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La langue française a été, plus qu'aucune autre langue en Europe, un instrument politique.
D'abord "langue du Roi", rappelons-le, elle sera le facteur de l'unification de la France divisée en de nombreuses provinces où l'on parle des dialectes différents. Il faut établir des lois pour amener les Français à communiquer et à se comprendre.
Le premier texte législatif, l'Ordonnance de Villers-Cotterêts, en 1539, impose le français comme acte juridique. Mais que de temps devra s'écouler encore pour que tous les villages français parlent la même langue !
Au XVIIIe siècle, la langue classique, forte de ses belles lettres ne se parle et ne s'écrit bien que dans le cercle étroit de l'aristocratie et de la classe aisée de la capitale. Les grammairiens et l'Académie Française créée en 1634 ont joué un rôle capital dans l'élaboration d'une langue qui est parvenue jusqu'à nous.
(Voir le chapitre 12 - XVIIe siècle (1) - À L'AUBE DE LA LANGUE CLASSIQUE - Les grammairiens façonnent notre langue - Malherbe - Vaugelas - L'Académie Française)
« Au XVIIIe siècle un dixième des Français seulement la parlent couramment1. »
La langue française se répand peu à peu dans tout le pays.
Au siècle de la révolution et de l'avènement de la République, le français porte les idées nouvelles de liberté, d'égalité, de fraternité, de patrie, de nation.
Barère, membre du comité de Salut Public clame à la tribune de la Convention montagnarde :
« Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton, l'émigration et la haine de la République parlent allemand, la contre-révolution parle italien et le fanatisme parle basque. [...]
Cassons ces instruments de dommage et d'erreur ! [...]
La monarchie avait des raisons de ressembler à la tour de Babel ; dans la démocratie, laisser les citoyens ignorants de la langue nationale, incapables de contrôler le pouvoir, c'est trahir la patrie. [... ]
Chez un peuple libre, la langue doit être une et la même pour tous.
Le français deviendra la langue universelle, étant la langue du peuple. »
Talleyrand oeuvre pour développer l'instruction publique pour tous. L'instruction devient laïque (mais pas encore obligatoire).
Le décret du 8 pluviôse de l'an II (1794)2 stipule que chaque commune doit avoir un instituteur parlant le français (mais ce décret est difficilement applicable par manque d'enseignants). Il enseignera la langue française et la Déclaration des Droits de l'homme3.
2 Thermidor An II Décret complémentaire de celui du 8 pluviôse :
Tout fonctionnaire ou officier public, ou agent du gouvernement qui, à dater du jour de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira, dans l'exercice de ses fonctions, des procès-verbaux, jugements, contrats ou autres actes généralement quelconques conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois d'emprisonnement, et destitué.
Le français, langue internationale.
La langue française se répand dans les cours européennes. Les traités signés entre les nations le sont en français.
L'abbé Grégoire4 dit ceci de la langue française :
« Dans sa marche claire et méthodique, la pensée se déroule facilement ; c'est ce qui lui donne un caractère de raison, de probité, que les fourbes eux-mêmes trouvent plus propres à les garantir des ruses diplomatiques. »
L'élite des pays européens parle et écrit le français. Il n'est que de citer Catherine de Russie qui correspond avec Voltaire, d'Alembert et Diderot dont elle achètera la bibliothèque, Frédéric II de Prusse qui se lie avec Voltaire et l'invitera à son château de Sans-Souci, l'Italien Giacomo Casanova qui rédige ses mémoires en français, l'Anglais Horace Walpole, Premier Ministre et écrivain britannique, le Prince de Ligne, maréchal autrichien, ami de Voltaire et de Casanova, Joseph II et Marie-Thérèse d'Autriche, et d'autres encore, Danois, Suédois, Norvégiens, Hongrois, Polonais, sans oublier ceux du Canada, de la Louisiane, de l'Acadie, des Antilles...
Notons ici la perte malheureuse du Canada,, de l'Acadie et d'une partie de la Louisiane dont s'emparent les Britanniques au traité de Paris en 1763. La Nouvelle France disparaît. Napoléon raye définitivement de la carte les derniers territoires de la Louisiane (qui recouvrent 22,3 % de la superficie actuelle des USA) en 1803, lorsqu'il les céde aux Américains, au prix de 390 milliards de dollars (valeur 2003, soit 3 cents l'acre)5. On mesure très vite cet abandon irréparable.
Nos philosophes des Lumières :
François-Marie Arouet dit Voltaire(1694-1778)
Denis Diderot (1713-1784)
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)
...
Au cours de ce siècle qui allait renverser l'Ancien régime, la féodalité et les privilèges, s'élève la voix de nos écrivains et de nos philosophes, précurseurs de ce bouleversement, à l'origine de la Déclaration des Droits de l'homme et du Citoyen, dont se réclament encore aujourd'hui les démocraties du monde.
Voltaire, apôtre de la tolérance, combat les injustices et le fanatisme religieux.
« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire »*
Il participe à l'élaboration de L'Encyclopédie sous la Direction de Diderot et d'Alembert, laquelle veut embrasser tous les savoirs et toutes les connaissances. Cent quarante collaborateurs donnent la première version qui compte 72000 articles en 17 volumes de texte et 11 volumes de planches5. Elle est éditée de 1751 à 1772.
Jean-Jacques Rousseau mène une réflexion sur l'Inégalité des Hommes et son Contrat Social traite du principe de souveraineté du peuple. Les révolutionnaires se réclameront de sa philosophie politique.
« L'homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclave qu’eux. » (Le Contrat social)
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En conclusion à ce siècle tourmenté qui a enfanté avec douleur les fondements de la démocratie, je laisse, à Voltaire, les derniers mots sur la langue française6 :
« On appelle génie d’une langue son aptitude à dire de la manière la plus courte et la plus harmonieuse ce que les autres langages expriment moins heureusement. »
« Le français, par la marche naturelle de toutes ses constructions, et aussi par sa prosodie, est plus propre qu’aucune autre à la conversation. Les étrangers, par cette raison même, entendent plus aisément les livres français que ceux des autres peuples. Ils aiment dans les livres philosophiques français une clarté de style qu’ils trouvent ailleurs assez rarement. »
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*On doute que Voltaire ait prononcé cette phrase, mais elle correspond bien à sa pensée. Voir : Citation apocryphe - Wikipédia
NOTES
Écouter sur France Info, dans l'émission le sens de l'info, la rubrique de Michel Serres, philosophe, en hommage à Jean-Jacques Rousseau dont c'est, cette année, le tricentenaire de la naissance.
Rousseau, les indignés
1- Claude Hagège, Le Français, histoire d'un combat, éditions Michel Hagège 1996.
2-Voir le détail de la loi (document du CRDP de Strasbourg): Décret du 8 pluviôse an II(27 janvier 1794)
3-Voir sur Wikipédia : la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789
4-Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française, ou Rapport Grégoire, de Henri Grégoire (surnommé l'abbé Grégoire) rapport présenté à la Convention nationale le 4 juin 1794 (16 prairial an II) sur l'état de la langue française en France.
5-Chiffres recueillis sur Wikipédia
6-« Ainsi la Langue Françoise ne doit plus être appelée que la Langue de Voltaire : sans lui , ce seroit une Langue déjà morte pour le reste du Monde. » Jean-Marie-Bernard Clément, Essais de critique sur la littérature ancienne et moderne, 1785
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