même, le tribunal de la conscience. Je suis sûr que, dans votre for intérieur, vous m'approuvez. Garder son for intérieur.

 

N'avais-je pas usé d'autosuggestion

phrase qui ne finit pas par un point d'interrogation.

Cas où l'on peut omettre le point d'interrogation dans une phrase interrogative

 

à mon corps défendant, malgré moi.

 

Qui m'en eût osé tenir rigueur en cette circonstance ? Ma détermination ne m'y pouvait que résoudre.

On dirait plus couramment : Qui aurait osé m'en tenir rigueur ? Ma détermination ne pouvait que m'y résoudre.

La première tournure est rare de nos jours.

> La place de Y et de EN dans la phrase. Vous recherchez des difficultés dans cet exercice ? Vous finirez bien par Y EN trouver. + QUIZ 67

 

tous les moyens, si subtils et si blâmables qu'ils fussent, pour arriver à obtenir de Marie les réponses que j'attendais

ils fussent, subjonctif imparfait de être

locution conjonctive suivie du subjonctif > Quelque... que

 

Non que je crusse qu'il fût aisé de la fléchir, mais je misais...

je crusse subjonctif imparfait de croire

locution conjonctive suivie du subjonctif, non que... (mais)

> Non que, non pas que, non moins que, non plus que, non point que

qu'il fût aisé, subjonctif imparfait : Une proposition dépendant d’un verbe au subjonctif peut avoir, par attraction, son verbe au subjonctif.

autrement dit : Non que je crusse qu'il était aisé de la fléchir, mais..

> § 72 dans Valeurs et emplois du subjonctif

 

ne fût-ce qu'une once de faiblesse

> Eussé-je, eussè-je, j'eusse, fussé-je, fussè-je, je fusse, dussé-je, dussè-je, eût-il, fût-il, dût-il, fût-ce, fussent-ils

♦ une once, ancienne mesure de poids > un rien, un petit peu.

 

Entendre toutes choses au premier mot

comprendre immédiatement ce qui est dit.

 

Elle était, en compassion, aussi pince-maille qu'en économie.

= elle était avare de sa pitié comme de ses sous.

Pince-maille, très avare, grippe-sou, chiche, ladre.

Dans la Grammaire des grammaires (cinquième édition) 1822

de Charles-Pierre Girault-Duvivier

Page 176 : Grippe-sou, pl. Des grippe-sou. Des gens d'affaires qui moyennant le sou pour livre, c'est-à dire une très légère remise, reçoivent les rentes. C'est dans le même sens que l'on écrira des pince-maille. Maille, dit l'Académie, était une monnaie au-dessous du denier : trois sous, deux deniers et maille.- Il n'a ni sou ni maille. - les pince-maille sont des personnes qui pincent, qui ne négligent pas une maille.

Ainsi les pince-maille sont de deux ou trois degrés plus ladres que les grippe-sou.

 

Il ne put se retenir de marmotter

marmotter, marmonner...

Cf. Littré, parler confusément entre ses dents.

 

Mon pleur, cependant, toucha la vieille femme.

> Ne pas confondre une larme, un pleur - j'ai coutume, j'ai la coutume, comme de coutume, à l'accoutumée – l'abîme, en abyme - une balade, une ballade – un martyre, un martyr – un/une couple

 

sans que Marie pût l'entendre

sans que, locution conjonctive suivie du subjonctif.

Pas de ne explétif dans la subordonnée.

> NE explétif - Quand peut-on l'employer ?

 

Sans doute s'en voulut-elle quelque peu

♦ inversion après sans doute : voir ci-dessus peut-être

♦ quelque peu, un peu.

 

Ce n'était guère là un langage châtié

CF. Littré, un style châtié, un style très pur et très correct.

(pisse, pisser, vulgaire)

 

sont-ce les refus que j'oppose...

Quand emploie-t-on c'est et ce sont, c'était et c'étaient ?

Pas toujours là où l'on pense.

Voir > Confusions : Débattre (Ø, de, sur ?) se rappeler (Ø, de ?) clore ou clôturer, qu'est-ce qui lui (le ?) prend ? Aller (au, chez) quid (de, sur ?) battre froid (à ?) contredire (Ø, à ?) c'est, ce sont...

 

avant même que je ne me fusse épanchée dans son sein

s'épancher, donner libre cours à ses sentiments, avec sincérité.

avant que locution conjonctive suivie du subjonctif 

> NE explétif 

 

à tout le moins, pour le moins, du moins.

 

elle me susurra d'une voix mielleuse

♦ susurrer > Cas où le S ne se prononce pas [z] entre deux voyelles

mielleuse, doucereuse, mêlée d'hypocrisie.

 

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16 février 2013 6 16 /02 /février /2013 09:55

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« Voudrais-tu que mon âge, avant le temps, par tes questions, s'envieillisse ? » gronda Marie Cratère.

 

À peine m'étais-je remise de mes émotions, et Marie Cratère de la jouissance inespérée qu'elle avait eue à me porter secours — elle croyait à présent que la gratitude que j'aurais pour elle ferait de moi son esclave — que je saisis l'occasion de lui demander pourquoi elle s'était donné la mission de venir au secours de ses semblables, dans quelque bourbier qu'ils se fussent fourrés.

Mais elle fuyait toutes les questions comme la peste et m'envoya sur les roses° comme tu viens de l'entendre, cher lecteur.

Elle était toujours le contraire de ce à quoi je m'attendais.

J'insistai avec toute la douceur dont je fus capable, sachant bien qu'elle ne pouvait être insensible aux flatteries qu'elle prendrait forcément pour des compliments. Mine de rien, n'en était-elle pas friande ? Je l'eusse parié.

 

« Marie, j'ai vu, dans la forêt, des pauvres gens, hagards et terrorisés, qui s'enfuyaient et se cachaient ; toi qui es sensible à la détresse humaine, et qui exerces ton art dans le dessein de guérir toutes les maladies de tes semblables, dis-moi Marie, dis-moi pourquoi ils se dérobaient ainsi aux yeux du monde, pourquoi ils ont quitté leur cité pour cette forêt inhospitalière, et pourquoi ils se terrent dans des trous.

Mes semblables ! Tu as dit mes semblables, ricana-t-elle. Ma pauvre fille, tu ne sais pas de quoi tu parles ! »

 

Qu'avais-je donc espéré qu'il fût possible de savoir ? Après l'aide si précieuse que m'avait apportée Marie Cratère, je crus que nos relations seraient au beau fixe, quelque temps pour le moins. Ne l'avais-je pas comblée en m'efforçant de lui être agréable et en accédant à ses désirs ? Et voilà qu'à cet instant, elle me tenait des propos qui m'ôtaient tout espoir de recevoir des réponses claires sur les sujets qui me tenaient à coeur. Peut-être tarderais-je encore longtemps de les connaître.

L'ardeur que j'avais mise à lui obéir aurait-elle jamais aucun effet sur son coeur ? Je me demandais ce qui lui plairait que je pusse faire pour la fléchir un jour, et combien il me faudrait attendre encore pour arracher d'elle quelque chose qui pût me satisfaire.

 

Pour tout réconfort — qui diable l'eût cru ? — je dus me contenter d'avaler une écoeurante ripopée. Je n'osai en laisser la moindre goutte de peur de froisser mon hôte. Après avoir sauvé ma vie, la vieille Marie ne me ménageait guère et me faisait bien sentir que rien, entre nous n'avait changé.

Elle ne m'approuvait pas mais il n'était point l'heure pour elle de me chanter la palinodie°. Elle resta longtemps silencieuse, m'observant de ses petits yeux bordés d'écarlate. Je n'eusse point connu Marie, elle m'eût donné sur les nerfs°. Mais je tâchais à rester patiente.

 

Prétatou, après s'être senti bien inutile de n'avoir pu me porter secours, s'était livré sans mesure aux ébattements quand il m'avait vue saine et sauve. Sa joie fut de courte durée. Il miaula, pour faire diversion, l'atmosphère s'appesantissant de minute en minute.

« Qu'entends-je que ton cador murmure ? Ose-t-il s'immiscer dans nos affaires ? » rugit la vieille qui déversa sur lui son humeur querelleuse.

Elle aurait bien voulu donner du balai° mais elle doutait que je fusse restée chez elle, si d'aventure elle s'en fût prise à mon chien.

......................................................

*Titre : Le soleil est nouveau chaque jour. Aristote, Météorologiques

 

NOTES

Titre : les agissements ambigus de Marie Cratère

au singulier, ambigu, ambiguë (féminin, ambiguë d'après la nouvelle orthographe)

ambigu, flou, équivoque, qui peut avoir plusieurs interprétations.

adverbe, ambigument.

 

Voudrais-tu que mon âge, avant le temps, par tes questions s'envieillisse ?

Envieillir, s'envieillir, envieilli

Littré

♦ envieillir 1 devenir vieux 2 faire paraître vieux

♦ s'envieillir, Devenir vieux. Mon âge, avant le temps, par mes maux s'envieillit. [Régnier, Élégies]

♦ envieilli, 1 devenu vieux

2 Fig. Qui a contracté par le long temps quelque habitude bonne ou mauvaise. Les pécheurs les plus envieillis. [Pascal, Les provinciales]

3 invétéré, en parlant des choses. Une haine envieillie en un coeur déloyal. [Tristan, La Mort de Chrispe]

 

À peine avais-je eu le temps de me remettre

inversion fréquente du sujet après les locutions à peine, ainsi, aussi, peut-être...

> L'inversion du sujet après ainsi, aussi, aussi bien, à peine, peut-être, sans doute, encore, du moins, pour le moins, tout au plus, encore moins, toujours est-il, encore, à plus forte raison.

 

la jouissance inespérée qu'elle avait eue à me porter secours — Elle croyait à présent... —

♦ le participe passé eue s'accorde avec le complément d'objet direct que (antécédent mis pour jouissance) puisqu'il est placé avant lui.

> Règles de l'accord des participes passés

♦ le rôle du tiret dans une phrase ; doit-il être double ?

> Ne pas confondre : trait d'union et tiret

 

pourquoi elle s'était donné la mission de venir porter secours à ses semblables

pas d'accord avec le participe passé donné ; le complément d'objet direct la mission se trouve après le participe du verbe pronominal se donner ; le pronom réfléchi élidé S' (SE) est complément d'objet second (indirect)

> Qu'est-ce qu'un verbe pronominal réfléchi, réciproque, subjectif... ? + QUIZ 32 Accord du participe passé des verbes pronominaux

 

dans quelque bourbier qu'ils se fussent fourrés

♦ quelque... que, locution conjonctive de concession > Quelque... que

fussent subjonctif imparfait

Académie 8e édition, bourbier

Lieu creux et plein de bourbe (fange, boue). S'engager, entrer, tomber dans un bourbier. Se tirer d'un bourbier. Fig. et fam., Se mettre dans un bourbier, S'engager dans une mauvaise affaire. Il s'est mis dans un bourbier d'où il aura peine à se tirer.

 

envoyer sur les roses°, expression familière, se dit cavalièrement à quelqu'un dont on veut se débarrasser.

envoyer paître, envoyer se faire voir, envoyer au diable, aller voir ailleurs si j'y suis,

 

Elle était toujours le contraire de ce à quoi je m'attendais.

Emploi de quoi : pronom neutre interrogatif qui peut avoir pour antécédent ce, rien, quelque chose, autre chose.

Devinez ce à quoi je pense, ce dans quoi je vis, ce avec quoi je travaille, ce dans quoi je m'embourbe, ce sur quoi je marche. Je n'ai rien à quoi me rattacher ni quelque chose à quoi tenir...

 

elle fuyait toutes les questions comme la peste

> Comparaisons – léger comme... méchante comme... long comme... nu comme... sourd comme... solide comme... ronfler comme... sauter comme... battre comme... jurer comme... menteur comme... QUIZ 52

 

mine de rien, sans en avoir l'air.

 

toi... qui exerces ton art dans le dessein de guérir...

> Peut-on dire "dans quel but ? dans le but de... " ?

 

je l'eusse parié

subjonctif plus-que parfait à valeur de conditionnel, conditionnel passé.

je l'aurais parié

 

Qu'avais-je donc espéré qu'il fût possible de savoir ?

Fût, subjonctif imparfait

cas où le verbe espérer est suivi du subjonctif > Espérer que - J'espère que, je n'espère pas que, espérez-vous que - Prendre garde que - Inutile que - Prendre garde que, à ce que - Faire attention que, à ce que + subjonctif ou indicatif ?

 

Je me demandais ce qui lui plairait que je pusse faire

-Ce qui, ce que, pronoms interrogatifs dans l’interrogation indirecte, jouent le rôle de locutions pronominales interrogatives :

Interrogation directe : Qu'est-ce qui te plaira ?

indirecte :Je demande ce qui te plaira.

au passé : je me demandais ce qui te plairait.

De même avec ce que

Que dit-elle ? Je ne sais pas ce qu'elle dit - Je ne savais pas ce qu'elle disait.

-Pronoms relatifs sans antécédent : Je ne pouvais pas lui dire : « Ce qui m'est odieux, Marie, c'est ton hypocrisie. » la relative ce qui m'est odieux est sujet réel de est dans c'est ton hypocrisie.

Elle est odieuse, ce qui me rend nerveuse - Dans ce cas ce qui remplace la proposition précédente, il est sujet de rend.

Ce que tu me demandes est inadmissible. Ce que est complément d'objet direct de demandes.

 

Peut-être tarderai-je encore longtemps de les connaître.

Tarder de ou tarder à

tarder de, littéraire.

> Verbes qui se construisent avec à + infinitif ou de + infinitif

 

quelque chose qui pût me satisfaire

subjonctif dans une proposition subordonnée relative contenant une idée de conséquence

 

Qui diable y eût cru ?

Qui diable aurait cru à un quelconque réconfort ?

 

Je dus me contenter d'avaler une écoeurante ripopée

Littré, ripopée :

Terme familier et de mépris. 1-Mélange que les cabaretiers font des différents restes de vin. Ce n'est que de la ripopée. 2-Mélange de différentes sauces, de différentes liqueurs. Quelle ripopée faites-vous là ? 3-Fig. et familièrement. Ouvrage, écrit composé d'idées communes, incohérentes, etc.

 

Mon hôte

♦ une hôte ou une hôtesse, celle qui reçoit.

Une hôte, celle qui est reçue.

♦ mon au lieu de ma pour éviter l'hiatus, le h de hôte étant muet.

> L'euphonie - Emploi des lettres euphoniques pour éviter l'hiatus – Vas-y ET Va y comprendre quelque chose ! – Va-t'en OU Va-t-en ?

> La liaison - L'élision - L'enchaînement - La disjonction 

 

Avoir les yeux bordés d'écarlate°

Locution vieillie, avoir les yeux rouges, enflammés.

 

Chanter la palinodie°, locution, au sens figuré, désavouer ce qu'on a dit auparavant.

Rappelle-toi, lecteur, toi qui suis les aventures d'Oli depuis si longtemps, Marie Cratère aime Oli, elle l'aime avec passion, quoiqu'elle lui fasse subir continûment des vexations et des mauvais traitements.

 

Je n'eusse point connu Marie, elle m'eût donné sur les nerfs°.

Si je n'avais pas connu Marie, elle m'aurait porté sur les nerfs.

Donner sur les nerfs (à quelqu'un)°, expression familière, l'irriter.

♦ Je n'eusse point connu Marie, subjonctif plus-que-parfait à valeur de conditionnel passé > je n'aurais point connu Marie...

 

je tâchais à rester patiente

♦ noter la préposition, tâcher à + infinitif (littéraire et vieilli)

> je m'efforcerai à rester patiente

Plus couramment tâcher de

♦ autre sens de tâcher, s'occuper.

> Verbes qui se construisent avec les prépositions à ou de suivies d'un infinitif

 

Prétatou s'était livré sans mesure aux ébattements

ébattement, action de s'ébattre pour manifester sa gaieté.

 

Qu'entends-je que ton cador murmure ?

cador, mot qui vient de l'arabe > argot pour chien

Ni l'Académie ni le Trésor n'admettent le mot.

 

Elle aurait bien voulu donner du balai° mais elle doutait que je fusse restée chez elle si d'aventure elle s'en fût prise à mon chien.

♦ donner du balai° s'en débarrasser

♦ elle doutait que je fusse restée

> Douter que, se douter que / Je doute que, nul doute que, il n'est pas douteux que... Je me doute que, il ne se doute pas que... + indicatif ou subjonctif ?

♦ si elle s'en fût prise à mon chien

Cf. Académie (8e édit.) S'en prendre à quelqu'un, Lui attribuer quelque faute, vouloir l'en rendre responsable, lui en donner le tort. On s'en prend à moi, comme si j'étais pour quelque chose dans cette affaire.

> les modes employés après la conjonction de subordination si

Si + indicatif, subjonctif, quel mode choisir ?

 

> À savoir : le conditionnel n'est plus considéré comme un mode, ses temps font partie de l'indicatif.

Le conditionnel ne serait-il plus un mode ? Le futur antérieur du passé - Le futur antérieur hypothétique

 

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10 février 2013 7 10 /02 /février /2013 18:27

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Mon travail dans le drôle de logis de Marie Cratère étant terminé, je m'apprêtai à prendre quelque repos. Je savais que le banc de pierre scellé contre le pignon de la maison était tout disposé à m'accueillir.

En sortant, je remarquai qu'une niche avait été aménagée, très haut, dans l'arête du mur, et qu'on y avait installé, en des temps très anciens, une statue de granit. On pouvait deviner qu'elle représentait un chevalier debout, tout armé, avec son heaume, son armure, sa lance et son écu. Les intempéries, insensibles à toute forme artistique, en avaient rongé les détails, sans pour autant retirer, à cette noble figure, son allure altière.

Ce qui m'intrigua ne fut pas qu'elle se trouvât là, tant s'en faut, la maison avec ses caractères étranges ne me déconcertait plus guère, mais le socle, qui retenait le noble personnage afin qu'il restât vertical, s'était émoussé au fil du temps, de sorte que la statue penchait, et qu'elle penchait dangereusement, au risque de ne plus se maintenir.

Ce que voyant, je décidai, sans bien réfléchir je l'avoue, et avec toute la témérité dont tu me sais capable, fidèle lecteur, de sauver ce digne objet et de le rétablir dans sa majestueuse verticalité.

On peut être surpris de ce que je commets parfois des imprudences.

Ayant grimpé sur le banc qui n'était destiné qu'à recevoir mon séant, je me hissai donc sur la pointe des pieds et étendis les bras pour me saisir du preux. Bien qu'il fût très lourd, je le sentis bouger, instable, entre mes mains, mais je n'étais pas assez forte, dans cette position pour le moins inconfortable, pour le rétablir comme je l'aurais voulu, et si, à cet instant, je l'avais lâché, j'ose à peine imaginer ce qui serait advenu de lui... et de moi.

Plût à Dieu que j'eusse alors assez de force pour parvenir à mes fins !

 

Une petite goutte au bout de mon nez vint à me chatouiller. Mais j'avais les deux mains prises, bien occupées qu'elles étaient à retenir fermement la statue branlante et il n'était pas dans mon intention de la laisser choir, d'autant que j'étais de plus en plus certaine qu'elle me serait tombée dessus si d'aventure j'avais cessé de la tenir. La sensation que j'éprouvais au bout de mon nez était si vive que je me demandais comment il se faisait qu'une goutte aussi petite arrivât à ce point à capter toute mon attention. Mon esprit se révolta. L'idée même que cette infime goutte devînt le centre d'une unique préoccupation — à savoir que ce chatouillement dût cesser promptement — m'empêchait de me concentrer sur l'activité commencée. Et l'alternative qui se présentait à moi ne me donnait pas un choix véritable. Soit que je continuasse à essayer de remettre la statue en place en supportant l'insupportable chatouillis, soit qu'il me fallût me gratter d'urgence le bout du nez, et dans ce cas, j'allais tout lâcher et recevoir l'indocile objet sur la tête ; tout me sembla sans issue. J'imaginai alors avec effroi que ma vie, à coup sûr, pourrait être en un instant différente de celle que j'avais eue jusqu'aujourd'hui. Mais voilà que la démangeaison arriva à son comble. Qu'elle en vînt à subjuguer ma pensée m'étonna au plus haut point. Que mon corps tout entier fût dominé par une goutte minuscule me mit dans une colère noire. Tous mes efforts tendaient à m'obliger à rester calme, autant que je le pouvais, dans ce moment qui était, croyez-moi, je vous l'assure, un vrai moment de torture. Mon attention était captive, avec tant d'acuité, de ce petit rien, ou, pour le moins, de l'effet qu'il produisait sur ma personne que j'étais bien incapable de réfléchir à la façon la plus rapide de remettre sur pied la statue qui, comme mue d'une vie propre, commençait à trembler dans mes mains, lesquelles étaient prises soudain d'un trouble nerveux contre quoi je me sentis bien impuissante. Elle oscillait dangereusement, elle tanguait comme sur un bateau ivre dans la tempête, et ce tremblement s'accélérait sans que j'y pusse rien et je voyais approcher avec effroi l'instant où tout basculerait. Mes pieds, haussés sur leurs pointes menaçaient de lâcher ; mes mains s'engourdissaient. La goutte perla. Une violente envie de pleurer me prit par surprise et je mesurai à quel point mon imagination exacerbée me fit me représenter déjà tombée sur le sol, la tête broyée par l'impitoyable chevalier.

La pensée de la mort imminente me traversa, fulgurante. Et je songeai en un éclair que cette mort, qui allait survenir, me priverait irrémédiablement de la possibilité de découvrir tout ce que je voulais savoir du monde où je vivais.

Au moment ultime où aucune solution salvatrice ne semblait d'offrir à moi, je sentis les deux bras secourables de Marie Cratère qui venait à point nommé de se hisser à côté de moi. J'en vins presque à croire au miracle. J'eus tout juste le temps de m'étonner de la voir tout à coup plus grande qu'elle me fût jamais apparue. Elle se saisit vigoureusement de la statue près de tomber et la cala autoritairement dans sa position originelle, telle qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être.

Et je pus, sitôt que je fus sauvée, me gratter le nez.

...................................................

NOTES

je m'apprêtai à prendre quelque repos

passé simple, le temps du récit.

 

Le banc de pierre, scellé contre le pignon de la maison était tout disposé à m'accueillir.

♦ Le banc de pierre était tout disposé à m'accueillir 

Une figure de style, LA PERSONNIFICATION. 

Aussi dans > Les intempéries, insensibles à toute forme artistique...

Le pignon (de la maison)

Cf. Littré - Terme d'architecture. La partie des murs qui s'élève en triangle et sur laquelle porte l'extrémité de la couverture. J'habitais au milieu des hauts pignons flamands. [Victor Hugo, Les Contemplations V, 8]

Avoir pignon sur rue signifiait autrefois avoir une maison dont le pignon donne sur la rue. Aujourd'hui, être fortuné, être reconnu dans une activité particulière.

 

une statue de granit, ou de granite.

Le granit est une roche éruptive, cristalline, dure et d'aspect granuleux.

 

un chevalier avec son heaume, son armure, sa lance et son écu

le heaume, casque du Moyen Âge qui enveloppait la tête et auquel on avait pratiqué des ouvertures pour les yeux.

L'écu, le bouclier du chevalier.

 

son allure altière, d'une fierté hautaine.

 

Ce qui m'intrigua ne fut pas qu'il se trouvât là, tant s'en faut

♦ trouvât, subjonctif imparfait.

> Valeurs et emplois du subjonctif

♦ tant s'en faut, loin de là.

À noter : l'expression Loin s'en faut est fautive.

 

au risque de ne plus se maintenir

se maintenir peut s'employer sans complément prépositionnel.

au risque de ne plus se maintenir dans sa position première, de bout...

 

Ce que voyant,...

en voyant cela.

survivance qu'une syntaxe ancienne : ce que suivi d'un participe présent.

Ce qu'entendant,... est plus rare.

 

On peut être surpris de ce que je commets parfois des imprudences.

Ou bien

♦ On peut être surpris que je commette parfois des imprudences

> Cf. Littré - Surpris dans le sens de étonné, régit l'indicatif après de ce que : Vous êtes surpris de ce qu'il ne vient pas. Mais après que, il régit le subjonctif : Vous êtes surpris qu'il ne vienne pas.

 

mon séant, mon fessier, mon derrière.

 

Bien qu'il fût très lourd, je le sentis bouger

fût subjonctif imparfait

> Bien que + indicatif, subjonctif ou conditionnel, quel mode choisir ? 

 

ce qui serait advenu de moi

advenir, dans la langue courante, se produire comme d'une chose possible.

 

Plût à Dieu qu'il me donnât assez de force pour tenir !

Tournure qui exprime un souhait, subjonctif optatif.

Plût à Dieu..., subjonctif imparfait

Plaise à Dieu..., subjonctif présent

 

La maison ne me déconcertait plus guère

ne... plus guère,

synonyme, ne... plus beaucoup.

 

Une petite goutte au bout de mon nez vint à me chatouiller.

Venir à, suivi d'un infinitif, signifie que le fait est inattendu ou qu'il est arrivé à son aboutissement : en venir à.

> j'en vins presque à croire au miracle.

 

Mais j'avais les deux mains prises, bien occupées qu'elles étaient à retenir la statue branlante

occupées, attribut de elles

 

soit que je continuasse à essayer... soit qu'il me fallût me gratter...

la locution conjonctive marque l'alternative

> Soit que... soit que - subjonctif

en supportant l'insupportable

Une figure de style, LE POLYPTOTE est la répétition d'un même mot revêtant différentes formes grammaticales dans une même phrase.

 

Qu'elle en vînt à subjuguer ma pensée m'étonna au plus haut point.

subjuguer, soumettre par la force.

vînt subjonctif dans une propostion introduite par que en tête de phrase. Même chose pour la phrase suivante.

> Les verbes difficiles conjugués à l'indicatif présent, au passé simple, au subjonctif présent et au subjonctif imparfait

 

celle que j'avais eue jusqu'aujourd'hui 

> Jusque, jusqu'à, jusqu'hier, jusques, jusques et y compris, jusques à quand, jusqu'à ce que...

 

une colère noire

> Jeux sur les couleurs : Complétez les phrases avec des noms de couleurs

 

ce tremblement s'accélérait sans que j'y pusse rien

sans que j'y pusse quelque chose.

Pas de ne négatif ni de ne explétif.

> Sans que

> NE explétif - Quand peut-on l'employer ? - sans que je ne - avant que je ne - je crains que tu ne - j'empêche que tu ne - je m'attends à ce que tu ne - je ne nie pas que tu ne...

et > Rien.

 

la voir tout à coup plus grande qu'elle me fût jamais apparue

> Jamais, ne jamais, jamais plus, au grand jamais, à jamais, si jamais, oncques... + Adverbes et locutions adverbiales de temps

 

la statue près de tomber

> Ne pas confondre : près de, prêt à 

 

Et je pus, sitôt qu'elle m'eut sauvée, me gratter le nez.

♦ sitôt que (langue soutenue), aussitôt que, après que,

♦ eut sauvée, passé antérieur.

Ne pas confondre passé antérieur et subjonctif plus-que-parfait

> Passé simple ou subjonctif imparfait ? Passé antérieur, subjonctif plus-que-parfait ou conditionnel passé ? QUIZ 29

locutions conjonctives de temps suivies de l'indicatif.

Voir Sitôt que simultanéité, antériorité

♦ elle m'eut sauvée, le participe passé conjugué avec avoir s'accorde avec le complément d'objet direct me ( féminin) placé avant lui.

> Règles de l'accord des participes passés

 

SURPRIS ou ÉTONNÉ

Le célèbre lexicographe français Émile Littré avait l'habitude de travailler de longues heures dans son cabinet, ou personne n'osait le déranger. Mais un jour, son épouse, qui avait une affaire urgente à discuter avec lui, monta quand même au cabinet de M. Littré pour lui parler. Elle ouvrit la porte, entra - et trouva son mari avec la bonne !

Monsieur, je suis surprise ! s'écria la bonne dame, bouche bée.

Non, madame, lui répondit le grand lexicographe, sans pourtant tourner la tête – c'est moi qui suis surpris ; vous, vous êtes étonnée !

Pour un vrai lexicographe la distinction de sens reste, comme on le voit, le point central dans n'importe quelle situation.

Note : Il y a beau temps que je connais cette anecdote pour l'avoir inscrite dans mes petits carnets. Malheureusement j'ai omis d'en écrire le nom de l'auteur et je ne m'en souviens plus.

J'ai retrouvé ce texte sur la toile, mais sans le nom de son auteur, dans le Dictionnaire explicatif et combinatoire du français contemporain: ... - Volume 4 - Page ix - Résultats Google Recherche de Livres

books.google.fr/books?isbn=2760617386

Igorʹ Aleksandrovič Melʹčuk, Igor A. Mel'cuk, Nadia Arbatchewsky-Jumarie

Étonnant, non !

 

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25 janvier 2013 5 25 /01 /janvier /2013 14:05

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Il fallait que je me rendisse à l'évidence. Je devais céler mon ego et devenir docile comme un agneau jusqu'à étonner Marie. Elle savait de longue date que j'avais une tendance naturelle à n'être point soumise ; aussi l'application que je mettrais à lui être agréable la fléchirait-elle peut-être, à un point tel qu'il lui deviendrait impossible de me refuser quoi que ce fût.

Bien que sa masure, on le sait, eût un aspect repoussant, je m'appliquai du mieux que je pus en en traquant le moindre grain de poussière. Mon hôtesse serait-elle généreuse envers qui la servirait fidèlement ?

Je pris le temps nécessaire. Rompue aux soins du ménage et gardant à l'esprit que cet exercice pouvait me permettre d'arriver à mes fins, je sentis obscurément que cette besogne, qui m'était apparue bien déplaisante dès l'abord, devenait, au fil des heures, tout à fait attrayante. Je poussai l'excellence jusqu'à cirer les meubles préalablement décrassés et à les faire reluire comme jamais. La cire d'abeille embaumait, et, n'eût été l'absence de soeurs ouvrières qui m'auraient secondée, je me serais bien crue dans une ruche.

Toute activité recèle des trésors, fussent-ils cachés. Dans ce cas, s'efforcer de les découvrir permet de savourer le plaisir du travail bien fait. Ce que je fis. Et ma vie n'en fut que meilleure.

 

« Tu ne sortiras pas d'ici que tu n'aies tout briqué », m'avait dit Marie Cratère d'un ton irréfragable.

 

La nommée Oli que je suis, quand elle mourra, pourra se glorifier d'avoir su aller au-delà de sa répugnance jusqu'à la transformer en suave délectation.

Vous ne me croyez pas ? Zeste !

M'avez-vous vue, lecteurs incrédules, ne serait-ce qu'une seule fois, vous mentir effrontément ?

..........................................................

*Que ma joie demeure, roman de Jean Giono, 1935. 

 

NOTES

Il fallait que je me rendisse à l'évidence.

♦ Subjonctif après : il faut que

♦ je me rendisse : subjonctif imparfait (langue soignée), le verbe principal étant au passé.

♦ Il fallait que je me rende à l'évidence (style courant) 

La conjugaison des verbes au subjonctif - Comment déjouer ses difficultés

 

Je devais céler (ou celer) mon ego

céler, synonyme noble de cacher

je devais cacher la vraie personne (le moi) que j'étais

 

me rendre docile comme un agneau

Comparaisons – léger comme... méchante comme... long comme... nu comme... sourd comme... solide comme... ronfler comme... sauter comme... battre comme... jurer comme... menteur comme... QUIZ 52

 

Bien que sa masure, on le sait, eût un aspect repoussant

>> Bien que est suivi du subjonctif, ici eût : subjonctif imparfait

 

Mon hôtesse serait-elle généreuse

♦ une hôtesse ou une hôte reçoit. 

♦ une hôte est reçue.

 

dès l'abord, tout d'abord, au prime abord, dans le premier abord, du premier abord, de premier abord, dès le premier abord.

Quand on commence une énumération ou un raisonnement ou en premier lieu : d'abord, tout d'abord.

 

Rompue aux soins du ménage

très habile, parfaitement exercée aux soins du ménage.

 

N'eût été l'absence de soeurs ouvrières qui m'auraient secondée

n'était l'absence...

s'il n'y avait pas eu l'absence...

Propositions conditionnelles commençant par : n'était, n'étaient, n'eût été, n'eussent été

 

"Tu ne sortiras pas d'ici que tu n'aies tout briqué"

♦ briquer, nettoyer avec grand soin. Registre familier

Champ lexical - Champ sémantique - Niveau de langue - Registre de langue - style soutenu, courant, familier, populaire, argotique, ou vulgaire - Archaïsmes

 ♦ que tu n’aies tout briqué

dans ce cas, le NE n’est pas explétif et ne peut être supprimé

NE explétif - Quand peut-on l'employer ? - sans que je ne - avant que je ne - je crains que tu ne - j'empêche que tu ne - je m'attends à ce que tu ne - je ne nie pas que tu ne...

 

d'un ton irréfragable

Irréfragable, qu'on ne peut ni contredire ni réfuter.

 

au-delà de sa répugnance, au delà ...

Y a-t-il un trait d'union ou pas ? Au delà ou au-delà ? Par delà ou par-delà ? AU ou PAR ou EN etc. + deçà, delà, devant, derrière, avant, arrière, dessus, dessous, dedans, dehors, haut, bas

 

Zeste ! ou Zest ! Interjection qui marque qu'Oli rejette l'argument présumé de ses lecteurs.

Pour connaître les autres acceptions de zeste ou zest, voir les notes du texte :159 Délires où la prudence est de rigueur

 

<< 160 Délires de la vieille houhou - vieille haha

>> 162 Délires autour d'une petite goutte  

 

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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 10:53

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À peine le chat-huant avait-il lancé son dernier hou, l'aube n'ayant pas encore signalé de ses feux blafards que le jour poignait — comment d'ailleurs aurais-je pu en percevoir le moindre rayon dans cette forêt épaisse1 ? — que, déjà sur pied, je scrutais alentour, forçant ma vue à saisir quelque chose, ne fussent que le ver luisant dont l'éclat ténu accrocha un instant mon regard, les noires frondaisons se mouvant au rythme de la brise, et l'oeil de quelque félin brillant dans l'obscurité butyreuse.

J'aurais pu rester quelques heures encore sur ma couche vétuste, à vouloir me délasser, si grande avait été la fatigue qui m'avait terrassée la veille, mais la tiédeur de la nuit m'avait empêchée de goûter à un repos salutaire, troublé qu'il était par une agitation incoercible. Et mes jambes fourmillaient.

Je sentis le furtif effleurement du poil de Prétatou qui s'était approché pour se donner la sensation exquise de me signaler sa présence, toujours attentif au moindre de mes mouvements. Je lui sus gré de la délicatesse dont il fit preuve de ne point se manifester bruyamment, comme s'il ne voulait pas troubler les derniers instants de la nuit.

Une foultitude de questions m'assaillirent, celles-là mêmes que je m'apprêtais à poser à Marie Cratère, et j'imaginais la forme qu'elles prendraient, et les prodigieux efforts dont je devrais faire preuve et qui étaient si éloignés de ma propre nature. Il me faudrait user de la plus grande patience et du discernement le plus subtil et le plus éclairé, car je savais que mon interlocutrice ne manquerait pas de m'éprouver. Et cette épreuve serait d'autant plus difficile que je savais que je n'en sortirais pas indemne alors même que j'aurais aiguisé tous mes sens et exercé jusqu'à leur paroxysme, la perspicacité, le sang-froid, la persévérance et l'impassibilité même, fût-elle feinte.

 

« Oli, ne dors-tu point ? »

Je sursautai et palis, comme prise en défaut.

Marie connaissait sur le bout des doigts l'art et la manière de culpabiliser. Elle eût stigmatisé sans vergogne l'innocence même.

Elle m'entraîna dans sa masure où déjà le thé et le café fumant attendaient. Et quelques petits pains chauds étaient tout juste sortis du four. Un drôle de four en vérité qui, dès l'instant qu'on l'ouvrait jetait des flammes griffues, vertes et bleues.

J'eus tout juste le temps de m'étonner.

« Prends garde de ne point t'approcher trop de mon athanor et d'en vouloir connaître les vertus. Il t'en cuirait° à coup sûr. »

Elle me fit m'asseoir en face d'elle à la grande table de chêne.

Je n'osai piper.

« Ne va pas m'abasourdir par tes questions indiscrètes. Tu me ferais regretter d'être heureuse de te revoir. Ne t'avise pas de jaspiner et de vouloir me tirer les vers du nez°. »

Avant même que j'eusse émis une parole, elle m'avait coupé l'herbe sous le pied°.

« Ha ha ! ricana-t-elle, je suis bien aise de ne point t'entendre parler hardiment. Écoute, je m'en vais ici te dire quelque chose que tu brûles de savoir. Ne m'interromps point et mange, je te prie. »

 Elle suspendit son discours un instant pour se repaître de mon impatience.

 « Sache, reprit-elle enfin, qu'il fut un temps, très éloigné du nôtre où des hommes et des femmes peuplaient la terre entière. Les civilisations se succédèrent pendant des siècles. Elles naissaient, atteignaient le point culminant de leur prospérité, puis mouraient, sans qu'on pût rien changer.

Ce sont les fautes, les crimes, l'avidité et la bêtise qui funestèrent nos civilisations. La nature, accablée de déchets incorruptibles, croulait et menaçait de nous engloutir tous. Les hommes s'étaient crus longtemps les plus forts et leur faiblesse les avait rendus rogues et fiers.

N'avaient-ils donc jamais pensé recourir à la religion ? osai-je murmurer. »

Elle sourcilla et poursuivit. 

« Pour continuer à garder jalousement leurs privilèges qui s'amenuisaient de jour en jour, et s'accommodant d'une mitoyenne morale2, les jouisseurs avaient composé avec Dieu, se livrant — impunément, croyaient-ils — aux pires turpitudes. L'environnement corrompu, l'air devenu irrespirable, les sentiments de solidarité et de compassion s'étant étiolés pour laisser la place à l'égoïsme, la vanité, jusqu'à l'autolâtrie même, il fallait qu'une révolution s'accomplît pour sauver une partie de l'humanité, une toute petite partie, pour le moins. Il en fut ainsi, comme par gageure. Des esprits éclairés qui n'avaient point encore subi l'assaut du mal s'employèrent à vouloir mettre en sûreté, d'abord quelques-uns d'entre eux, leur famille, puis leurs amis, puis d'autres encore qu'il jugeaient dignes d'être sauvés. C'est ainsi que sortit de terre Utopinambourg. De rien, au milieu d'une forêt que nul ne devrait plus traverser, en deçà d'une frontière que nul ne devrait outrepasser. Mais tu sais déjà ce détail, petite... tu le sais déjà...

Me laisseras-tu t'interroger sur ce que je ne sais pas, Marie ?

Prends garde de vouloir jamais m'arracher un secret que tu regretteras de connaître sitôt que tu l'auras connu, me répondit-elle d'une voix sifflante et qui me glaça les os. »

 

Ce disant, la vieille houhou se leva, et sans qu'il me fût possible d'ajouter un seul mot, me somma de nettoyer la maison qui avait, précisa-t-elle, subi quelque dérangement à cause de ma venue. Puis elle s'en fut.

...........................................................................

1-cette forêt épaisse, la forêt obscure, la selva oscura

> 158 Délires sur de froides retrouvailles dans la forêt obscure - la selva oscura

 

2-Les jouisseurs, à peu près sans nombre, qui ne se croyaient pas des canailles, avaient rêvé de s'accommoder avec l'absolu divin et d'instituer, pour toute la durée des siècles, une mitoyenne morale. L. Bloy, Journal,1892

  NOTES

Titre : une (vieille) houhou, une (vieille) haha.

Cf. Littré - houhou, terme burlesque.Vieille houhou, personne décrépite et grondeuse.

Vieille houhou, vieille haha, SCARRON Poésies, cité dans RICHELET.

Elles sont plus noires que des taupes, plus laides que des guenons, plus sottes que des houhous, CHAPELAIN, Trad. de Guzm. d'Alfar. cité dans SCHELER.

Voudrais-tu que je prisse une vieille houhou ? Partisan dupé,dans LE ROUX,Dict. comique. XVIe s. Houhou [vieille sorcière], OUDIN Dict.

 

À peine le chat-huant avait-il lancé son dernier hou

À peine est suivi d'une inversion du sujet (comme après : ainsi, aussi, sans doute, peut-être...)

Voir

Les homophones ou où hou ouh houx août houe / Ton père ou ta mère viendra ou viendront ?

et aussi

15 Délires pour un bestiaire. QUIZ 3 - Ces animaux qui nous parlent

 

Le jour poignait

Poindre, imparfait poignait

verbe qui se conjugue comme oindre, joindre.

Ici, poindre a le sens de commencer à apparaître

synonyme pointer

une autre acception de poindre, blesser, faire du mal

Proverbe.Oignez vilain, il vous poindra; poignez vilain, il vous oindra.

caressez un malhonnête homme, il vous fera du mal ; faites-lui du mal, il vous caressera

oindre, consacrer par une onction.

 

Je scrutais alentour

Scruter est un verbe transitif, on scrute une chose ou une personne. Ici il est employé absolument, c'est-à-dire non suivi d'un complément d'objet auquel on s'attendrait.

 

ne fussent que le ver luisant dont l'éclat ténu accrocha un instant mon regard

fussent, subjonctif imparfait de être suivi des sujets inversés le ver luisant, les noires frondaisons, l'oeil de quelque félin

quelque félin, un certain félin

 

l'obscurité butyreuse

butyreux, qui a l'apparence ou les propriétés du beurre

 

un repos... troublé par une agitation incoercible

incoercible, qu'on ne peut ni contenir, ni arrêter.

 

mes jambes fourmillaient

j'avais des fourmis dans les jambes

 

une foultitude de questions m'assaillirent, celles-là mêmes que je m'apprêtais à poser

une foultitude

un très grand nombre de questions

foultitude - Mot-valise formé à partir des mots foule et multitude.

Ni l'Académie ni le Trésor n'admettent le mot.

celles-là mêmes

> Ceux-là même ou ceux-là mêmes ? Celles-là même ou celles-là mêmes – cela même, ici même, là même, par là même, aujourd'hui même... QUIZ 64

 

je n'en sortirais pas indemne alors même que j'aurais aiguisé tous mes sens

>> Alors même que + indicatif, subjonctif ou conditionnel, quel mode choisir ?

 

l'impassibilté même, fût-elle feinte.

Fût-ce, fussent-ils, fût-il

>> Eussé-je, eussè-je, j'eusse, fussé-je, fussè-je, je fusse, dussé-je, dussè-je, eût-il, fût-il, dût-il, fût-ce, fussent-ils, parlé-je... 

 

Elle eût stigmatisé sans vergogne l'innocence même.

Conditionnel passé deuxième forme

Elle aurait stigmatisé, (première forme)

sans vergogne, sans honte.

 

Prends garde de ne pas t'approcher trop de mon athanor

Un athanor, vient de l'arabe (tannūr) : four à pain ; source d'eau chaude, fourneau des alchimistes, grand alambic, fourneau philosophique.

 

Je n'osai piper, je n'osai piper mot, je n'osai dire un mot.

 

Il t'en cuirait°

Cf. L'Académie 8e édition - Figuré et familier., Il vous en cuira quelque jour ; il m'en cuit ; il pourrait bien vous en cuire. Vous vous en repentirez ; je m'en repens ; vous pourrez bien vous en repentir.

Une figure de style, LA SYLLEPSE DE SENS, le mot est employé à la fois dans son sens propre et dans son sens figuré 

Ici le verbe cuire a deux acceptions dans le contexte.

Tu t'en repentirais & le four te cuirait.

 

Ne va pas m'abasourdir par tes questions indiscrètes.

abasourdir, vieilli et familier. Vient de l'argot des coquillards.

Cf. Dictionnaire du Bas Langage Charles-Louis d'Hautel

abasourdir, étourdir quelqu'un de plaintes sans fondement ; l'importuner, l'obséder ; le jeter dans la consternation et l'abattement.

Cet homme est abasourdissant. Pour, est ennuyeux, fatigant ; ses discours sont d'une insipidité accablante.

S'emploie aujourd'hui surtout au participe passé abasourdi, étourdi par un grand bruit.

Prononcer le s d'abasourdi [z] et non [s]

Prononciation problématique de quelques mots en français : gageure - abasourdir...

 

Ne t'avise pas de jaspiner et de vouloir me tirer les vers du nez°.

jaspiner jaser, bavarder, etc. Ce verbe du vieux langage est encore en usage parmi le peuple

Dictionnaire du Bas Langage – Charles-Louis d'Hautel

Tirer les vers du nez°

questionner quelqu'un adroitement pour lui faire dire ce que l'on veut savoir.

 

Couper l'herbe sous le pied°

Devancer

 

Ha ha ! ricana-t-elle, je suis bien aise de ne point t'entendre parler hardiment.

Ha ha ! Interjection qui exprime le rire ou la raillerie.

> Les homophones a as à ah ha

> Qu'est-ce qu'une interjection ? Qu'est-ce qu'une onomatopée ?

 

Ce sont les fautes, les crimes, l'avidité et la bêtise qui funestèrent nos civilisations.

Cf. Littré funester, rendre funeste.

"Enfin plusieurs assassinats auxquels la nation n'était point encore accoutumée, funestèrent quelque temps le règne de Charles II" VOLTAIRE Moeurs

 

leur faiblesse les avait rendus rogues et fiers.

Cf. Littré rogue, terme familier. Arrogant avec une nuance de rudesse en plus.

 

L'autolâtrie

le culte de soi-même, l'égoïsme poussé à l'extrême.

 

Il en fut ainsi comme par gageure, comme par défi

Prononciation problématique de quelques mots en français : gageure,..

 

une frontière que nul ne devrait outrepasser

outrepasser, emploi vieilli, franchir, aller au-là.

 

au-delà, au delà, en deçà...

Y a-t-il un trait d'union ou pas ? Au delà ou au-delà ? Par delà ou par-delà ? AU ou PAR ou EN etc. + deçà, delà, devant, derrière, avant, arrière, dessus, dessous, dedans, dehors, haut, bas.

 

Prends garde de vouloir jamais m'arracher un secret...

Jamais, ne jamais, jamais plus, au grand jamais, à jamais, si jamais, oncques... + Adverbes et locutions adverbiales de temps

 

La vieille houhou se leva... Puis elle s'en fut.

 Puis elle s'en fut  - elle s'en alla

Être dans le sens de s'en aller au passé simple, je m'en fus, il s'en fut...

Reprise de la note du texte :

145 Délires autour d'une inéluctable séparation

ALLER ou ÊTRE 

Je m'en fus, je m'en allai.

Le verbe être peut remplacer le verbe aller dans la langue courante aux temps composés ; J'ai été à Paris.

Littré précise que dans ce cas, j'y suis allé et j'en suis revenu.

Le verbe être au passé simple et au subjonctif imparfait est du style soutenu et littéraire :

Je m'en fus à la campagne. Il s'en fut regarder les avions dans le ciel.

Il fallait bien qu'il s'en fût sans se retourner. 

 

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>>  161 Délires où ma joie demeure

 

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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 06:49

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Je jurai de ne plus me laisser emberlificoter non plus qu'enjôler par la vieille Marie, en me tenant sur mes gardes, moi qui, de timide et de naïve que j'avais été lors de notre première rencontre, m'étais retrouvée toute meurtrie, mortifiée même, lorsqu'elle avait jeté son dévolu sur ma personne.

N'était la curiosité irrépressible qui m'étreignait sans relâche et que seule Marie pouvait assouvir, je fusse restée éloignée d'elle à jamais.

 

Elle m'invita à entrer, d'un ton doucereux, et me proposa une collation. 

Je ne fis pas de façons, trop contente de m'octroyer quelque repos. Elle m'offrit un vin chaud et doux, à la cannelle, sur lequel elle s'appliqua à presser deux ou trois zestes d'orange, fit éclater quelques noix entre ses doigts de fer pour en extraire les cuisses qu'elle me présenta dans une coupelle.

Je dégustai.

Prétatou s'était réfugié dans une encoignure, près de l'âtre, trop heureux qu'on ne l'eût pas laissé dehors. La faim et la soif le taraudaient. Quelques lippées lui eussent convenu quelles qu'elles eussent été. Tout en bâillant d'inanition, il en vint à imaginer de devenir sec comme le bois. Mais il n'osait réclamer par crainte d'entendre encore des paroles malveillantes à lui faire bouillir le sang. Eût-il émis le moindre son, il se fût donné des verges pour se faire fouetter°. Il promenait son regard alentour pour se faire une idée de l'antre de la mégère.

« Elle ne donne pas dans le luxe, pensa-t-il. »

Bien qu'il s'appliquât à être le plus discret possible, Marie Cratère, qui ne le portait guère dans son coeur, à ce qu'il semblait, s'adressa à lui. Il s'en émut tant et si bien qu'on lui vit le poil se hérisser.

« Il ferait beau voir que tu grognasses ! l'avertit-elle. Je ne supporterai aucun murmure de toi. Tiens-le toi pour dit. »

 

L'arôme diffusible du vin emplissait l'air jusqu'à l'étourdir et il se demandait combien de temps il lui faudrait encore attendre pour qu'une âme compatissante s'intéressât à lui.

Ne voulant pas indisposer Marie en lui montrant trop manifestement l'attention que je portais à mon chien, je laissai croire à cette vieillarde —  ne la savais-je pas insensible — que je le traitais comme quantité négligeable.

Je songeai à cet instant à Souci, le petit marcassin, qui avait échappé à la broche mortifère, et que j'avais sauvé de justesse.1

J'aurais voulu savoir ce qu'il était advenu de Sissi, mon amie que je n'avais pas croisée sur le chemin, mais je n'osai interroger Marie Cratère de peur qu'elle n'en conçût une grande jalousie.

 

Cher lecteur, tu me diras peut-être que tu es très étonné de voir que je pris tant de précautions pour ménager la susceptibilité de Marie, mais je te rétorquerai aussitôt que, bien que cela ne fût pas dans ma nature de n'être point directe ni spontanée, j'usai alors de tous les atouts pour amadouer celle qui me livrerait bientôt — et peut-être — les secrets que je voulais découvrir.

 

Après un silence que j'appréciai, toujours gagné sur des propos acerbes, Marie reprit la parole.

« Orendroit2, commença-t-elle, voyons quelle mouche t'a piquée° pour me rendre visite hic et nunc3.

Je connais ta perspicacité, Marie. Peux-tu imaginer un seul instant que, ayant vécu une année entière à Utopinambourg, je puisse me satisfaire de ne rien savoir des secrets de cette cité ?

Hem ! Hem ! fit-elle. S'il ne tenait qu'à moi de te les dévoiler, peut-être le ferais-je, mais je ne suis pas seule dans cette affaire. »

Elle coupa court à la conversation qui ne lui plaisait guère, et m'invita à aller dormir.

 

Il se faisait tard. J'entraînai Prétatou dans la remise inconfortable qui m'avait naguère maintes fois tenu lieu de refuge et, lui ayant servi à boire et donné quelques rognures dénichées dans un coin de bahut chez Marie, je m'endormis séance tenante, de concert avec lui.

.................................................

1- Oli sauve Souci de justesse dans l'épisode : 24 Délires d'une cuisinière assassine - Tant va pot à l'eve que brise.°

2-orendroit, maintenant, terme archaïque

3-Hic et nunc, ici et maintenant.

 

NOTES

Je jurai de ne plus me laisser emberlificoter, non plus qu'enjôler

♦ Je jurai, passé simple, temps du récit

♦ emberlificoter (familier), embrouiller, entortiller.

♦ non plus que, vieilli et littéraire, pas plus que

♦ enjôler, attirer par de belles paroles, séduire par des promesses trompeuses.

 

de timide et de naïve que j'avais été lors de notre première rencontre

Cas où l’adjectif (ici : timide et naïve) est précédé de la préposition de, pour marquer qu’il s’agit d’un état antérieur.

Les adjectifs sont attributs de je (j'avais été).

 

N'était la curiosité irrépressible... je fusse restée éloignée d'elle à jamais.

♦ N''était, si ce n'était, s'il n'y avait pas...

Voir : Propositions conditionnelles commençant par : n'était, n'étaient, n'eût été, n'eussent été - Variations syntaxiques

♦ irrépressible, irrésistible, impérieuse, irréfrénable.

♦ à jamais, pour toujours.

Voir : Jamais, ne jamais, jamais plus, au grand jamais, à jamais, si jamais, oncques...

 

Le ton était doucereux.

Doux doucereux douceâtre

Cf. Académie 8e édition :

♦ Doucereux - Qui est d'une douceur fade et affectée, en parlant des Personnes. Quel personnage doucereux ! Par extension, Un langage, un ton, un air doucereux.

♦ Douceâtre - Qui est d'une douceur fade. Un goût douceâtre. Un sirop douceâtre. Par extension, Une façon de parler douceâtre.

 

Je ne fis pas de façons.

Je ne fis pas de cérémonie (et j'acceptai).

 

elle s'appliqua à presser deux ou trois zestes d'orange

un zest de citron ou d'orange, une fine lamelle que l'on découpe sur l'écorce pour parfumer quelque boisson. (Attention que le fruit n'ait pas été traité !)

 

ZEST ! ou ZESTE ! interjection qui marque

♦ qu'une action est soudaine et rapide.

Un cambrioleur a pénétré dans ma maison. Les policiers doivent intervenir au plus tôt, zeste !

♦ qu'on rejette les paroles, l'argument de son interlocuteur.

Tu m'as assuré que tu voulais me faire plaisir, zeste !

 

Lu sur le Dictionnaire de Furetière , à l'entrée ZEST

                     > Gallica - Furetière, Antoine (1619-1688). Dictionnaire universel

Je n'ai pas conservé la graphie des mots du XVIIe siècle. (note de mamiehiou)

1- Zest (pour zeste) pellicule dure qui est au milieu de la noix, qui est entre les quatre cuisses. Quelques médecins assurent que le zest séché & bu avec du vin blanc, environ demi-once, guérit de la gravelle.

2- Zest est aussi un petit instrument avec lequel on souffle de la poudre sur les cheveux, sur une perruque. C'est une espèce de boucle de cuir qui s'enfle & se serre par le moyen d'une baleine, et qui a une petite ouverture d'ivoire.

3- Zest (pour zeste) est aussi un petit morceau de pelure d'orange duquel on espeint* le jus sur un verre de vin, afin qu'il en sente l'odeur. On le passe quelquefois à la chandelle, on lui fait faire son effet contre le nez.

4- Zest se dit quelquefois ironiquement, & absolument, pour montrer qu'on ne fait point cas d'une chose, qu'elle est de nulle valeur, comme le zest qui est au milieu de la noix. On a beau le menacer, il dit zest, il ne fait que s'en moquer.

J'ai ajouté la graphie moderne en rouge

*Espeindre ou épeindre : presser une chose qui a du suc ou du jus. Définition du Furetière

Je n'ai retrouvé ce mot dans aucun dictionnaire ancien avec cette acception. 

Dans Le Dictionnaire de Godefroy, espeindre : expier.

 

Sur Furetière, voir : Une petite histoire de la langue française - Chapitre 13 – LE XVIIe SIÈCLE 2 - Préciosité – Classicisme – Boileau, Furetière, et les autres...

 

Zest et Zeste dans :

Le Nouveau vocabulaire de la langue française, extrait du dictionnaire de l'académie et des meilleurs auteurs modernes : augmentée des étymologies de tous les mots dérivés des langues anciennes et modernes

Lambert-Gentot, 1843

 

Zest s.m. entre le zist et le zest. Populaire et familier. Entre-deux, passablement, tant bien que mal – Espèce d'interjection dont on se sert dans le langage familier, quand on veut rejeter ce qu'un homme dit.

Zeste s. m. ce qui est au-dedans de la noix, qui la sépare en quatre. - Partie mince qu'on coupe sur le dessus de l'écorce d'orange, d'un citron, etc. On dit familièrement d'une chose qui a peu de valeur, cela ne vaut pas un zeste

 

 

Les cuisses d'une noix, les quartiers.

 

Prétatou s'était réfugié près de l'âtre.

L'âtre est la partie de la cheminée où l'on fait du feu.

Par métonymie, c'est la cheminée elle-même.


Quelques lippées lui eussent convenu quelles qu'elles eussent été.

> Il aurait mangé n'importe quoi

♦ une lippée, une bouchée.

♦ quelles qu'elles eussent été, quelles qu'elles fussent, quelles qu'elles soient...

Voir : Quel que

 

Eût-il émis le moindre son, il se fût donné des verges pour se faire fouetter°.

♦ La phrase commence par une proposition conditionnelle.

> S'il avait émis le moindre son, il se serait donné des verges...

-Eût-il émis... subjonctif plus-que-parfait

Voir : Eussé-je, eussè-je, j'eusse, fussé-je, fussè-je, je fusse, dussé-je, dussè-je, eût-il, fût-il, dût-il, fût-ce, fussent-ils, parlé-je...

Se donner des verges pour se faire battre° donner à son adversaire des arguments, des motifs pour recevoir des coups.

 

 Il promenait son regard alentour pour se faire une idée de l'antre de la mégère

♦ Un antre, une caverne qui sert d'habitation à des animaux sauvages.

Péjorativement, un lieu redoutable et sordide.

              Voir : Où habitent-ils, tous ces animaux que vous connaissez ?

Une mégère, une méchante femme, violente et agressive.

Cf. Littré: 1- Nom propre d'une des trois Furies (avec une M majuscule).

Ô haines ! ô fureurs dignes d'une Mégère ![Corneille, Rodogune, princesse des Parthes]

2- Figuré, Femme méchante et emportée (avec une m minuscule).

 

Il s'en émut tant et si bien qu'on lui vit le poil se hérisser.

Voir la locution conjonctive : Tant et si bien que + indicatif, subjonctif ou conditionnel, quel mode choisir ?

 

Il ferait beau voir que tu grognasses.(subj. Imparfait)

« On tolérera le présent du subjonctif au lieu de l'imparfait dans les propositions subordonnées dépendant de propositions dont le verbe est au conditionnel. » Arrêtés ministériels du 31 juillet 1900 et du 26 février 1901

> Il ferait beau voir que tu grognes. (subj.présent)

> Ce serait le comble si tu grognais.

> Cela dépasserait la mesure.

 

Tiens-le toi pour dit.

Se le tenir pour dit. Ne pas répondre, ne pas discuter.

 

L'arôme diffusible du vin emplissait l'air jusqu'à l'étourdir

Cf. Littré. Diffusible,

1- Qui peut se répandre dans tous les sens, de tous les côtés. Une odeur diffusible.

2- Terme de physiologie. Qui excite tous les tissus vivants d'une manière vive mais passagère, et réagit promptement sur le cerveau : tels sont l'alcool et l'éther.

Tous les diffusibles sont odorants, inflammables et sujets à s'évaporer.

 

Orendroit, commença-t-elle

Orendroit, terme des XIIIe et XIVe siècles.

Lu dans le Dictionnaire de Godefroy

> maintenant, présentement, désormais.

-Orendroit ou horendroit, orrandroit, arendroit, arandroit, orendret, orendroites.

-Desorendroit, désormais.

L'orthographe était loin d'être fixée à l'époque !

Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXème au XVème siècle, Frédéric Godefroy, 1880-1895

 

Hem ! Hem ! fit-elle

Onomatopée qui imite le bruit de la toux pour attirer l'attention. Elle exprime ici l'hésitation et la défiance.

Qu'est-ce qu'une interjection ? Qu'est-ce qu'une onomatopée ?

 

quelques rognures trouvées dans un coin de bahut

des rognures, des restes de viande ou de pain, des reliefs de repas.

 

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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 16:57

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On sait bien que Marie Cratère, si subjuguée qu'elle pût être, ne se laissait pas longtemps abuser par quelque émotion que ce fût.

 

« Tu es bien courageuse, petite, déclara-t-elle, avec toujours le tremblement de sa voix rogommeuse qui trahissait quelque raillerie. Ne t'es-tu donc point égarée dans cette forêt obscure* ? Nul besoin donc d'être accompagnée par un guide, tel Virgile conduisant Dante jusqu'en Enfer* ? Il me faut reconnaître, foi de Marie, que tu as été bien audacieuse, téméraire même. Sache que je pensais ne plus jamais te revoir. Mais... je ne préjugerais pas que tu fusses revenue ici pour mes beaux yeux ! »

 

Non, Marie n'était aucunement experte en suaves paroles ; elle éclata d'un rire sonore qui n'eut pas d'écho sous la voûture végétale. Que ma sensibilité eût été ébranlée, j'en eusse frémi de terreur mais j'étais comme bardée d'une cotte de maille solide que nulle flèche perverse n'aurait pu abîmer. Je me sentais inatteignable. N'avais-je pas été trahie, trahie que dis-je, torturée, et cela trop de fois pour ne pas m'y être accoutumée ? Encore que l'on puisse douter qu'il soit possible de s'habituer aux tourments infligés par autrui.

 

« N'empêche, ajouta-t-elle, je suis bien aise que tu sois de retour, même sans que j'en connaisse les raisons. Ta seule vue me réjouit fort et je sais que tu connais ma faiblesse, faiblesse que je chéris, je l'avoue, encore qu'elle fût cause d'un supplice dont tu n'as pas la moindre idée : l'attente de ton retour que je n'osais espérer. »

 

Bien que je n'éprouvasse aucune inclination pour cette vieille femme, et l'on sait ô combien pourquoi, je fus près de m'émouvoir à l'entendre me confesser l'affection qu'elle avait pour moi. Mais j'étais bien loin de me laisser attendrir, tant s'en faut. Elle ne se laissa pas aller jusqu'à accourir vers moi pour me prendre dans ses bras, craignant, je le supposai, que je n'eusse un mouvement de recul, si violent était le dégoût qu'elle m'inspirait. Je ne sache pas que, lorsqu'on s'était quittées, on se fût raccommodées dans des embrassements.

 

Reprenant vivement ses esprits, peut-être honteuse d'avoir dévoilé trop vite ses sentiments, elle s'écria, les yeux tournés sur Prétatou : 

« Qu'est-ce donc là que tu amènes avec toi ? Que diable as-tu besoin d'un chien pour compagnon ? À voir ses yeux apeurés, sa queue coincée sous le ventre, et les frissons qui l'accompagnent, il m'a tout l'air d'un couard remarquable. Tu me déçois, Oli.

 

Prétatou ne broncha pas mais n'en pensa pas moins. Et, le cœur battant la chamade, il se jura que ces propos, bien peu amènes, ne demeureraient pas impunis.

.................................................

* La forêt obscure, la selva oscura, allégorie du péché

L'Enfer de Dante, La Divina Commedia – voir un extrait en fin d'article

Images correspondant à la selva oscura

Dans La Divine Comédie de Dante Alighieri (1265-1321), Dante s'égare dans une forêt obscure. Il se dirige au sommet d'une colline mais rencontre une panthère, un lion et une louve qui l'empêchent de passer. Virgile arrive et l'invite à l'accompagner en l'Enfer et au Purgatoire et Béatrice le conduira au Paradis.

Voir en fin d'article :

Extrait de La Divine Comédie, de Dante, traduite de l'italien en vers par Louis Ratisbonne de 1852 à 1857.

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer, l'Enfer. 

À lire sur la toile >> L'Enfer

 

NOTES

Je ne préjugerais pas que tu fusses revenue pour mes beaux yeux.

Ou bien :
Je ne préjugerais pas que tu sois revenue pour mes beaux yeux.

« On tolérera le présent du subjonctif au lieu de l'imparfait dans les propositions subordonnées dépendant de propositions dont le verbe est au conditionnel. »  Arrêtés ministériels du 31 juillet 1900 et du 26 février 1901

Exemples

Il faudrait qu'il vînt.

>>Il faudrait qu'il vienne.

De même le passé du subjonctif au lieu du plus-que parfait.

Il aurait fallu que tu eusses couru plus vite pour gagner le prix.

>>Il aurait fallu que tu aies couru plus vite pour gagner le prix.

 

sa voix rogommeuse qui trahissait quelque raillerie

Voix rogommeuse, ou voix de rogomme

rogommeuse, adjectif rare et vieilli, qualifie une voix rauque, enrouée, éraillée (par l'abus d'alcool).

quelque raillerie, quelque au singulier, une certaine raillerie.

Raillerie, moquerie – Ces deux mots sont très voisins l'un de l'autre ; cependant la nuance est que la raillerie est une aggravation de la moquerie, une moquerie acerbe. Cf Littré

 

un rire sonore qui n'eut pas d'écho sous la voûture végétale

voûture, terme vieilli, voûte que forme la végétation.

 

Que ma sensibilité eût été ébranlée, j'en eusse frémi de terreur.

Injonction fictive au subjonctif avec la valeur conditionnelle dans la proposition qui commence par que.

>> Si ma sensibilité avait été ébranlée, j'en aurais frémi de terreur.

On peut écrire aussi :

-avec deux points :

Que ma sensibilité eût été ébranlée : j'en eusse frémi de terreur

-avec la conjonction de coordination et :

Que ma sensibilité eût été ébranlée et j'en eusse frémi de terreur

Voir : La conjugaison des verbes au subjonctif - Comment déjouer ses difficultés

 

N'avais-je pas été trahie, trahie que dis-je, torturée

que dis-je n'est pas ponctué par un point d'interrogation

Voir : Cas où l'on peut omettre le point d'interrogation dans une phrase interrogative

 

encore que l'on puisse douter qu'il soit possible de s'habituer aux tourments infligés par autrui.

Encore qu'on ne serait pas agréable à entendre. Pour éviter la cacophonie, j'ai préféré écrire : encore que l'on...

Voir on - l'on dans l'article : L'euphonie - Emploi des lettres euphoniques pour éviter l'hiatus – Vas-y ET Va y comprendre quelque chose ! – Va-t'en OU Va-t-en ?
Douter que > Douter que, se douter que / Je doute que, nul doute que, il n'est pas douteux que... Je me doute que, il ne se doute pas que... + indicatif ou subjonctif ?
La phrase est au présent alors que le récit est au passé : le présent a valeur de vérité générale.

 

N'empêche, je suis bien aise que tu sois de retour

familier pour Il n'empêche. 

 

Mais j'étais bien loin de me laisser attendrir, tant s'en faut.

Tant s'en faut, loin de là.

Loin s'en faut - Le Trésor et l'Académie ne le reconnaissent pas. C'est un barbarisme qui mélange les deux locutions.

 

Je ne sache pas que, lorsqu'on s'était quittées, on se fût raccommodées dans des embrassements.

je ne sache pas que + subjonctif (on se fût raccommodées)

vieilli, littéraire - je ne sais pas que... (avec une nuance d'incertitude - ici avec quelque ironie)

> Je ne sache pas que, que je sache, pas que je sache

on s'était quittées, on se fût raccommodées 

syllepse : emploi de on pour nous (Marie et moi), ce qui justifie l'accord des participes. Tournure familière

 

Que diable as-tu besoin d'un chien pour compagnon ?

Que dans le sens de pourquoi

 

sa queue coincée sous le ventre/sous son ventre

Adjectifs possessifs - Emplois particuliers - J'ai mal à la tête ou à ma tête ? Ils ont pris leur chapeau ou leurs chapeaux ?

 

ses propos bien peu amènes

amène, doux.

aménité, douceur accompagnée de courtoisie et de grâce. Cf. Académie.

 

>> Voir les locutions conjonctives du texte : Si... que - Quelque... que - Sans que (absence de cause, absence de concession) - Encore que.

 

Conjonctions de sub. et locutions conjonctives classées : cause conséquence but temps condition comparaison concession exception proportion manière conformité supposition addition alternative

 

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La Divine Comédie de Dante Alighieri

 

CHANT PREMIER

Extrait
 

C'était à la moitié du trajet de la vie ;
Je me trouvais au fond d'un bois sans éclaircie,
Comme le droit chemin était perdu pour moi.

 

Ah ! que la retracer est un pénible ouvrage,
Cette forêt épaisse, âpre à l'œil et sauvage,
Et dont le seul penser réveille mon effroi !

 

Tâche amère ! la mort est plus cruelle à peine;
Mais puisque j'y trouvai le bien après la peine,
Je dirai tous les maux dont j'y fus attristé.

 

Je ne sais plus comment j'entrai dans ce bois sombre,
Tant pesait sur mes yeux le sommeil chargé d'ombre,
Lorsque du vrai chemin je m'étais écarté.

 

Mais comme j'atteignais le pied d'une colline,
Au point où la vallée obscure se termine,
Qui d'un si grand effroi m'avait poigné le cœur,

 

Je levai mes regards : sur son épaule altière
Le mont portait déjà le manteau de lumière
De l'astre qui partout guide le voyageur.

 

Alors fut apaisée en mon âme inquiète,
Dans le lac agité de mon cœur, la tempête
Que cette affreuse nuit avait fait y gronder.

 

Et tel un malheureux échappé du naufrage,
Sorti tout haletant de la mer au rivage,
Se retourne en tremblant et reste à regarder ;

 

À peine de mes sens je recouvrais l'usage,
Je me tournais pour voir encore ce passage
D'où personne jamais n'est revenu vivant.

 

Après quelques instants d'un repos salutaire,
Je me pris à gravir la pente solitaire,
Le pied ferme en arrière et le corps en avant.

 

Voici que sur ma route à peine commencée
Une panthère accourt, svelte, agile, élancée ;
D'un pelage changeant son corps était couvert.

 

Et loin de s'effrayer devant l'humain visage,
Cet animal si bien me barrait le passage,
Que je fus près vingt fois de rentrer au désert.

 

[...]

 

Texte original

 

Nel mezzo del cammin di nostra vita
mi ritrovai per una selva oscura,
ché la diritta via era smarrita.

 

Ahi quanto a dir qual era è cosa dura
esta selva selvaggia e aspra e forte
che nel pensier rinova la paura !

 

Tant' è amara che poco è più morte;
ma per trattar del ben ch'i' vi trovai,
dirò de l'altre cose ch'i' v'ho scorte.

 

Io non so ben ridir com' i' v'intrai,
tant' era pien di sonno a quel punto
che la verace via abbandonai.

 

Ma poi ch'i' fui al piè d'un colle giunto,
là dove terminava quella valle
che m'avea di paura il cor compunto,

 

guardai in alto e vidi le sue spalle
vestite già de' raggi del pianeta
che mena dritto altrui per ogne calle.

 

Allor fu la paura un poco queta,
che nel lago del cor m'era durata
la notte ch'i' passai con tanta pieta.

 

E come quei che con lena affannata,
uscito fuor del pelago a la riva,
si volge a l'acqua perigliosa e guata,

 

così l'animo mio, ch'ancor fuggiva,
si volse a retro a rimirar lo passo
che non lasciò già mai persona viva.

 

Poi ch'èi posato un poco il corpo lasso,
ripresi via per la piaggia diserta,
sì che 'l piè fermo sempre era 'l più basso.

 

Ed ecco, quasi al cominciar de l'erta,
una lonza leggiera e presta molto,
che di pel macolato era coverta ;

 

e non mi si partia dinanzi al volto,
anzi 'mpediva tanto il mio cammino,
ch'i' fui per ritornar più volte vòlto.

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