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29 décembre 2016 4 29 /12 /décembre /2016 09:10

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Chapitre 1 - Les Serments de Strasbourg

Chapitre 2 - Rollon - Guillaume le Conquérant

Chapitre 3 - L'ANCIEN FRANÇAIS DU IXe AU XIIIe SIÈCLE – Première Partie : Les Cantilènes – Les Chansons de geste

Chapitre 4 - L'ANCIEN FRANÇAIS DU IXe AU XIIIe s.- Deuxième Partie : La poésie lyrique - La littérature antique - La littérature courtoise

Chapitre 5 - L'ANCIEN FRANÇAIS DU IXe AU XIIIe SIÈCLE – Troisième partie : La littérature bourgeoise

Chapitre 6 - L'ANCIEN FRANÇAIS DU IXe AU XIIIe SIÈCLE – Quatrième Partie : La naissance du théâtre de France

Chapitre 7 - L'ANCIEN FRANÇAIS DU IXe AU XIIIe SIÈCLE – Cinquième Partie : Les complaintes de Rutebeuf

Chapitre 8 - LE MOYEN FRANÇAIS DU XIVe AU XVIe SIÈCLE – 1re PARTIE : Les misères de la France - L'évolution de la langue - Villon

Chapitre 9 - LE MOYEN FRANÇAIS DU XIVe AU XVIe SIÈCLE - 2e PARTIE : La Renaissance – L'humanisme – Érasme - Rabelais 

Chapitre 10 - LE MOYEN FRANÇAIS DU XIVe AU XVIe SIÈCLE - 3e PARTIE : La Pléiade - Ronsard, Du Bellay, et les autres... - Défense et illustration de la langue française  

Chapitre 11 - LE MOYEN FRANÇAIS DU XIVe AU XVIe SIÈCLE - 4e PARTIE : Montaigne 

Chapitre 12 - LE XVIIe SIECLE - 1re Partie - À L'AUBE DE LA LANGUE CLASSIQUE - Les grammairiens façonnent notre langue - Malherbe - Vaugelas - L'Académie Française 

Chapitre 13 - LE XVIIe SIÈCLE - 2e Partie - Préciosité – Classicisme – Boileau, Furetière, et les autres...

Chapitre 14 - LE XVIIIe SIÈCLE - Le Siècle des Lumières, de la Révolution et de la République

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La nouvelle orthographe - L'orthographe recommandée aux enseignants - Lexique

Les nombreuses réformes de la langue française

Simplification de l'orthographe – Au fil des réformes

Les Epithètes de Maurice de la Porte – 1571 (Les lettres ramistes)

La lettre Q – QV – QU

GN ou IGN – OIGNON ou OGNON

Mais pourquoi la langue française est-elle si compliquée ?


Bibliographie

Dictionnaire amoureux des langues, Claude Hagège, éd. Plon, chez Odile Jacob, 2009

Histoire de la langue française, Jacques Leclerc, Québec, TLFO, Université Laval, 2006.

Le français, histoire d'un combat, Claude Hagège, chez Odile Jacob,1996

Histoire de la Littérature Française :

-Moyen Âge, Emmanuelle Baumgartner, éditions Bordas, 1988

-XVIe siècle, Marie-Luce Demonet-Launay, éd. Bordas, 1988

Collection Littéraire, André Lagarde et Laurent Michard, éd. Bordas,1970

Manuel des Etudes Littéraires françaises, P. Castex et P. Surer, éd. Hachette :

-Moyen Âge, Hachette, 1956

-XVIe siècle, Hachette, 1957

Littérature française, P. Martino et J. Caillat, éd. Masson & Cie, 1949

Histoire de la Littérature française, Gustave Lanson, éd. Hachette,1920

Morceaux choisis des Auteurs français,Ch.-M. Des Granges, éd. Hatier, 5ème édition, 1914

Histoire de la langue française par Ferdinand Brunot, 1905 

Histoire de la langue et de la littérature française des origines jusqu'à nos jours, Louis Petit de Julleville, Ed. Armand Colin, 1896-1899.

La littérature par les textes, René Canat, éd. Paul Delaplane, 1873 

Pellisson, Histoire de l'Académie Française, 1858.

 

et sur la toile :

Wikisource 

Wikipédia

 

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Oeuvres de Claude Hagège

Dictionnaire amoureux des langues 2009

Halte à la mort des langues 2000

L'enfant aux deux langues 1996

Le français et les siècles 2005

Le français, histoire d'un combat 1996

Le souffle de la langue : voies et destins des parlers d'Europe 

 

Pour en savoir + sur Claude Hagège : 

sur ses livres

 

Dictionnaire amoureux des Langues, chez Odile Jacob, 2009 

Halte à la mort des langues, Paris, chez Odile Jacob, 2000

Le français, histoire d'un combat, chez Odile Jacob, 1996

Editions Plon

Claude Hagège

 

et aussi  

 

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Je me corrige une faute dans mon commentaire, mea culpa

I should have written :"Your remark makes me guess..."

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19 mars 2012 1 19 /03 /mars /2012 13:21

 UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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La langue française a été, plus qu'aucune autre langue en Europe, un instrument politique.

 

D'abord "langue du Roi", rappelons-le, elle sera le facteur de l'unification de la France divisée en de nombreuses provinces où l'on parle des dialectes différents. Il faut établir des lois pour amener les Français à communiquer et à se comprendre.

Le premier texte législatif, l'Ordonnance de Villers-Cotterêts, en 1539, impose le français comme acte juridique. Mais que de temps devra s'écouler encore pour que tous les villages français parlent la même langue !

Au XVIIIe siècle, la langue classique, forte de ses belles lettres ne se parle et ne s'écrit bien que dans le cercle étroit de l'aristocratie et de la classe aisée de la capitale. Les grammairiens et l'Académie Française créée en 1634 ont joué un rôle capital dans l'élaboration d'une langue qui est parvenue jusqu'à nous.  

 

(Voir le chapitre 12 - XVIIe siècle (1) - À L'AUBE DE LA LANGUE CLASSIQUE - Les grammairiens façonnent notre langue - Malherbe - Vaugelas - L'Académie Française)

 

« Au XVIIIe siècle un dixième des Français seulement la parlent couramment1. »

 

La langue française se répand peu à peu dans tout le pays.

 

Au siècle de la révolution et de l'avènement de la République, le français porte les idées nouvelles de liberté, d'égalité, de fraternité, de patrie, de nation.

Barère, membre du comité de Salut Public clame à la tribune de la Convention montagnarde :

 

« Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton, l'émigration et la haine de la République parlent allemand, la contre-révolution parle italien et le fanatisme parle basque. [...]

Cassons ces instruments de dommage et d'erreur ! [...]

La monarchie avait des raisons de ressembler à la tour de Babel ; dans la démocratie, laisser les citoyens ignorants de la langue nationale, incapables de contrôler le pouvoir, c'est trahir la patrie. [... ]

Chez un peuple libre, la langue doit être une et la même pour tous.

Le français deviendra la langue universelle, étant la langue du peuple. »

 

Talleyrand oeuvre pour développer l'instruction publique pour tous. L'instruction devient laïque (mais pas encore obligatoire).

Le décret du 8 pluviôse de l'an II (1794)2 stipule que chaque commune doit avoir un instituteur parlant le français (mais ce décret est difficilement applicable par manque d'enseignants). Il enseignera la langue française et la Déclaration des Droits de l'homme3.  

 

2 Thermidor An II Décret complémentaire de celui du 8 pluviôse :

 

Tout fonctionnaire ou officier public, ou agent du gouvernement qui, à dater du jour de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira, dans l'exercice de ses fonctions, des procès-verbaux, jugements, contrats ou autres actes généralement quelconques conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois d'emprisonnement, et destitué.

 

Le français, langue internationale.

 

La langue française se répand dans les cours européennes. Les traités signés entre les nations le sont en français.

L'abbé Grégoire4 dit ceci de la langue française :

 

« Dans sa marche claire et méthodique, la pensée se déroule facilement ; c'est ce qui lui donne un caractère de raison, de probité, que les fourbes eux-mêmes trouvent plus propres à les garantir des ruses diplomatiques. »

 

L'élite des pays européens parle et écrit le français. Il n'est que de citer Catherine de Russie qui correspond avec Voltaire, d'Alembert et Diderot dont elle achètera la bibliothèque, Frédéric II de Prusse qui se lie avec Voltaire et l'invitera à son château de Sans-Souci, l'Italien Giacomo Casanova qui rédige ses mémoires en français, l'Anglais Horace Walpole, Premier Ministre et écrivain britannique, le Prince de Ligne, maréchal autrichien, ami de Voltaire et de Casanova, Joseph II et Marie-Thérèse d'Autriche, et d'autres encore, Danois, Suédois, Norvégiens, Hongrois, Polonais, sans oublier ceux du Canada, de la Louisiane, de l'Acadie, des Antilles...

 

Notons ici la perte malheureuse du Canada,, de l'Acadie et d'une partie de la Louisiane dont s'emparent les Britanniques au traité de Paris en 1763. La Nouvelle France disparaît. Napoléon raye définitivement de la carte les derniers territoires de la Louisiane (qui recouvrent 22,3 % de la superficie actuelle des USA) en 1803, lorsqu'il les céde aux Américains, au prix de 390 milliards de dollars (valeur 2003, soit 3 cents l'acre)5. On mesure très vite cet abandon irréparable.

 

Nos philosophes des Lumières :

François-Marie Arouet dit Voltaire(1694-1778)

Denis Diderot (1713-1784)

Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)

...

Au cours de ce siècle qui allait renverser l'Ancien régime, la féodalité et les privilèges, s'élève la voix de nos écrivains et de nos philosophes, précurseurs de ce bouleversement, à l'origine de la Déclaration des Droits de l'homme et du Citoyen, dont se réclament encore aujourd'hui les démocraties du monde.

 

Voltaire, apôtre de la tolérance, combat les injustices et le fanatisme religieux.

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire »*

Il participe à l'élaboration de L'Encyclopédie sous la Direction de Diderot et d'Alembert, laquelle veut embrasser tous les savoirs et toutes les connaissances. Cent quarante collaborateurs donnent la première version qui compte 72000 articles en 17 volumes de texte et 11 volumes de planches5. Elle est éditée de 1751 à 1772.

Jean-Jacques Rousseau mène une réflexion sur l'Inégalité des Hommes et son Contrat Social traite du principe de souveraineté du peuple. Les révolutionnaires se réclameront de sa philosophie politique.

« L'homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclave qu’eux. » (Le Contrat social)

 

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En conclusion à ce siècle tourmenté qui a enfanté avec douleur les fondements de la démocratie, je laisse, à Voltaire, les derniers mots sur la langue française6 :

 

« On appelle génie d’une langue son aptitude à dire de la manière la plus courte et la plus harmonieuse ce que les autres langages expriment moins heureusement. »

 

« Le français, par la marche naturelle de toutes ses constructions, et aussi par sa prosodie, est plus propre qu’aucune autre à la conversation. Les étrangers, par cette raison même, entendent plus aisément les livres français que ceux des autres peuples. Ils aiment dans les livres philosophiques français une clarté de style qu’ils trouvent ailleurs assez rarement. »

....................................................................

*On doute que Voltaire ait prononcé cette phrase, mais elle correspond bien à sa pensée. Voir : Citation apocryphe - Wikipédia

 

NOTES

Écouter sur France Info, dans l'émission le sens de l'info,  la rubrique de Michel Serres, philosophe, en hommage à Jean-Jacques Rousseau dont c'est, cette année, le tricentenaire de la naissance.

Rousseau, les indignés

 

1- Claude Hagège, Le Français, histoire d'un combat, éditions Michel Hagège 1996.

 

2-Voir le détail de la loi (document du CRDP de Strasbourg): Décret du 8 pluviôse an II(27 janvier 1794)

 

3-Voir sur Wikipédia : la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

 

4-Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française, ou Rapport Grégoire, de Henri Grégoire (surnommé l'abbé Grégoire) rapport présenté à la Convention nationale le 4 juin 1794 (16 prairial an II) sur l'état de la langue française en France.

 

5-Chiffres recueillis sur Wikipédia

 

6-« Ainsi la Langue Françoise ne doit plus être appelée que la Langue de Voltaire : sans lui , ce seroit une Langue déjà morte pour le reste du Monde. » Jean-Marie-Bernard Clément, Essais de critique sur la littérature ancienne et moderne, 1785

 

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28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 09:43

Langue usuelle et langue littéraire

 

La langue officielle de la France de Louis XIV, académique et littéraire, se parle surtout chez les gens cultivés, les aristocrates et les bourgeois. La population française — qui compte à cette époque 20 millions d'âmes — à 99% analphabète, comme dans toute l'Europe d'ailleurs, continue de pratiquer les langues régionales, à tel point qu'un voyageur parcourant la France du nord au sud a souvent de grandes difficultés à se faire comprendre.

En témoigne Jean Racine qui voyage en 1661 de Paris à Uzès et raconte : « J'avois commencé dès Lyon à ne plus guère entendre le langage du pays et à n'être plus intelligible moi-même. » On lui apporte un « réchaud de lit » ou une « botte d'allumette », alors qu'il demande un « pot de nuit » ou des « petits clous à broquettes ». Il ne rencontre même pas un seul curé ni un seul maître d'école qui sache répondre par autre chose que des « révérences » à son « françois » (prononcer [franswè]) inintelligible pour eux. La différence entre les parlers du Nord et ceux du Sud était tellement évidente qu'un résident du Sud utilisait l'expression « aller en France » lorsqu'il voyageait dans le Nord.*

En outre, par souci d'un purisme excessif (voir le chapitre précédent) le vocabulaire ne s'enrichit pas, sauf par un certain nombre d'emprunts à l'italien (188 mots), à l'espagnol (103 mots), au néerlandais (52 mots) et à l’allemand (27 mots). Quant à la phrase, elle se raccourcit et [se simplifie] dès le début du règne de Louis XIV; on [délaisse] les longues phrases guindées de Corneille. Dans la grammaire, il n'y [a] pas de faits nouveaux remarquables, sauf la disparition du -s du pluriel dans la prononciation, lequel reste, depuis, uniquement un signe orthographique.*

 

La Préciosité

 

Vers 1608, Catherine de Vivonne, Marquise de Rambouillet, surnommée "L'incomparable Arthénice" accueille dans le salon de son Hôtel bon nombre de gens du monde, de seigneurs et d'écrivains dont Malherbe, Vaugelas, Ménage ; s'y joindront plus tard Madame de Sévigné, Madame de La Fayette, Julie d'Angennes (que l'on honorera avec La Guirlande de Julie) etc. Le poète et prosateur galant Vincent Voiture, "l'âme du rond", anime le cercle.

Les Précieux et les Précieuses "châtient le style", dédaignent la langue commune, et se livrent à des excès jusqu'à ne plus appeler un objet par son nom mais par des périphrases.** Le miroir devient "le conseiller des grâces", les joues, "les trônes de la pudeur", une perruque, "la jeunesse des vieillards", les dents, "l'ameublement de la bouche", le nez ," les écluses du cerveau", les seins, "les coussinets d'amour", le chapeau, "l'affronteur des temps", être en couches, c'est "sentir les contrecoups de l'amour permis". On se livre à des comparaisons galantes et les adverbes sont légion : furieusement, terriblement, épouvantablement.

Aux préciosités du langage s'ajoutent la préciosité des sentiments et celle des manières.

Molière se moquera des excès de ce langage dans sa pièce Les Précieuses Ridicules (1659) qui remportera un grand succès, à la Cour comme à la ville.

Les Précieuses – c'était surtout une affaire de femmes - ont exercé, malgré tout, on le reconnaît, une heureuse influence sur le langage.

 

Nicolas Boileau 1636-1711

"Le législateur du Parnasse", poète, écrivain, critique.

 

"Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,

Et les mots pour le dire arrivent aisément."

"Art poétique, Chant I"

 

Boileau est un théoricien de l'esthétique classique en littérature, l'un des chefs de file du clan des  Anciens  dans la querelle des Anciens et des Modernes, une polémique littéraire au coeur de l'Académie française à la fin du XVIIe siècle.

L'auteur classique est celui en qui la critique ne peut que noter des qualités [...] le classique poursuit surtout ce qui est régulier, harmonieux, au point que la perfection de chacune de ses parties assurent la perfection indiscutable de l'ensemble. Les fautes de grammaire, de goût, de jugement, trouvent en Boileau un critique implacable et il a été pour lui-même le censeur austère qui tâche de remédier à toutes les défaillances et vise au beau absolu [...] « Sans Boileau, dit Sainte-Beuve (critique du XIXe siècle), Racine, je le crains, aurait fait plus souvent des Bérénice, La Fontaine moins de Fables et plus de Contes, Molière lui-même eût donné davantage dans les Scapin et n'aurait pas atteint aux hauteurs sévères du Misanthrope. »**

 

Le Dictionnaire Universel

d'Antoine Furetière 1619-1688

Lorsque Antoine Furetière décide d'écrire son dictionnaire, il doit faire face aux foudres de l'Académie qui se réserve le monopole de la publication de la production lexicographique. Il est accusé de plagiat et son dictionnaire ne sera publié qu'après sa mort en 1890, et à Rotterdam.

Pour en savoir + sur cette affaire, lire : Dictionnaire Universel de Furetière, 1690

 

Titre complet : Dictionnaire françois, contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise : Ses Expressions Propres, Figurées & Burlesques, la Prononciation des Mots les plus difficiles, le Genre des Noms, le Régime des Verbes : Avec Les Termes les plus connus des Arts & des Sciences. Le tout tiré de l'Usage et des bons Auteurs de la Langue françoise.

 

C'est le meilleur dictionnaire du XVIIe siècle et le premier dictionnaire encyclopédique au monde (45 000 articles)

Vous pouvez le consulter en ligne :

Gallica - Furetière, Antoine (1619-1688). Dictionnaire universel

 

          Retrouvez Furetière dans ce blog :

          Le A au fil des dictionnaires

          La Vérité, toute la Vérité, rien que la Vérité...

.......
 

François Malherbe, René Descartes, Pierre Corneille, Blaise Pascal, Jean-Baptiste Poquelin dit Molière, François de La Rochefoucauld, Mme de La Fayette (Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, comtesse de  La Fayette), Mme de Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné),  Jean Racine, Jean de La Fontaine, Jacques-Bénigne Bossuet, Charles Perrault, Jean de La Bruyère, François de Salignac de La Mothe dit  Fénelon...

Le Grand siècle, dont Voltaire disait qu'il fut "le siècle du génie", s'illustre des plus grands noms de notre littérature, écrivains, philosophes, conteurs et poètes, qui nous ont légué, chacun dans son style et sa langue propre, des oeuvres remarquables, oeuvres que le monde entier nous envie. Sachons, encore aujourd'hui les lire et les aimer.

.......

 

Références

*D'après Jacques Leclerc, Histoire de la langue française, Site, agence intergouvernementale de la francophonie.

**cf. Histoire de la Langue et de la Littérature française, Louis Petit de Julleville, 1841- 1900. Editions Armand Colin

 

Nota bene

Conseil de Boileau pour les écrivains en herbe... et les autres :

"Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez."
Art Poétique, Chant I
 

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>>> Chapitre précédent (12) : À l'aube de la langue classique - Les grammairiens façonnent notre langue - Malherbe - Vaugelas - l'Académie Française
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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 12:50

 UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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Enfin Malherbe vint...

 

François de Malherbe (1555 - 1628), procureur normand, arrive à la cour de Henri IV en 1605. Il s'attache à épurer la langue conformément au beau langage et c'est pour cela qu'il veut en chasser "les mots vieux, bas, vulgaires, obscènes, pédants ou palatiaux. [...] Il ouvre le règne de la grammaire, règne qui a été en France plus tyrannique et plus long qu'en aucun pays."2

 

Châtier son style est la formule des gens élégants.

Contrairement à ses prédécesseurs, la doctrine de Malherbe est restrictive. Et la langue est tellement épurée qu'elle s'appauvrit, à tel point que son lexique se voit retirer les mots des sciences, en particulier ceux de la médecine, que ce réformateur considère comme des mots sales, les termes techniques qui n'entrent pas dans la langue de la Cour et même ceux des arts.

 

Notons que seule une femme, Mlle Le Jars de Gournay, défendra la langue des hommes du XVIe siècle et critiquera par le menu les prescriptions et les arrêts de Malherbe qu'elle juge tyranniques. "Adjouster sans retrancher, c'est ce que nous recherchons", propose-t-elle en matière de vocabulaire et elle se convainc que l'usage aura tôt fait de chasser les mots étranges.

 

Malherbe veut que la langue française soit comprise de tous. Il déclare, par boutade, que ses maîtres pour le langage sont les crocheteurs du Pont-aux-Foins. Ce n'est pas qu'il demande qu'on se serve des mots crus de ces crocheteurs, mais qu'on parle avec des mots qu'ils connaissent et puissent comprendre comme tous les Français.

Pour écrire clair, il faut écrire juste. Il ne faut laisser aucune confusion comme on en trouvait dans les textes des poètes précédents.

Il réglemente la langue avec beaucoup de minutie, ― ses adversaires lui reprochaient de regarder les textes avec des lunettes2― et certaines de ses règles sont très importantes.

En voici quelques exemples :

 

Ne sera toujours suivi de pas ou de point (sauf cas très spéciaux) ; il faudra toujours exprimer le sujet des verbes ; on cesse d'employer le à possessif ("la fille à Galafron"), quand cessera de remplacer que.

Il inaugure la distinction des passés suivant qu'ils sont construits avec être ou avoir "j'ai demeuré, dit-il a un autre sens que je suis demeuré"2

 

Malherbe, cependant, n'est pas seulement théoricien de la langue. Il considère qu'être poète est son métier. Il nous a laissé dans son poème Consolation à Monsieur Dupérier cette belle phrase :

 

Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses
L'espace d'un matin.
 
La légende raconte que Malherbe aurait écrit Et Rosette a vécu ce que vivent les roses.... Mais une erreur de l'imprimeur aurait transformé le début du vers, ce qui lui a donné toute sa beauté.
On se demande si Malherbe se prenait au sérieux lorsque, critiquant l'utilité de son art, il écrivait que c’était une sottise de faire le métier de rimeur [et] qu’un poète n’était pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de quilles.
 

Vaugelas

 

Claude Fabre, baron de Péroges, seigneur de Vaugelas (1585-1659) est le plus célèbre des grammairiens. Avant de devenir l'un des premiers membres de l'Académie, il aime à fréquenter les salons, comme l'Hôtel de Rambouillet, où se forme le beau langage. Il publie en 1647 ses Remarques sur la langue française. Pour choisir le vocabulaire, le seul permis à l'honnête homme, il s'appuie sur le bon usage.

Le mauvais [vocabulaire] se forme du plus grand nombre de personnes, qui presque en toutes choses n'est pas le meilleur, et le bon au contraire est composé non pas de la pluralité, mais de l'élite des voix, et c'est véritablement celui que l'on nomme le maître des langues. Voici donc comment on définit le bon usage : c'est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour.


 

Nicolas Faret, un ami de Vaugelas, écrit en 1630, dans L'Honnête homme ou l'art de plaire à la Cour :

Monsieur de Vaugelas s'était appliqué dans ses "Remarques" à nettoyer la Langue des ordures qu'elle avait contractées ou dans la bouche du peuple, ou dans la foule du palais, et dans les impuretés de la chicane, ou par le mauvais usage des Courtisans ignorants, ou par l'abus de ceux qui disent bien dans les chaires ce qu'il faut, mais autrement qu'il ne faut.

 

Dès ce moment-là, les Remarques de Vaugelas sont consacrées dans les livres et dans l'usage. La physionomie de la langue littéraire ne changera plus désormais.

Parler Vaugelas ne signifie-t-il pas comme au temps de Molière (cf. Les Femmes Savantes) que c'est s'exprimer avec pureté, dans un français châtié ?

 

L'Académie française

 

En 1635, Richelieu, ministre de Louis XIII, a vent qu'un groupe de "particuliers", amoureux des belles lettres se réunit un jour par semaine chez l'un d'eux. Le Cardinal, qui a l'esprit naturellement porté aux grandes choses, après avoir loué ce dessein, demande si ces personnes ne voudroient point faire un corps, et s'assembler régulièrement et sous une autorité publique3 .Leur mission est dorénavant de réglementer et de gouverner la langue.

L'Académie Françoise est née.

Une des règles sera de composer un Dictionnaire, une Grammaire, une Rhétorique et une Poétique sur les observations de l'Académie qui veillera à la pureté de la langue3

Le Dictionnaire de l'Académie, un peu trop aristocratique, n'a pas la faveur du plus grand nombre, lequel préfère d'autres dictionnaires dont le vocabulaire est plus près du peuple. En outre le travail de l'Académie est fort lent. On achève la lettre A en neuf mois.3

Le Dictionnaire ne paraîtra qu'en 1794, bien après que Colbert aura installé l'Académie au Louvre (en 1772).

 

Il n'empêche que l'Académie a survécu jusqu'à nos jours et il n'est pas d'élection d'un nouvel Académicien qui n'intéresse les amoureux des belles lettres. C'est un honneur de porter l'habit vert et une consécration. Parmi les Quarante Immortels, élus par leurs pairs, on compte, depuis 1980, des femmes dont la première fut Marguerite Yourcenar, une petite révolution dans cet aréopage masculin.

L'Académie en est aujourd'hui à la neuvième édition de son Dictionnaire, commencé il y a 25 ans. Le dernier fascicule paru au Journal Officiel s'arrêtait au mot "quadrivium" le 25 mai 2011.

L'avant-propos de cette neuvième édition (tome 2) commence ainsi :

Lorsque nous commençâmes, en 1986, de publier par fascicules la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie française, nous rêvions de terminer notre ouvrage pour la fin du siècle. Si l’on ne rêvait pas, on n’entreprendrait jamais.

Maurice Druon
Secrétaire perpétuel honoraire

 

NOTES

1-"Enfin Malherbe vint..."

Célèbre hémistiche de Boileau (auteur de l'Art Poétique, 1674) qui rend hommage à Malherbe.

Un hémistiche est un demi-vers (le vers comptant plus de huit syllabes), mais c'est aussi le milieu d'un vers ; une césure à l'hémistiche est une coupure au milieu du vers qui ne peut être que lorsque le sens l'exige.

2-cf. Histoire de la langue française par Ferdinand Brunot, 1905

(palatial, au XVIIe siècle, relatif au Palais de Justice)

3-cf. Pellisson, Histoire de l'Académie Française, 1858.

____________

Tant d'amoureux de la langue française ont oeuvré pour la rendre claire, et juste, et belle. Ayons une pensée émue pour leur ardeur et leur courage. Grâce à eux notre langue rayonne encore dans le monde. Préservons-la, ne la laissons supplanter par aucune autre.

 

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Note : Pakti nous donne à entendre des vers de Malherbe > https://www.youtube.com/watch?v=L-yi0r_7cOw

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26 septembre 2011 1 26 /09 /septembre /2011 08:07

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Le XVIe siècle est un siècle d'une grande fécondité dans le domaine de la langue. Nous avons pu le voir avec notamment Rabelais (au chapitre 9) et Ronsard (au chapitre 10) ; tous deux font partie de ceux qui ont inventé le plus grand nombre de mots.

 

Montaigne* (1533-1592)

Michel Eyquem de Montaigne aime le mot juste et fuit « les longueries ». Il dit lui-même que « son esprit crochette et furette tout le magasin des mots et des figures pour se représenter. » Sa pensée (n'oublions pas qu'il était gascon), s'exprime dans les mots concrets de la langue populaire ; il use de digressions, saute d'une idée à l'autre à coups de récits, de poésie, de démonstrations, se laissant guider par sa sagesse, sa tolérance et son humanisme jamais dépourvu d'émotions.

 

« Que les paroles ne soient plus de vents mais de chair et d’os »

 

Montaigne, dans son œuvre majeure « les Essais », aborde, pêle-mêle, tous les sujets possibles, qu'ils soient importants ou futiles : de simples questions domestiques côtoient ses réflexions métaphysiques.

Il se nourrit des oeuvres de l'Antiquité, mais, dit-il : « Je feuillette les livres, je ne les étudie pas : ce qui m'en demeure, c'est chose que je ne reconnais plus être autrui. »

Il tente de répondre à la question : « Qu'est-ce que l'Homme ? » Pour ce faire, il doit répondre à celle-ci : « Qui suis-je, moi, Michel Eyquem de Montaigne ? »

Vous l'auriez vu, lisant et écrivant dans sa « librairie » où il avait fait peindre, sur les poutres, les sentences des Anciens**.

 

En conclusion au XVIe siècle :

Après avoir assisté à un foisonnement d'innovations linguistiques, où s'exprime une grande liberté, on va peu à peu mettre en place quelque rigueur en prônant une plus grande simplicité dans le style, ce qui donnera lieu bientôt à l'élaboration de la grammaire.

 

En 1827, dans « La Préface de Cromwell », Victor Hugo écrit :

« [...] La langue française n’est point fixée et ne se fixera point. Une langue ne se fixe pas.

L’esprit humain est toujours en marche, ou, si l’on veut, en mouvement, et les langues avec lui. Les choses sont ainsi. Quand le corps change, comment l’habit ne changerait-il pas ? Le français du dix-neuvième siècle ne peut pas plus être le français du dix-huitième, que celui-ci n’est le français du dix-septième, que le français du dix-septième n’est celui du seizième. La langue de Montaigne n’est plus celle de Rabelais, la langue de Pascal n’est plus celle de Montaigne, la langue de Montesquieu n’est plus celle de Pascal. Chacune de ces quatre langues, prise en soi, est admirable, parce qu’elle est originale. Toute époque a ses idées propres, il faut qu’elle ait aussi les mots propres à ses idées.

Les langues sont comme la mer, elles oscillent sans cesse. À certains temps, elles quittent un rivage du monde de la pensée et envahissent un autre. Tout ce que leur flot déserte ainsi sèche et s’efface du sol. C’est de cette même façon que des idées s’éteignent, que des mots s’en vont.

Il en est des idiomes humains comme de tout. Chaque siècle y apporte et en emporte quelque chose. Qu’y faire ? Cela est fatal. C’est donc en vain que l’on voudrait pétrifier la mobile physionomie de notre idiome sous une forme donnée. C’est en vain que nos Josué littéraires crient à la langue de s’arrêter ; les langues ni le soleil ne s’arrêtent plus. Le jour où elles se fixent, c’est qu’elles meurent [...] »

 

NOTES

*Montaigne devrait se prononcer Montagne, puisqu'on ne prononce pas le i en langue d'oc.

**Retrouver cinquante-sept des sentences des Anciens, peintes sur les travées de sa librairie. (traduites du grec ou du latin), dans les notes des Délires n° 105

Délires sur une réponse qui se fait attendre + Les sentences chères à Montaigne

 

Publications en 1861 et 1894, et en appendice dans La Pléiade, Gallimard 1963.

UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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3 juillet 2011 7 03 /07 /juillet /2011 04:33

 UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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La Pléiade
 

« Un gentilhomme vendomois, Pierre de Ronsard, obligé dit-on par une surdité précoce, de renoncer à la cour, se remet à l'étude : pendant sept ans, avec un de ses amis, Antoine de Baïf, il travaille le grec et pratique les écrivains anciens sous la direction de l'helléniste Daurat ; il rêve de fabriquer à sa patrie une littérature égale aux chefs-d'oeuvre qu'il admire : il rencontre dans une hôtellerie Joachim Du Bellay, le doux angevin, plein des mêmes ambitions et des mêmes espérances. D'autres se groupent auprès de ces trois et Ronsard forme « La Brigade » qui bientôt et plus superbement devint « La Pléiade » : champions d'abord, astres ensuite de la poésie française. Avec Ronsard, Baïf et Du Bellay, Belleau, Ponthus de Thiard, Jodelle et Daurat complétèrent la constellation. »
La Pléiade est aristocratique et érudite.
(G. Lanson, Histoire de la littérature française)

 


« Défense et Illustration de la langue Française »

 Cet ouvrage capital et brillant, rédigé par Du Bellay en 1549, marque la fin de la poésie du Moyen Âge et annonce l'ère du classicisme. Ce manifeste est à la fois un pamphlet, un plaidoyer et un art poétique. Il contient les idées essentielles de La Pléiade.
 
Il faut, comme l'indique le titre, défendre la langue contre ces « reblanchisseurs de murailles », ces « latineurs » et « grécaniseurs » qui ont étudié le latin et le grec « à l'école à coups de verges » et qui sont fiers d'« avoir recousu et rabobiné je ne sais quelles vieilles rapetasseries de Virgile et de Cicéron ». C'est une critique des érudits qui n'écrivent qu'en latin et des imitateurs qui ne sont que des copistes et des traducteurs des oeuvres anciennes.
Il faut la défendre contre les ignorants qui ne savent que du mauvais latin. Seule l'étude apprend la façon qu'avaient les Anciens, les Grecs et les Latins, de faire des chefs-d'oeuvre. L'étude cependant ne suffit pas, le poète doit avoir du génie.
 
Il faut illustrer la langue française en lui donnant ses lettres de noblesse. Ronsard et Du Bellay apprenaient l'italien et leur enthousiasme allait vers les oeuvres de Dante, Boccace, Pétrarque, l'Arioste. Ils voulaient donner à la langue française une grande littérature, comme l'avaient fait les Italiens qui avaient imité les Anciens.
 
Pour enrichir notre langue qui était pauvre alors, Du Bellay et Ronsard proposent, pour donner « grande majesté aux poèmes », de retrouver de vieux mots dont on a perdu l'usage et que l'on retrouve dans « tous ces vieux romans et poètes français », « principalement ceux du langage wallon et picard, lequel nous reste par tant de siècles l'exemple naïf de la langue française ».
 
« Use de mots purement françois, non toute fois trop communs, non point aussi trop inusitez, si tu ne voulois quelquefois usurper et quasi comme enchasser, ainsi qu'une pierre precieuse et rare, quelques mots insignes en ton poeme à l'exemple de Virgile. »
 
Ils conseillent d'emprunter des mots aux dialectes provinciaux, eux-mêmes venant du latin, « quand tu n'en auras pas trouvé de si bons et de si propres en ta nation », et aussi « tu composeras hardiment des mots à l'imitation des Grecs et des Latins ».
La langue devra s'étoffer des mots puisés dans le langage des métiers, qu'ils ne demeurent pas seulement celui des spécialistes, « toutes sortes d'ouvriers, et de gens mécaniques, comme mariniers, fondeurs, peintres, engraveurs et autres, savoir leurs inventions, les noms des matières, des outils et et les termes usités en leurs arts et métiers, pour tirer de là ces belles comparaisons et vives descriptions ».
On peut inventer des mots par provignement, en leur faisant reprendre racine. « Si les vieux mots abolis par l'usage ont laissé quelques rejetons, comme les branches des arbres coupés se rajeunissent de nouveaux drageons, tu pourras provigner, amender et cultiver afin qu'ils se repeuplent de nouveau. » Ainsi peut-on former des mots dérivés grâce aux suffixes.
Ils préconisent « la sage hardiesse d'inventer des vocables nouveaux, pourvu qu'ils soient moulés et façonnés sur un patron déjà reçu du peuple. »
 
Non seulement la recherche de mots nouveaux est nécessaire, mais il faut y ajouter celle des tournures et des figures de rhétorique pour « orner le style poétique ».
 
On reconnaît que Ronsard et Du Bellay ont fait preuve de prudence dans leurs conseils, insistant toujours sur le respect de l'harmonie de la langue et de son génie.
 
Je ne finirai pas cet article sans donner une oeuvre de Ronsard et une autre de Du Bellay, deux poèmes que nous aimons et qui chantent en nos mémoires, fines fleurs de notre patrimoine poétique.
 
 

Joachim Du Bellay (1522 - 1560)
 
Heureux qui comme Ulysse
 
Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage

Ou comme cestuy-là qui conquit la Toison,
Et puis est retourné plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
 
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province et beaucoup davantage ?
 
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine.
 
Plus mon Loire gaulois que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur angevine.

« Les Regrets »
 
NOTES
Un mot sur le recueil « Les Regrets ».
Forcé de rester à Rome auprès de son oncle le cardinal Jean Du Bellay qui est en ambassade pour le roi de France auprès du pape, il est son secrétaire et son intendant, Joachim Du Bellay compose des poèmes élégiaques où il évoque les lieux qui lui sont chers, « [son] petit village », « le clos de [sa] pauvre maison », « [son] Loire gaulois », « [son] petit Liré », « le séjour qu'ont bâti [ses] aïeux ». Au fil des vers, il les compare aux beautés de Rome qui l'ont déçu.Le « front majestueux » des « palais romains », « le marbre dur », « le Tibre », fleuve qui traverse Rome,« le Mont Palatin », l'une des sept collines, « l'air marin »... n'ont pas autant de charme que ce qu'il a laissé.
Il lui plaît d'évoquer dans des sonorités très douces, fluides, bien faites pour faire naître la nostalgie dans nos coeurs, « l'ardoise fine », « la douceur angevine »...

Un mot sur Ulysse.
Ulysse, héros grec, mettra dix ans après avoir participé à la guerre de Troie, pour retourner dans son île, Ithaque, et rejoindre les siens, Pénélope sa femme et Télémaque son fils . Ce périple forcé qui sillonne la méditerranée est raconté dans « L'Odyssée » d'Homère.
 
Un mot sur un Argonaute fameux.
« cestuy-là qui conquit la Toison »(celui-là...) ici, c'est de Jason qu'il est question.
Dans la mythologie grecque encore, on rencontre Jason envoyé traîtreusement en Colchide pour aller chercher La Toison d'or. Il y rencontrera Médée, la magicienne, qui lui donnera des enfants. Elle les tuera pour se venger des amours coupables de Jason, mais ceci est une autre histoire... 
 
« Heureux qui comme Ulysse »a été mis en chanson par Georges Brassens et on peut en entendre une version par Ridan.
Àécouter sur leur site.
 
 

Pierre de Ronsard (1524-1585)

Ronsard, Prince des poètes et poète des princes, reste surtout célèbre pour ses odes et ses sonnets où il a célébré ses amours, Hélène, Marie, Cassandre, et, avec elles, la fuite du temps, la jeunesse perdue. 
 
À Cassandre

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.

Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.
 
Ode à Cassandre


desclos(e), ouvert(e)
ceste vesprée, ce soir.

 Hommage
Nous ne pouvons qu'être reconnaissants envers ceux qui ont eu le courage, à force d'études, de passion et de génie, de prendre à bras le corps, malgré les critiques et les résistances, ce travail qui paraissait impossible, ce défi qui allait changer notre langue, pour la défendre, et l'illustrer.
 

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Vous avez pu déjà rencontrer Du Bellay et Ronsard

dans les notes des Délires

65 délires sur une scandaleuse impunité 

51 délires en partance pour d'autres cieux

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29 mai 2011 7 29 /05 /mai /2011 07:24

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La Renaissance 


La Renaissance est la période historique qui suit le Moyen Âge et qui s'étend de la fin du XVe siècle au XVIe siècle. Elle prend sa source en Italie bien avant qu'elle ne se propage petit à petit dans toute l'Europe.

De grand bouleversements se produisent à cette époque et entraînent une toute nouvelle vision du monde : les grandes découvertes (avec Christophe Colomb, Vasco de Gama, Magellan), les progrès scientifiques (avec Ambroise Paré en chirurgie, Nicolas Copernic en astronomie), la diffusion du protestantisme dans certains pays d'Europe et l'invention de l'imprimerie qui permet de diffuser largement les oeuvres littéraires.
Grâce à la redécouverte des textes anciens, grecs et latin, la pensée occidentale prend un essor sans précédent.

 

Érasme

Né en 1466 ou 1469, mort en 1536
Érasme (Desiderius Erasmus Roterodamus), le Prince de l'humanisme théologien néerlandais, philosophe, érudit, défenseur des lettres, il incarne cet esprit nouveau. Cosmopolite et pacifiste, il a milité pour la paix en Europe. Il  proclame dans la « Querela pacis »:
  

             « Le monde entier est notre patrie à tous. »

L'Église catholique s'oppose alors à toute traduction de la Bible car elle craint les hérésies, Elle affirme qu'il n'est pas nécessaire de comprendre le latin pour être croyant.
Érasme s'insurge dans son ouvrage « Enarratio Primi psalmi », soutenant que le peuple doit entendre l'Évangile dans sa propre langue :

« Pourquoi paraît-il inconvenant que quelqu'un prononce l'Évangile dans la langue où il est né et qu'il comprend : le Français en français, le Breton en breton, le Germain en germanique, l'Indien en indien ? Ce qui me paraît bien plus inconvenant, ou mieux, ridicule, c'est que les gens sans instruction [... ], ainsi que des perroquets, marmottent leurs Psaumes et leur Oraison dominicale en latin, alors qu'ils ne comprennent pas ce qu'ils prononcent. Pour moi, d'accord avec Saint Jérome, je [... ] considérerais le résultat comme particulièrement magnifique et triomphal, si toutes les langues, toutes les races  la célébraient (=la croix), si le laboureur, au manche de la charrue, chantait en sa langue quelques couplets des psaumes mystiques, si le tisserand, devant son métier, modulait quelque passage de l'Évangile, soulageant ainsi son travail, appuyé à son gouvernail, en fredonnât un morceau, qu'enfin, pendant que la mère de famille est assise à sa quenouille, une camarade ou une parente lui en lût à haute voix des fragments. »

(Texte traduit du latin)

Ce n'est certes pas un hasard si le nom d'Erasmus a été choisi pour représenter aujourd'hui une identité européenne. N'est-ce pas en son honneur que le programme européen d’échange pour les étudiants et les enseignants porte son nom ?

Je ne puis résister à l'envie que j'ai de vous dire deux mots sur son ouvrage « L'Éloge de la Folie » (1509) qui fut le bestseller de son temps. Érasme s'adresse à son ami anglais Thomas More (l'auteur de « Utopie »). Cette fiction burlesque, où le principal personnage est une allégorie, la déesse Folie, est une critique virulente des institutions établies et des gens ayant une position sociale dont ils abusent. Érasme s'inspire des auteurs de l'antiquité, de leur mythologie et des philosophes médiévaux.
Vous trouverez sur la toile le texte de l'« L'Éloge de la Folie », traduction de Pierre de NOLHAC.
Éloge de la folie - Wikisource 

 

L'Éloge de la Folie

Extrait
 C'est La Folie qui parle. Il va sans dire que le ton léger, bien que satirique, semble n'engager personne à prendre, au pied de la lettre, ce que dit la Folie ! Encore que...

« Le singe est toujours singe, dit l’adage grec, même sous un habit de pourpre. » Pareillement, la femme a beau mettre un masque, elle reste toujours femme, c’est-à-dire folle. Les femmes pourraient-elles m’en vouloir de leur attribuer la folie, à moi qui suis femme et la Folie elle-même ? Assurément non. A y regarder de près, c’est ce don de folie qui leur permet d’être à beaucoup d’égards plus heureuses que les hommes. Elles ont sur eux, d’abord l’avantage de la beauté, qu’elles mettent très justement au-dessus de tout et qui leur sert à tyranniser les tyrans eux-mêmes. L’homme a les traits rudes, la peau rugueuse, une barbe touffue qui le vieillit, et tout cela signifie la sagesse ; les femmes, avec leurs joues toujours lisses, leur voix toujours douce, leur tendre peau, ont pour elles les attributs de l’éternelle jeunesse. D’ailleurs, que cherchent-elles en cette vie, sinon plaire aux hommes le plus possible ? N’est-ce pas la raison de tant de toilettes, de fards, de bains, de coiffures, d’onguents et de parfums, de tout cet art de s’arranger, de se peindre, de se faire le visage, les yeux et le teint ? Et n’est-ce pas la Folie qui leur amène le mieux les hommes ? Ils leur promettent tout, et en échange de quoi ? Du plaisir. Mais elles ne le donnent que par la Folie. C’est de toute évidence, si vous songez aux niaiseries que l’homme conte à la femme, aux sottises qu’il fait pour elle, chaque fois qu’il s’est mis en tête de prendre son plaisir. Vous savez maintenant quel est le premier, le plus grand agrément de la vie, et d’où il découle. »

Les textes de notre humaniste préféré sont en latin. On aura compris qu'ils permirent une libération des esprits qui jusque-là étaient contraints dans des dogmes et des principes trop étroits.
Ces écrits furent censurés.

Si Luther en 1523 traduit la Bible en allemand, Lefèvre d'Étaples la traduit en français l'année suivante. Bon nombre de défenseurs de la langue française sont poursuivis par la Sorbonne et les Parlements. Parmi d'autres, Étienne Dolet (1509-1546), humaniste, poète, philologue et imprimeur, fut torturé, étranglé et brûlé avec ses livres sur la Place Maubert à Paris pour avoir édité des écrits dangereux (de Galien, Rabelais, Marot) et, d'après certains, pour s'être montré proche des idées de Luther. 


Rabelais
Né entre 1483 et 1494, et mort en 1553.
Fils spirituel d'Érasme, et luttant comme lui pour le retour des valeurs antiques et pour la tolérance, François Rabelais publie « Pantagruel » en 1532 et « Gargantua » en 1534 sous un pseudonyme, Alcofribas Nasier, afin d'éviter d'être accusé d'athéisme. Ces deux écrits et les suivants seront censurés.
Son oeuvre s'apparente à un conte paillard où des géants, ses héros, évoluent dans une parodie chevaleresque.
Rabelais, « le plus grand esprit de l'humanité moderne », comme l'appelait Balzac, apporta à la langue française sa verve, sa liberté de penser et bon nombre de mots qui vinrent l'enrichir.

 

Pantagruel

extrait

Quand Pantagruel fut né, qui fut bien ébahi et perplexe ? Ce fut Gargantua son père. Car, voyant d'un côté sa femme Badebec morte, et de l'autre son fils Pantagruel né, tant beau et tant grand, ne savait que dire ni que faire, et le doute qui troublait son entendement était à savoir s'il devait pleurer pour le deuil de sa femme, ou rire pour la joie de son fils. D'un côté et d'autre, il avait arguments sophistiques  qui le suffoquaient car il les faisait très bien in modo et figura , mais il ne les pouvait souldre , et par ce moyen, demeurait empêtré comme la souris empeigée , ou un milan pris au lacet.
« Pleurerai-je ? disait-il. Oui, car pourquoi ? Ma tant bonne femme est morte, qui était la plus ceci, la plus cela qui fût au monde. Jamais je ne la verrai, jamais je n'en recouvrerai une telle : ce m'est une perte inestimable. O mon Dieu que t'avais-je fait pour ainsi me punir ? Que n'envoyas-tu la mort à moi premier  qu'à elle ? car vivre sans elle ne m'est que languir. Ha ! Badebec, ma mignonne, m'amie — mon petit con (toutefois elle en avait bien trois arpents et deux sexterées ), ma tendrette, ma braguette, ma savate, ma pantoufle, jamais je ne te verrai. Ha ! pauvre Pantagruel, tu as perdu ta bonne mère, ta douce nourrice, ta dame très aimée ! Ha, fausse mort, tant tu m'es malivole , tant tu m'es outrageuse, de me tollir  celle à laquelle immortalité appartenait de droit ! »
Et, ce disant, pleurait comme une vache ; mais tout soudain riait comme un veau, quand Pantagruel lui venait en mémoire.
« Ho, mon petit fils, disait-il, mon couillon, mon peton, que tu es joli et tant je suis tenu à Dieu de ce qu'il m'a donné un si beau fils, tant joyeux, tant riant tant joli. Ho, ho, ho, ho ! que je suis aise ! Buvons, ho ! laissons toute mélancolie ! Apporte du meilleur, rince les verres, boute  la nappe, chasse ces chiens, souffle ce feu, allume la chandelle, ferme cette porte, taille ces soupes, envoie ces pauvres, baille-leur ce qu'ils demandent ! Tiens ma robe, que je me mette en pourpoint pour mieux festoyer les commères. »

Ah ! Comme tout cela met le coeur en joie !

             « Fais ce que voudras. »
Telle est la devise de l'abbaye de Thélème que Rabelais imagine propice au bonheur, là où l'instruction dispensée permet à l'homme, toujours soucieux d'agir en tout bien tout honneur, et de s'affirmer dans une société qu'il fait évoluer. 

Et si vous vous sentez d'humeur rabelaisienne, lisez donc « Le torche-cul de Gargantua ». Pour ce faire, rendez vous au texte :

112 Délires sur une description qui met à mal la patience du lecteur - Le torche-cul de Gargantua 

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25 avril 2011 1 25 /04 /avril /2011 07:08

UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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Introduction au Moyen Français


Un peu d'histoire
Le XIVe siècle et le début du siècle suivant sont une des périodes les plus sombres de notre histoire.
À partir de 1315 s'installe une famine due au surpeuplement et à des conditions climatiques difficiles. La démographie régresse. La peste noire apparaît et fait des ravages (1348 -1350) avec de nombreuses récidives tant en France que dans l'Europe toute entière. Les guerres, les violences qu'elles entraînent font que l'on vit dans un climat de peur et d'insécurité. La royauté est incapable de défendre le pays. La crise de la féodalité, la captivité de Jean La Bon, la folie de Charles VI, la rivalité des Armagnacs et des Bourguignons, et la Guerre de Cent Ans, mettent le pays à feu et à sang. La crise religieuse due au Grand Schisme (1378 - 1417) divise les chrétiens, deux papes s'étant installés à la tête de l'Eglise catholique, l'un à Rome et l'autre en Avignon soutenu par la France, l'Espagne, l'Écosse et l'Italie du Sud. Après cette période, l'Eglise a de la peine à rétablir son autorité. Le terrain se prépare pour la Réforme protestante qui verra le jour avec Luther au début du XVIe siècle.

L'évolution de la langue 


Le moyen français est une variété historique du français parlé et écrit du XIVe au XVIe siècle. La langue française, issue du francien de l'Île-de-France se différencie alors des autres langues d'oïl.
En 1539, l'ordonnance de Villers-Cotterêts est édictée par le roi François Ier. Elle fait du français l'unique langue juridique et légale du royaume, prenant ainsi la place du latin. Les autres langues d'oïl, l'occitan et le francoprovençal sont dès lors appelés patois.

Quelles transformations apparaissent dans le moyen français ?
La déclinaison, héritée du latin, que l'on trouve dans l'ancien français, disparaît. Aussi, pour que la fonction des mots soit plus évidente dans la phrase, a-t-on recours à de nombreuses prépositions. L'ordre des mots se précise, le sujet se plaçant généralement devant le verbe. On utilise l'article plus fréquemment. On marque d'un e le féminin des adjectifs. Le pluriel des noms prend un s.
Ainsi le français revêt-il un caractère analytique.
La littérature en moyen français se développe. Le vocabulaire s'enrichit, la grammaire se précise.
Villon, Marot, Rabelais, Montaigne, Ronsard et les poètes de la Pléiade nous ont donné des chefs-d'oeuvre dans la langue de cette époque.


FRANÇOIS VILLON (1431 - 1463)

Mais quoy ! je fuyoië l'escolle
Comme fait le mauvaiz enffant
En escripvant cette parolle
A peu que le cueur ne me fent !

Notre poète, François de Moncorbier dit Villon, le plus fameux de cette période est plongé dans les malheurs de son temps. Quelques faits avérés le dépeignent comme un mauvais sujet. Il est arrêté pour des rixes, une affaire de meurtre, un vol. On perd sa trace vers 1463.
Ses écrits où il parle abondamment de sa vie, les « Lais » (« Legs ») et le « Petit Testament » sont en partie le reflet de la réalité et une bouffonnerie satirique, ils ont construit sa légende avec le « Grand Testament » qui, s'il reprend la plaisanterie, est le plus souvent grave et pathétique, révélant les confessions et les regrets.
Les moments lyriques de la poésie de Villon et ses plus belles ballades ont gardé intact, jusqu'à nous, leur pouvoir d'émotion.

 

La Ballade des Pendus 

Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les coeurs contre nous endurciz,
Car, se pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tost de vous merciz*.
Vous nous voyez cy attachez cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça* devoree et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s'en rie :
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre !

Se frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir desdain, quoy que fusmes occiz
Par justice. Toutesfois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas le sens rassiz;
Excusez nous, puis que sommes transis*,
Envers le filz de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale fouldre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie*;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

La pluye nous a débuez et lavez,
Et le soleil desséchez et noirciz:
Pies, corbeaulx nous ont les yeulx cavez
Et arraché la barbe et les sourciz.
Jamais nul temps nous ne sommes assis;
Puis ça, puis la, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d'oiseaulx que dez à couldre.
Ne soyez donc de nostre confrarie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

Prince Jhesus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A luy n'avons que faire ne que souldre*.
Hommes, icy n'a point de mocquerie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre.

NOTES
*Merciz : miséricorde
*pieça : depuis longtemps
*transis : trépassés
*âme ne nous harie : que nul ne nous tourmente
*souldre : payer

Cette ballade traduit les thèmes qui hantent le poète, l'effroi de la mort, la crainte du gibet, la misère, mais aussi la foi et l'appel à la charité chrétienne pour les pauvres gens. Elle s'émaille de détails et d'images réalistes qui surgissent devant nos yeux et ne peuvent nous laisser indifférents.
Je l'ai bien lu des dizaines de fois cette ballade, et je ne peux toujours pas m'empêcher de frémir quand s'égrènent devant mes yeux ses vers qui traduisent tant de douleurs. Mon coeur se serre d'horreur et de pitié. 

L'ombre de Villon est toujours là qui nous fascine. Elle continue de se glisser dans nos poèmes et nos chansons.
Georges Brassens,« foutrement moyenâgeux » comme il se dépeint lui-même, a mis en musique la « Ballade des dames du temps jadis ».

 

 Ballade des dames du temps jadis


Dites-moi où, n'en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades*, ni Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine ;
Echo parlant quand bruit on mène
Dessus rivière ou sus étang,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine
Mais où sont les neiges d'antan?

Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Abélard à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cette essoyne.
Semblablement, où est la royne
Qui commanda que Buridan
Fut jeté en un sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?

La reine Blanche comme lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Bietris, Alis,
Et Jehanne la bonne Lorraine
Qu'Anglois brûlèrent à Rouen ;
Où sont-ils, Vierge souveraine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?

Prince n'enquérez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Qu'à ce refrain ne vous remaine.

Version donnée sur le site   In Libro Veritas


S'inspirant de « La Ballade des Pendus », Léo Ferré nous a donné « L'amour n'a pas d'âge ». Serge Reggiani a chanté aussi cette ballade de façon bouleversante. De même s'en est inspiré Richard Desjardins le Québécois pour écrire sa chanson « Lomer (À la Frenchie Villon) ». Dans « Mon bistrot préféré » de Renaud, Villon est encore là, « qui rôde près du bar et des mauvais garçons ». Félix Leclerc a choisi de mettre en musique quelques pages de l'oeuvre du poète maudit. Le Groupe Eiffel chante« Mort j'appelle » qui s'inspire du rondeau « Mort j'appelle de ta rigueur ».

 

Mort j'appelle de ta rigueur

 

Mort, j'appelle de ta rigueur,
Qui m'as ma maîtresse ravie,
Et n'es pas encore assouvie
Si tu ne me tiens en langueur :

Onc puis n'eus force ni vigueur ;
Mais que te nuisoit-elle en vie,
Mort ?

Deux étions et n'avions qu'un coeur ;
S'il est mort, force est que dévie*,
Voire, ou que je vive sans vie
Comme les images, par coeur,
Mort !

NOTE *que dévie : que je meure

Version donnée sur le site In Libro Veritas


Et, si d'aventure vous vous promenez à Paris, rue Saint-Martin, vous ne manquerez pas de voir, au n°29, la Fontaine Maubuée avec sa pierre sculptée d'épis et de cornes d'abondance, fontaine que Villon a chantée dans son « Testament ».

Voilà, chers lecteurs, de quoi vous donner envie d'écouter des chansons où l'on rencontre ce personnage hors du commun. Je reviendrai bientôt avec d'autres poètes... si, jusque-là, Dieu me prête vie.
Littérairement vôtre,

mamiehiou
 

UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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10 mars 2011 4 10 /03 /mars /2011 18:08

UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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Pauvre Rutebeuf !

 

Que n'entend-il ses complaintes traverser les siècles avec bonheur et donner au coeur des hommes une émotion sincère ?
On connaît peu de choses de la vie de ce trouvère qui vécut au XIIIe siècle sous Saint Louis et Philippe III Le Hardi.
Il excella dans la satire lyrique et ne craignit pas de flétrir toutes les institutions de son temps, ainsi dans « La Nouvelle Complainte d'Outremer » où il dénonça de manière précise et réaliste les vices des chevaliers, des clercs et des bourgeois qui s'engraissaient sur le dos des autres. Il fut le poète le plus original de son temps, le premier à parler de sa vie, le digne ancêtre de Villon.
Son talent, c'est un lyrisme mélancolique, ses plaintes sur sa misérable existence, sur son mariage, sur l'absence de ses amis, sur sa pauvreté.

 

Ci encoumence la complainte Rutebuef de son oeul
  
La complainte Rutebeuf
   Extrait

[...]
Que sunt mi ami devenu
Que j’avoie si pres tenu
Et tant amei ?
   Que sont mes amis devenus
   Que j'avais de si près tenus
   Et tant aimés ?
 
Je cuit qu’il sunt trop cleir semei ;
Il ne furent pas bien femei,
Si sunt failli.
   Je crois qu'ils sont trop clair semés ;
   Ils ne furent pas bien soignés,
   Ils sont partis.

Iteil ami m’ont mal bailli,
C’onques, tant com Diex m’assailli
E[n] maint costei,
   De tels amis m'ont maltraité
   Que, tant que Dieu m'a assailli
   De tous côtés,

N’en vi .I. soul en mon ostei.
Je cui li vens les m’at ostei,
L’amours est morte :
   N'en vis un seul en ma maison.
   Je crois que le vent les m'a ôtés,
   L'amour est morte :

Se sont ami que vens enporte,
Et il ventoit devant ma porte,
Ces enporta,
   Ce sont amis que vent emporte,
   Et il ventait devant ma porte,
   Sont emportés.

C’onques nuns ne m’en conforta
Ne tiens dou sien ne m’aporta.
Ice m’aprent :
   Ainsi jamais nul ne me réconforta
   Ni ne m'apporta de son bien.
   Voici ce que cela m'apprend :

Qui auques at, privei le prent ;
Et cil trop a tart ce repent
Qui trop a mis
   Ce que l'on a, ami le prend ;
   Et l'on se repent trop tard
   D'avoir trop dépensé

De son avoir a faire amis,
Qu’il nes trueve entiers ne demis
A lui secorre.
   De son avoir pour se faire des amis,
   Car il ne les trouve ni entièrement ni à demi
   À le secourir

Or lairai donc Fortune corre,
Si atendrai a moi rescorre,
Se jou puis faire.
   Maintenant je laisserai faire la Fortune 
   Et veillerai à me secourir moi-même
   Si je puis le faire.

Vers les bone gent m’estuet traire
Qui sunt preudome et debonaire
Et m’on norri.
   Vers les gens de bien m'en irai
   Qui sont bons et généreux
   Et m'ont nourri.

Mi autre ami sunt tuit porri:
Je les envoi a maitre Horri
Et cest li lais.
[...]
   Mes autres amis sont si pourris :
   Je les envoie à maître Horri le vidangeur
   Et les lui laisse.


Pour écrire sa chanson « Pauvre Rutebeuf », Léo Ferré s'est inspiré des poèmes : « La complainte Rutebeuf », « La Griesche d'Yver », « Le Mariage Rutebeuf ».
Cette chanson a connu plusieurs interprétations. Elle a été reprise par Catherine Sauvage, Jacques Douai, Hugues Aufray,  Hélène Martin, James Ollivier, Philippe Léotard, Marc Ogeret, Joan Baez, Cora Vaucaire, Nana Mouskouri, Didier Bardelivien, Dani Klein (et Vaya Con Dios).
Ne vous privez pas du plaisir d'entendre Léo Ferré ou Joan Baez ou Nana Mouscouri l'interpréter pour vous (sur la toile), pour ne citer qu'eux. 
 
 

Pauvre Rutebeuf 

de Léo Ferré

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Avec le temps qu'arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pauvreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est advenu

Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta


Nous savons que bien d'autres oeuvres ont vu le jour en cette époque du Moyen Âge. Cette chronique n'a pas pour dessein d'en faire la liste exhaustive, mais seulement de jeter quelques jalons pour que nous goûtions de cette langue ancienne, jadis parlée par des voix qui se sont tues. Nous n'entendrons jamais leur accent, leur intonation, la musique de leurs mots dans leurs dialectes divers. Il nous reste, à travers les écrits, une certaine idée de la vie de notre pays.
Dans le chapitre qui va suivre, notre langue franchira une étape pour devenir ce qu'on appellera Le Moyen Français.


NOTES SUR LES COMPLAINTES

Une complainte est un long poème chanté. Elle dit l'histoire d'un personnage, réel le plus souvent, qui se lamente en racontant ses malheurs. Au fil des siècles, elle est devenue chanson populaire relatant des événements tragiques ou des crimes odieux.
Dès le XVIe siècle, les chanteurs ambulants, successeurs des jongleurs du Moyen Âge, entonnent dans les rues leurs complaintes reprises en choeur par les passants auxquels on distribue des feuilles volantes.

Peut-être avez-vous déjà entendu « La Complainte de Mandrin », celle du bandit justicier qui a défrayé la chronique au XVIIIe siècle, après qu'il eut été supplicié, roué sur la place publique. Cette complainte sera reprise, entre autres, par Yves Montand, Guy Béart, Francois Hadji Lazaro, Bernard Lavilliers et Faudel.
Au siècle dernier, le crime de Violette Nozières, le massacre d'Oradour-sur-Glane sont parmi les derniers thèmes qui ont inspiré les chanteurs des rues.

De nombreux poètes ont écrit des complaintes.
Paul Verlaine, emprisonné après avoir tiré sur Arthur Rimbaud en 1873, s'identifie à un pauvre hère, triste anti-héros dirait-on aujourd'hui, personnage à demi-légendaire, Kaspar Hauser, au tragique destin.

 

 Je suis venu calme orphelin 

Paul Verlaine


Gaspard Hauser chante :

Je suis venu, calme orphelin,
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes :
Ils ne m'ont pas trouvé malin.

A vingt ans un trouble nouveau
Sous le nom d’amoureuses flammes,
M’a fait trouver belles les femmes :
Elles ne m’ont pas trouvé beau.

Bien que sans patrie et sans roi
Et très brave ne l’étant guère,
J’ai voulu mourir à la guerre :
La mort n’a pas voulu de moi.

Suis-je né trop tôt ou trop tard ?
Qu’est-ce que je fais en ce monde ?
Ô vous tous, ma peine est profonde :
Priez pour le pauvre Gaspard !

 
Bon nombre d'entre nous ont appris dans leur enfance le poème « La Complainte du Petit Cheval Blanc » de Paul Fort. Elle fut reprise par Georges Brassens.


La complainte du Petit Cheval Blanc

Paul fort


Le petit cheval dans le mauvais temps,
Qu'il avait donc du courage !
C'était un petit cheval blanc,
Tous derrière et lui devant.
Il n'y avait jamais de beau temps
Dans ce pauvre paysage,
Il n'y avait jamais de printemps,
Ni derrière, ni devant.
[...]

Et sur ces tristes paroles qui, j'en suis sûre, vous ont arraché une larme, je vous dis à bientôt.

> Chapitre 8

 

UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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22 février 2011 2 22 /02 /février /2011 17:56

 UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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Les Pères de l'Eglise s'étaient appliqués à condamner le théâtre antique. Aussi le Haut Moyen Âge (500-987) ignore-t-il toutes formes théâtrales. C'est pourtant dans les églises que naissent, au début du Bas Moyen Âge (987-1500), les premières formes du théâtre liturgique.
 
Le Théâtre religieux 


Dès le Xe siècle, on voit apparaître, dans le choeur des églises, au cours des grandes fêtes religieuses, des représentations en latin qui illustrent les textes sacrés. On y évoque la vie du Christ et celle des saints.
À partir du milieu du XIIe siècle, le français remplace le latin, les acteurs deviennent de plus en plus nombreux, on élève des décors, les scènes s'allongent. Le choeur de l'église ne suffisant plus, on s'installe sur le parvis. Au fil du temps, ces drames, appelés miracles et  mystères, deviennent de véritables fêtes et peuvent durer plusieurs jours. La musique et le chant y ont une grande part. Les scènes se déroulent dans les décors de certains lieux bien repérables (les mansions), la gueule de l'Enfer se situant à gauche et le Paradis à droite.
 

On monte des tréteaux. Le théâtre est né. 

 
Parmi les textes dramatiques qui nous sont parvenus, on retiendra « Le Jeu d'Adam » d'un auteur inconnu, où se révèle un vrai talent littéraire. Le thème en est la chute et le péché originel jusqu'au meurtre d'Abel et se termine par l'annonce de la Rédemption par les prophètes. Le jeu s'attache à la psychologie des personnages, notamment dans la scène où le Diable tente Eve.
Le mot « Jeu » signifie drame.

 

 

« Le Jeu d'Adam »  est écrit en octosyllabes.
Fin du XIIe siècle.
En voici un extrait : la Tentation. 
(Référence du texte en ancien français :
Le Mystère d’Adam, publ. H. Chamard, Colin, 1925.)

Diabolus
Eva, ça sui venuz a toi.
Ève, je suis venu vers toi.
 
Eva
Di moi Sathan, e tu pur quoi ?
Dis-moi Satan pourquoi cela ? 


 
Diabolus
Je vois querant tun pru, t(un) honor.
Je vais chercher ton bien, ton honneur.
 
Eva
Co dunge Deu !
Ainsi soit-il !
 
Diabolus
N’ayez poür.
Mult a grant tens que j(o) ai apris
Toz les conseils de paraïs:
Une partie t’en dirrai.
N'ayez pas peur.
Il y a bien longtemps que j'ai appris
Tous les secrets de paradis :
Je t'en dirai une partie.
 
Eva
Or(e) le comence, e jo l’orrai.
Eh bien commence donc et j'écouterai.

 
Diabolus
Orras me tu ?
M'écouteras-tu ?
 
Eva
Si ferai bien,
Ne te curcerai de rien.
Mais oui, fort bien ;
Je ne te fâcherai en rien.  
 

Diabolus
Or me mettrai en ta creance;
Ne voil de toi altre fiance.
Je te ferai donc confiance,
Et ne veux pas de ta part d'autre assurance.

 
Eva
Bien te pois creire a ma parole.

Tu peux bien croire à ma parole.
 
Diabolus
Tu as esté en bone escole.
Jo vi Adam, mais trop est fols.

Tu as été en bonne école.
Je vis Adam, mais il est trop fou !
 
Eva
Un poi est durs.
Il est un peu dur.
 
Diabolus
Il serra mols.
Il est plus dors que n’est nus fers.
Il sera mou !
Il est plus dur que n'est le fer.
 
Eva
Il est mult francs
Il est très indépendant.
 
Diabolus
Ainz est mult serf.
Cure nen voelt prendre de soi.
Car la prenge sevals de toi.
Tu es fieblette e tendre chose,
E es plus fresche que n’est rose;
Tu es plus blanche que cristal.
Que nief qui chiet sor glace en val.
Mal cuple em fist li criator:
Tu es trop tendre e il es trop dur;
Mais neporquant tu es plus sage,
En grant sens a mis tun corrage.
Por ço fait bon [se] traire à toi.
Parler te voil.
Il est plutôt très serf.
Il ne prend pas soin de lui :
Qu'il prenne au moins souci de toi !
Tu es faiblette et tendre chose,
Et es plus fraîche que n'est rose,
Tu es plus blanche que cristal,
Que neige chue sur glace en val !
Un mauvais couple fit de vous le Créateur :
Tu es tendre, dur est son coeur ;
Mais néanmoins tu es plus sage:
Ton coeur est plein de raison ;
Il fait bon traiter avec toi.
Je veux te parler.

 
Eva
Ore i ait fai.
Il faut avoir foi en moi.
 
Diabolus
N’en sache nuls.
Que nul n'en sache rien !
 
Eva
Ki le deit saver ?
Qui doit savoir ?
 
Diabolus
Neis Adam.
Pas même Adam !
 
Eva
Nenil par moi.
Nenni, par moi.
 
Diabolus
Or te dirai, e tu m’ascute.
N’a que nus dous en ceste rote,
E Adam la, [qui] ne nus ot.
Je te dirai donc et tu m'écoutes.
N'a que nous deux en cette route,
Et Adam là qui n'entend point.
 
Eva
Parlez en halt, n’en savrat molt.
Parlez-en haut, n'en saura rien !
 
Diabolus
Jo vous acoint d’un grant engin
Que vus est fait en cest gardin.
Le fruit que Deus vus ad doné
Nen a en soi gaires bonté ;
Cil qu’il vus ad tant defendu,
Il ad en soi [mult] grant vertu.
En celui est grace de vie
De poëste e de seignorie,
De tut saver [e] bien e mal.
Je vous avertis d'un grand piège
Qui vous est fait en ce jardin :
Le fruit que Dieu vous a donné
Non n'a en soi guère bonté ;
Celui qu'il vous a défendu
Il a en soi grande vertu.
En lui est grâce de vie,
De puissance et de seigneurie,
De tout savoir, bien et mal.


Eva
Quel savor a ?
Quelle saveur a ?
 
Diabolus
Celestial.
A ton bel cors, a ta figure,
Bien convendreit tel aventure,
Que tu fusse dame del mond,
Del soverain e del parfont,
E seüsez quanque a estre,
Que de tuit fuissez bone maistre.
Céleste !
À ton beau corps, à ta figure
Bien conviendrait telle aventure,
Que tu fusses reine du Monde,
Souveraine du ciel et de l'enfer,
Que tu connusses tout ce qui doit être,
Que de tout tu fusses bonne maîtresse !
 
Eva
Est tel li fruiz ?
Est tel le fruit ?
 
Diabolus
Oïl, par voir.
Oui, il est vrai !
 
(Tunc diligenter intuebitur Eva fructum vetitum quo diu ejus intuitu dicens:)
Ici Eve regardera le fruit défendu, disant après l'avoir longtemps contemplé :
 
Eva
Ja me fais bien sol le veer.
Cela me fait du bien rien qu'à le voir !
 
Diabolus
Si tu le mangues, que feras ?
Que sera-ce, si tu le goûtes ?
 
Eva
E jo, que sai ?
Comment savoir ?
 
Diabolus
Ne me crerras ?
Primes le pren,(e a ) Adam le done.
Del ciel averez sempres corone,
Al creator serrez pareil,
Ne vus purra celer conseil.
Puis que del fruit avrez mangié
Sempres vus iert le cuer changié;
O Deus serrez [vus] sans faillance,
De egal bonté, de egal puissance.
Guste del fruit!
N'aie point de doutes.
Prends-le vite, donne-le à Adam.
Alors vous aurez la couronne du ciel.
Au Créateur serez pareils,
Vous percerez tous ses conseils ;
Quand vous aurez mangé du fruit,
Alors votre coeur sera changé :
Égaux à Dieu, sans défaillance,
Aurez sa bonté, sa puissance.
Goûte du fruit !

 
 
Le théâtre comique

 
Dans la seconde partie du XIIIe siècle naît la comédie médiévale qui s'illustre par « Le Jeu de la Feuillée » et  « Le Jeu de Robin et Marion » d'Adam de la Halle, dit Adam Le Bossu, clerc et joyeux compagnon d'Arras.
La Feuillée fait référence à la loge de verdure où est placée la châsse de Notre-Dame-des-Ardents mais aussi au terme « folyie » en picard, la folie étant le thème principal de la pièce.
 
          « On voit bien encore aux tessons ce que fut le pot. »
Voilà ce que nous dit doctement Adam de La Halle par-delà les siècles.
Comprenne qui voudra !

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