QUIZ 17
Oh ! Les célèbres tirades ! Fleurons de notre littérature !
Les avez-vous apprises par coeur ?*
Pour votre bonheur !
Elles chantent encore dans votre mémoire.
Peut-être abîmées, tronquées, à moitié oubliées. Mais leur saveur est toujours intacte, leurs accents toujours vibrants.
Elles sont bien là, prêtes à surgir à propos d'un rien, à propos d'un mot, à propos d'une phrase. Quelle délectation !
L'enthousiasme, l'ambition, la passion, l'amour, le dépit, la rage, le désespoir, tout ce qui fait l'homme, enfin !
J'ai enlevé de ces tirades fameuses
quelques mots, quelques vers à retrouver.
N'ayez crainte, je vous les rendrai.
Et si vous préférez lire ces textes sans trous,
reportez-vous
> au texte complété
(Extraits)
CORNEILLE – Le Cid 1636
Acte 1, Scène 4
Don Diègue, homme d'honneur, vient de recevoir un soufflet de Don Gormas
Don Diègue
Ô rage ! 1111
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir 2222
Mon bras qu'avec respect toute l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Oeuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher Le Comte,
Et mourir sans vengeance, 3333
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Acte 1 , Scène 6 , Les stances.
Don Rodrigue, son fils, doit le venger, et pour ce faire, il devra provoquer en duel le père de celle qu'il aime, le père de Chimène. Son coeur est déchiré. ll balance entre le devoir et l'amour.
Don Rodrigue
Percé jusques au fond du coeur
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Misérable vengeur d'une juste querelle,
Et malheureux objet d'une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon feu récompensé,
Ô Dieu, l'étrange peine !
En cet affront mon père est l'offensé,
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Acte 4 , Scène 3
Le valeureux Rodrigue raconte comment il a combattu les Maures.
Don Rodrigue
Sous moi donc cette troupe s'avance,
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Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
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Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient de courage !
J'en cache les deux tiers, aussitôt qu'arrivés,
Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouvés ;
Le reste, dont le nombre augmentait à toute heure,
Brûlant d'impatience, autour de moi demeure,
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CORNEILLE - Horace 1640 - Acte IV scène 5
Les imprécations de Camille.
Albe et Rome se disputent la suprématie. Le combat des trois Horace contre les trois Curiace vient de s'achever. Le frère de Camille, le romain Horace est vainqueur. Camille crie sa haine contre lui. Il a tué son amant, Curiace.
Camille
Rome, l'unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant !
Rome qui t'a vu naître et que ton cœur adore !
Rome 9999
Puissent tous ses voisins, ensemble conjurés,
Saper ses fondements encor mal assurés !
Et si ce n'est assez de toute l'Italie,
Que 10 10 10 10 10
Que cent peuples unis des bouts de l'univers
Passent pour la détruire et les monts et les mers !
Qu'elle-même sur soi renverse ses murailles,
Et de ses propres mains 11 11 11 11
Que le courroux du ciel allumé par mes vœux,
Fasse tomber sur elle un déluge de feux !
Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre,
Voir ses maisons en cendres, et tes lauriers en poudre !
Voir le dernier Romain à son dernier soupir,
Moi seule en être cause, et 12 12 12 12
> Texte complet : CORNEILLE - Horace, Acte IV scène 5
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MOLIERE – L'Avare 1668 – Acte 4, scène 7
On a dérobé la cassette pleine de pièces d'or d'Harpagon.
Harpagon
Au voleur ! Au voleur ! A l'assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste Ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné, 19 19 19 19, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu'est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferais-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N'est-il point là ? N'est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête ! 20 20 20 20... (il se prend lui-même le bras) Ah ! C'est moi ! Mon esprit est troublé, et j'ignore où je suis, qui je suis et ce que je fais. Hélas ! Mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami ! On m'a privé de toi; et puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma consolation, ma joie; tout est fini pour moi, et je n'ai plus que faire au monde : sans toi, 21 21 21 21. C'en est fait, je n'en puis plus; je me meurs, je suis mort, 22 22 22 22 . N'y a-t-il personne qui puisse me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m'apprenant qui l'a pris ?
> Texte complet : MOLIERE – L'Avare – Acte 4, scène 7
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RACINE – Andromaque 1667- Acte V, scène 5
Oreste est amoureux fou d'Hermione qui, par dépit amoureux lui a promis de l'épouser s'il tuait Pyrrhus. Pyrrhus, amoureux d'Andromaque, la captive, est assassiné par Oreste. Hermione écume de rage et se suicide sur le corps de Pyrrhus.
La folie s'empare de lui, il est la proie d'hallucinations.
Pylade est le fidèle ami dOreste.
ORESTE
Grâce aux Dieux ! Mon malheur passe mon espérance.
Oui, je te loue, ô ciel, de ta persévérance.
Appliqué sans relâche au soin de me punir,
Au comble des douleurs tu m'as fait parvenir.
Ta haine a pris plaisir à former ma misère ;
J'étais né pour servir d'exemple à ta colère,
Pour être du malheur un modèle accompli.
Hé bien ! je meurs content, et mon sort est rempli.
Où sont ces deux amants ? Pour couronner ma joie,
Dans leur sang, 13 13 13 13
L'un et l'autre en mourant je les veux regarder.
Réunissons trois cœurs qui n'ont pu s'accorder.
Mais quelle épaisse nuit tout à coup m'environne ?
De quel côté sortir ? D'où vient que je frissonne ?
Quelle horreur me saisit ? Grâce au ciel, j'entrevois.
Dieux ! 14 14 14 14
ORESTE
Quoi ? Pyrrhus, je te rencontre encore ?
Trouverai-je partout un rival que j'abhorre ?
Percé de tant de coups, comment t'es-tu sauvé ?
Tiens, tiens, voilà le coup que je t'ai réservé.
Mais que vois-je ? À mes yeux Hermione l'embrasse ?
Elle vient l'arracher au coup qui le menace ?
Dieux ! quels affreux regards elle jette sur moi !
Quels démons, quels serpents traîne-t-elle après soi ?
Hé bien ! filles d'enfer, vos mains sont-elles prêtes ?
15 15 15 15 15
À qui destinez-vous l'appareil qui vous suit ?
Venez-vous m'enlever dans l'éternelle nuit ?
Venez, à vos fureurs Oreste s'abandonne.
Mais non, retirez-vous, laissez faire Hermione :
L'ingrate mieux que vous saura me déchirer ;
Et je lui porte enfin mon cœur 16 16 16 16 16
Fin de la pièce.
> Texte complet : RACINE – Andromaque - Acte V, scène 5
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Titus et Bérénice s'aiment, mais Titus sacrifie son amour pour le pouvoir.
Bérénice
Eh bien ! régnez, cruel, contentez votre gloire :
Je ne dispute plus. J’attendais, pour vous croire,
Que cette même bouche, après mille serments
D’un amour qui devait unir tous nos moments,
Cette bouche, à mes yeux s’avouant infidèle,
M’ordonnât elle-même une absence éternelle.
Moi-même j’ai voulu vous entendre en ce lieu.
Je n’écoute plus rien, et pour jamais : adieu...
Pour jamais ! Ah, Seigneur ! songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel 17 17 17 17
Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?
Que le jour recommence et que le jour finisse,
Sans que jamais 18 18 18 18
Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?
Mais quelle est mon erreur, et que de soins perdus !
L’ingrat, de mon départ consolé par avance,
Daignera-t-il compter les jours de mon absence ?
Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts.
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Phèdre, épouse de Thésée, est amoureuse de son beau-fils Hippolyte. Après s'être longtemps tu, elle est à bout et avoue sa passion à l'être aimé.
Phèdre
Ah ! Cruel ! Tu m'as trop entendue !
Je t'en ai dit assez pour te tirer d'erreur.
Eh bien ! Connais donc Phèdre 23 23 23 23
J'aime. Ne pense pas qu'au moment que je t'aime,
Innocente à mes yeux, je m'approuve moi-même,
Ni que du fol amour qui trouble ma raison,
Ma lâche complaisance ait nourri le poison ;
Objet infortuné des vengeances célestes,
Je m'abhorre encor plus 24 24 24 24
Les dieux m'en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc
Ont allumé le feu fatal à tout mon sang ;
Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle
De séduire 25 25 25 25
Toi-même en ton esprit rappelle le passé
C'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chassé ;
J'ai voulu te paraître odieuse, inhumaine ;
Pour mieux te résister, j'ai recherché ta haine.
De quoi m'ont profité mes inutiles soins ?
Tu me haïssais plus, 26 26 26 26
Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes.
J'ai langui, j'ai séché dans les feux, dans les larmes
Il suffit de tes yeux pour t'en persuader,
Si tes yeux un moment pouvaient me regarder.
Que dis-je ? Cet aveu que je te viens de faire,
Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?
Tremblante pour un fils que je n'osais trahir,
Je te venais prier de ne le point haïr
Faibles projets d'un coeur trop plein de ce qu'il aime !
Hélas ! Je ne t'ai pu parler que de toi-même !
Venge-toi, punis-moi d'un odieux amour
Digne fils du héros qui t'a donné le jour,
Délivre l'univers d'un monstre qui t'irrite.
La veuve de Thésée 27 27 27 27
Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t'échapper ;
Voilà mon coeur : c'est là que ta main doit frapper.
Impatient déjà d'expier son offense,
Au-devant de ton bras je le sens qui s'avance.
Frappe : ou si tu le crois indigne de tes coups,
Si ta haine m'envie un supplice si doux,
Ou si d'un sang trop vil ta main serait trempée,
Au défaut de ton bras 28 28 28 28
> Texte complet : RACINE – Phèdre – Acte II, scène 5
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VICTOR HUGO – Hernani 1830 – Acte III, scène 4
On se souvient que cette pièce a donné lieu à une violente polémique. Victor Hugo n'ayant pas respecté les règles de la tragédie classique.
Hernani, qui aime Doňa Sol, lui demande de renoncer à l'amour qu'elle lui porte.
Hernani
Monts d'Aragon ! Galice ! 29 29 29 29
- Oh ! je porte malheur à tout ce qui m'entoure ! -
J'ai pris vos meilleurs fils, pour mes droits, sans remords ;
Je les ai fait combattre, et voilà qu'ils sont morts !
C'étaient les plus vaillants de la vaillante Espagne.
Ils sont morts ! ils sont tous tombés dans la montagne,
Tous sur le dos couchés, en braves, devant Dieu,
Et, si leurs yeux s'ouvraient, 30 30 30 30
Voilà ce que je fais de tout ce qui m'épouse !
Est-ce une destinée à te rendre jalouse ?
Dona Sol, prends le duc, prends l'enfer, prends le roi !
C'est bien. Tout ce qui n'est pas moi 31 31 31 31
Je n'ai plus un ami qui de moi se souvienne,
Tout me quitte, il est temps qu'à la fin ton tour vienne,
Car je dois être seul. Fuis ma contagion.
Ne te fais pas d'aimer une religion !
Oh ! par pitié pour toi, fuis ! - Tu me crois, peut-être,
Un homme comme sont tous les autres, un être
Intelligent, qui court droit au but qu'il rêva.
Détrompe-toi. Je suis 32 32 32 32
Agent aveugle et sourd de mystères funèbres
Une âme de malheur faite avec des ténèbres !
Où vais-je ? je ne sais. Mais je me sens poussé
D'un souffle impétueux, d'un destin insensé.
Je descends, je descends, et jamais ne m'arrête.
Si parfois, haletant, j'ose tourner la tête,
Une voix me dit : 33 33 33 33
Et de flamme ou de sang je le vois rouge au fond !
Cependant, à l'entour de ma course farouche,
Tout se brise, tout meurt. Malheur 34 34 34 34 34
Oh ! fuis ! détourne-toi de mon chemin fatal,
Hélas ! sans le vouloir, je te ferais du mal !
> Texte complet : VICTOR HUGO – Hernani – Acte III, scène 4
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EDMOND ROSTAND - Cyrano de Bergerac 1797
La tirade des nez
CYRANO
Ah ! Non ! C'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire... oh ! Dieu ! ... bien des choses en somme...
En variant le ton, —par exemple, tenez :
Agressif : « moi, monsieur, si j'avais un tel nez,
Il faudrait sur le champ 3535 35 35 35
Amical : « mais il doit tremper dans votre tasse :
Pour boire, faites-vous 36 36 36 36
Descriptif : « c'est un roc ! ... c'est un pic... c'est un cap !
Que dis-je, c'est un cap ? ... 37 37 37 37
Curieux : « de quoi sert cette oblongue capsule ?
D'écritoire, monsieur, ou de 38 38 38 38
Gracieux : « aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous 39 39 39 39
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? »
Truculent : « ça, monsieur, lorsque 4040 40 40 40
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu'un voisin ne crie 4141 41 41
Prévenant : « gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! »
Tendre : « faites-lui faire un 42 42 42 42
De peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »
Pédant : « l'animal seul, monsieur, qu'43 43 43 43 43
Appelle hippocampelephantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d'os ! »
Cavalier : « quoi, l'ami, ce croc est à la mode ?
Pour pendre son chapeau 44 44 44 44
Emphatique : « aucun vent ne peut, nez magistral,
T'enrhumer tout entier, 45 45 45 45
Dramatique : « c'est la Mer Rouge 46 46 46 46
Admiratif : « pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Lyrique : « est-ce une conque, êtes-vous un triton ? »
Naïf : « ce monument, 4747 47 47 47
Respectueux : « souffrez, monsieur, qu'on vous salue,
C'est là ce qui s'appelle avoir 48 48 48 48
Campagnard : « hé, ardé ! C'est-y un nez ? Nanain !
C'est queuqu'navet géant ou ben queuqu'melon nain ! »
Militaire : « pointez contre 49 49 49 49
Pratique : « voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera 50 50 50 50 50
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l'harmonie ! Il en rougit, le traître ! »
—Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous m'auriez dit
Si vous aviez un peu 51 51 51 51 51
Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n'avez que les trois qui forment le mot : 52 52 52 52
Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
Me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n'en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d'une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas 53 53 53 53
> Texte complet : EDMOND ROSTAND - Cyrano de Bergerac
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Je demande pardon à tous pour le massacre de ces textes magnifiques.
Mais n'était-ce pas un moyen comme un autre de les faire revivre dans vos cœurs ?
Pour voir toutes les tirades complétes :
>> QUIZ 17 Des tirades fameuses à retrouver pour le plaisir
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