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12 août 2015 3 12 /08 /août /2015 09:30

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CONTES, NOUVELLES ET POÉSIES DE MAMIEHIOU

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« La vie est tout simplement

un mauvais quart d'heure

composé d'instants exquis. »

Oscar Wilde

Oh les beaux jours à Trinity College

Une étudiante française à Dublin

À ma fille, mon amour

Octobre 2000

En franchissant le porche principal de Trinity College ce jour-là, je sentis une vive émotion m'étreindre le coeur. Quel défi m'avait jetée dans l'aventure ? Je me rendis à l'évidence : je n'étais plus, maintenant, aussi sûre de moi que je l'avais été, et il s'en fallut guère que je ne m'en retourne.

Vouloir devenir comédienne, quelle folie ! Et pourtant, n'avais-je pas tous les atouts en mains ?

 

J'avais, depuis si longtemps, rêvé d'entrer dans un monde qui m'offrirait tous les possibles. Sensibilisée dès l'enfance par une mère qui ne cessait de me lire des contes où mon imagination faisait le reste, je m'abîmais dans mes rêves : n'étais-je pas Gretel ou Blanchette, Cendrillon ou la Princesse au petit pois, Raiponce ou la Belle ? Ne venais-je pas à bout des sorcières, des marâtres et des bêtes immondes ?

Toute petite déjà, j'allais au théâtre et je me voyais déjà sur une scène, endossant tous les rôles et faisant rire et pleurer l'auditoire. L'adolescence m'apporta des joies tout aussi éclatantes. Il me fallait assister aux spectacles des oeuvres les plus admirables et j'absorbais, vorace, tout ce qui se présentait dans les théâtres de ma ville. Très tôt je me mêlais aux travailleurs du théâtre, je les côtoyais avec bonheur. Spectatrice, mais aussi correspondante de théâtre auprès de mes camarades de classe, je m'appliquais à leur faire une pub du diable pour les inciter à goûter les mêmes délices. Je choisis, comme il se devait, l'option théâtre en seconde. Quelles heures merveilleuses j'ai passé avec mes camarades ! Jouer la comédie ! Quel bonheur ! Être une, être mille ! Être une chose, un animal, une fille ou un garçon ! Tout était permis dans les exercices les plus extravagants, les plus inattendus, où l'imagination débridée est lâchée à tous vents. Plaisir où je me jetais à corps perdu !

Je décidai d'être comédienne. Cela ne pouvait être autrement.

Mais ma chère mère qui voulait, en douceur, me remettre la tête sur les épaules et qui entrevoyait tous les écueils qui se dresseraient devant moi, si j'optais pour cette hasardeuse carrière, me dit, pragmatique : « Passe une licence d'abord ! Assure tes arrières. Après, tu feras ce que tu voudras. »

J'avais dix-sept ans. Je passai une licence d'anglais.

À vingt ans, je n'avais rien oublié de ma passion, bien au contraire. Elle s'était renforcée à l'université, puisque pendant trois ans, je m'étais donnée corps et âme au club de théâtre où sévissait un professeur merveilleux. Le travail en équipe me ravissait, si grand était l'esprit de camaraderie qui y régnait. Je partis à Dublin pour une année d'assistanat dans le Lycée de Malahide et c'est à ce moment-là que je tentai ma chance pour entrer à Trinity College.

 

J'étais désormais étudiante dans la classe d'Actor Training de cette prestigieuse école. J'avais été capable de franchir tous les obstacles pour parvenir à ce statut. Cette pensée me réconforta. Il n'était plus question d'avoir une quelconque hésitation.

J'entrai dans le campus. Une file d'étudiants s'engageaient dans l'entrée comme le flot d'un canal étroit qui brusquement s'élargissait, et on se sentait déversé dans un grand espace verdoyant où s'égaillaient les jeunes gens et les jeunes filles. C'était Front Square. L'animation et les éclats de voix affaiblirent mes doutes et je me sentis envahie par une joie extrêmement vive.

Des stands colorés étaient dressés le long de l'allée centrale dont les pavés patinés luisaient sous le soleil. On proposait des inscriptions à des clubs. Chaque stand avait son groupe d'étudiants recruteurs qui expliquait avec passion la marche à suivre. On pouvait lire entre autres : Karting, Juggling, Therapy, Progressive Democrats, et Lesbians, Gay, Bisexual and Transgender Society ! Quelques enseignes m'étonnèrent. Me trouvais-je donc bien dans la très catholique République irlandaise ?

Je poursuivis mon chemin tout droit et je m'arrêtai devant le Campanile qui se dressait en face de moi. Comme je levais les yeux et faisais le tour du bâtiment, mon regard croisa celui des quatre têtes sculptées sur les clefs de voûtes des arches. Démosthène, Socrate, Homère et Platon m'observaient, et leur expression, à la fois sévère et bienveillante m'encouragea. Ils contemplaient le déploiement vivant et joyeux des étudiants de première année, dont c'était la semaine, Freshers'week. Comme il me fallait rejoindre le studio de danse du Théâtre Samuel Beckett, ce jour de rentrée des classes, je dus traverser tout le campus. Cette appellation me paraît bien anachronique. Elle est trop récente pour pouvoir s'appliquer à ce lieu. L'université, soeur cadette des très britanniques d'Oxford et de Cambridge, fut fondée en 1592 par Elisabeth Ire, la Reine Vierge, la Protestante, sur une terre autrefois ravie aux Gaëls.

Je passai devant la chapelle au portique corinthien, longeai les courts de tennis, the Buttery — la cantine — et l'édifice moderne Arias and Phiarsaigh, et je parvins devant le théâtre où allait se dérouler mes cours.

 

Ce bâtiment plein de promesses et qui m'impressionnait, je le connaissais déjà. C'était là que j'avais passé, au mois d'avril, le concours d'entrée. Trois cent cinquante étudiants fébriles et anxieux y avaient subi les épreuves pendant une semaine, et j'étais parmi eux. Chaque épreuve passée éliminait son lot de candidats malheureux. On collait sur la vitre extérieure du foyer du théâtre la liste de ceux qui avaient la chance de passer l'épreuve suivante. Visages souriants, visages inondés de larmes. D'abord l'audition qui consistait en des scènes imposées et des scènes libres, puis les entretiens, la danse, le chant et les exercices de mouvements se déroulaient à un rythme effréné. Je me donnai tout entière à la scène de Shakespeare°, et à celle de Ionesco° que j'avais choisie au grand étonnement du jury qui n'assistait qu'à des scènes originellement de langue anglaise.

À chaque épreuve passée, et réussie, j'exultais. Je téléphonais à ma mère qui attendait, inquiète, que son supplice s'achève. Ne souhaitait-elle pas, au fond de son coeur, que je sois éliminée très vite afin de pouvoir partir sur d'autres lancées, plus rationnelles, plus solides. Ne tremblait-elle pas à l'idée que je resterais peut-être toujours sur cette terre qu'elle ne connaissait pas ?

Au bout de la semaine, la liste des sélectionnés fut affichée une fois de plus. Seulement quelques dizaines de candidats restaient en lice. À mon grand étonnement, j'étais dans le groupe mais je ne me faisais pas encore beaucoup d'illusions : il n'y aurait que quatorze reçus. De plus, j'étais française et l'on n'avait jamais admis d'étrangers dans ce cours. L'épreuve de la scène de Shakespeare m'avait donné beaucoup de mal.

Quand les dés furent jetés après le dernier exercice, et que je m'approchai, impatiente, pour lire les noms des reçus, ce fut le choc. C'était là bien mon nom que je lisais, le premier de la liste alphabétique, celui qui commençait par B, c'était le mien. Suivaient ceux de mes camarades, ceux avec qui j'allais vivre une expérience inoubliable : John C., Barum J., Andrea K., Nick L., Gavin L., Gillian MacC., Ruth McG., Anthony M., Gayle N., Domhnall O'D., Jody O'N., Patrick R. dit « Pa » et Kelly S.

Leurs noms, comme une musique rugueuse, résonnent encore aujourd'hui dans mon coeur et leur souvenir m'arrache des larmes.

Je veux préserver leur anonymat

en n'écrivant pas leurs patronymes en entier.

 

◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊

J'étais très fière d'appartenir à cette université qui m'en imposait. Si ses racines plongent dans la renommée dont elle jouit depuis des siècles, elle augure d'un brillant avenir. Dans ce centre culturel et scientifique d'une grande richesse, pas une seule discipline n'est dispensée sans le souci des dernières découvertes et d'une grande qualité d'enseignement. Elle est résolument moderne.

Lorsqu'on pénètre dans l'enceinte de Trinity College, on est saisi par le contraste de l'atmosphère qui y règne avec celle des rues de Dublin, étourdi qu'on est par la circulation intense, les embouteillages interminables, le flux des piétons sur les trottoirs. L'animation extrême donne à la ville cette impression particulière qu'elle attire à elle une jeunesse venue des quatre coins du monde, séduite par l'explosion économique remarquable du pays, The Celtic Tiger.

Il faut avoir longé Grafton Street, l'artère chic piétonnière où l'on peut entendre les baladins, musiciens et poètes et où l'on se presse dans les beaux magasins. Si l'on en sort pour entrer dans l'Université, on se trouve dans un parc étonnamment calme et paisible. Il est si vaste qu'on a grand'peine à s'imaginer que des milliers d'étudiants le traversent chaque jour. Les touristes aussi sont nombreux à visiter ce lieu ancestral, entre autres merveilles The Old Library, la somptueuse bibliothèque du musée. Ils viennent y admirer The Book of Kells, chef d'oeuvre de l'art chrétien du IXe siècle.

J'aime flâner dans les allées de ce parc très soigné, et je prends garde de ne pas marcher sur les pelouses : un gardien sévère et vigilant aurait tôt fait de se précipiter sur moi pour me rappeler l'interdiction. Pourtant certains privilégiés ont le droit de fouler le gazon velouté, dense, et tondu très court. Ce sont les étudiants exceptionnels à qui l'on octroie cet honneur ! Lorsqu'il y a un peu de soleil — il paraît presque chaque jour, mais il est fugace — on voit les étudiants se promener sur la pelouse du College Green, seul endroit autorisé, devant le grand Pavilion Bar. On y joue même au rugby et au soccer irlandais.

 

Lorsque j'y vins pour la première fois, je fus saisie par une vision peu ordinaire. Il avait plu — mais quand ne pleut-il pas ? — et le sol était détrempé. Des sortes de pantins de terre gesticulaient avec frénésie, joueurs de rugby improbables, recouverts de boue jusqu'aux yeux. Miracle de la terre d'Erin, la pelouse serait vite à nouveau verte et lisse.

On sait que le climat de l'Irlande est doux et pluvieux. Cependant, les jours d'hiver, quand le vent s'engouffre dans les allées du parc, chargé d'humidité, le froid est bien vif.

Un matin, j'arrivai à l'Université après une nuit agitée et troublée par les sifflements impressionnants des rafales. Je découvris un étonnant spectacle : le sol était parsemé de taches multicolores. Je ne compris pas tout de suite ce que c'était : le vent avait été d'une telle violence qu'il avait arraché des mains les parapluies, qui gisaient par terre, démantibulés.

Ce qui manquait le plus en cette saison, c'était la lumière. Il faisait nuit quand j'arrivais le matin, et nuit quand je partais le soir, le soleil se couchant à 15h30 au solstice. Je profitais de ses furtifs rayons pendant le break de midi. Mes camarades et moi, nous nous asseyions sur le rebord des fenêtres de la Sandwicherie de Áras An Phiarsaigh pour avaler notre frugal repas. Je fus bientôt lassée des sandwichs et je me confectionnais, dans des boîtes Tupperware, de savoureuses salades variées auxquelles tous voulaient goûter au risque qu'il ne me reste plus rien. Quels merveilleux moments nous passions là, d'une gaieté cordiale et juvénile  !
 

◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊

Le printemps arriva avec sa floraison éclatante ; les jonquilles jonchaient les flots de verdure, les magnolias en fleur parfumaient les allées. Ébahis, nous nous promenions dans la roseraie, le clair soleil revenu. Les passereaux amoureux s'ébattaient dans les frondaisons. Des nuées de mouettes rieuses tournoyaient puis se posaient sur l'herbe pour composer un tableau impressionniste.

L'émotion que j'éprouvais se révélait, chaque matin, intacte, après une heure de trajet pour venir de Malahide, le faubourg cossu de Dublin où je louais un cottage avec ma colocataire hongroise Krisztina – Krisztina ! Tu me resteras toujours une amie très chère, toutes les deux déracinées que nous étions !

M'amenait à la porte de l'Université, à Pearce Station, le D.A.R.T.*, le petit train dublinois dont l'exotisme tient tout entier dans ses passagers, pour la plupart irlandais. Ils ont un accent très, mais très marqué. Les heures passées quotidiennement, ensemble, cimentent leurs relations, si bien qu'il se produit une alchimie langagière complexe, d'où il sort un vocabulaire, et des intonations particulières reconnaissables entre toutes. Après m'être plongée dans ce monde populaire, ce qui me ravissait, j'entrais dans un tout autre monde, le temple du savoir. Le soir, le corps brisé par les efforts soutenus qu'on m'avait demandés, je retrouvais mon petit train qui me ballottait au rythme des cahots.

 

Travail très exigeant que l'apprentissage du métier de comédien ; mais ce sont au cours de ces efforts qui allaient parfois jusqu'à la souffrance, que des liens très solides se tissaient entre nous. Nous, les treize Irlandais et moi. Comme dans une famille, l'amitié et la tendresse même engendraient des émotions si fortes qu'aujourd'hui encore j'en ressens l'acuité ; elles ne se sont pas estompées dans mon souvenir.

Nous unissait par-dessus tout une franche gaieté.

Pour preuve la journée du happening. Christie, notre professeur d'impros nous demanda d'en créer un, exceptionnellement à l'extérieur de nos murs. Ce travail devait être fait par groupes de deux ou trois. Nous serions ainsi tour à tour acteurs et spectateurs. Le mot d'ordre était d'utiliser comme décors et comme accessoires ce que nous trouverions dans le campus, mille choses ordinaires en vérité.

Avec le premier groupe, on joua à Hunt the thimble : cold, colder, freezing, warmer, hot, boiling, you're burning ; chez nous c'est cache-tampon : tu brûles, tu refroidis, tu gèles. Gillian nous pilota si bien que nous arrivâmes au coin glauque des ordures. Kelly poussa soudain un cri d'horreur : une jambe sortait d'une poubelle. Nous fûmes tous saisis d'effroi par ce spectacle réaliste et inattendu. Le gardien arriva, affolé. Nous dûmes aller chercher notre professeur qui signa une décharge pour le trouble occasionné. Les gens qui passaient s'étaient agglutinés. Pa sortit de la poubelle, sale et puant.

Un autre groupe fit une parade déjantée. Jody se mit en culotte et soutien-gorge, et Barum et Gavin en slip. Ils débouchèrent soudain de derrière un buisson et se mirent à courir, pieds nus, en hurlant ; Jody, en pom pom girl, agitait à bout de bras des boules faites de branchages et de joncs et les deux garçons jouaient au rugby avec l'une de leurs chaussures en guise de ballon, se jetant au sol et s'y vautrant, et bientôt noirs de boue. Nous n'en pouvions plus de rire. Les passants étaient médusés de voir les gesticulations de ces fous dénudés.

Je me produisis avec Ruth pour le dernier exercice. Nous avions découvert sous l'escalier derrière le Pavilion une caisse abandonnée, vieille et crasseuse. Après l'avoir installée au milieu d'une allée passagère, nous jouâmes les contorsionnistes pour nous y lover, non sans mal ; nous étions bien grassouillettes toutes les deux.

Des cris et des miaulements émanèrent de cette étrange boîte close. Quand, près d'étouffer, nous soulevâmes lentement le couvercle, des dizaines de paires d'yeux étaient fixés sur nous avec stupeur. Personne n'avait eu la curiosité — ou le courage — d'aller y voir. Nous sortîmes telles des jumelles nouveau-nées, empoussiérées, brisées par la douleur de la mise au monde, étonnée nous-mêmes d'avoir pu tenir dans un giron aussi étroit.

Je souris aujourd'hui, indulgente, au souvenir de ces démonstrations joyeuses et presque enfantines.

 

◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊

Le mois de mai arriva vite. Il annonçait la fin des cours avec la grande fête de fin d'année, très prisée, très attendue, remarquable par son faste, sa méticuleuse organisation, son bal. Il fallait faire toilette et l'entrée était payante : 60 livres irlandaises, 75 euros environ. Une année passée à Trinity était déjà assez chère pour moi. Pour mes camarades aussi. Nous décidâmes d'y renoncer, sauf deux petits malins qui trouvèrent une bonne astuce pour faire la fête gratuitement. On demandait des hommes-sandwichs pour l'animation, partant, ils ne paieraient pas l'entrée. Aussi, Domhnall et Nick endossèrent-ils un costume extraordinaire. Mais au fil des heures, ils en eurent assez d'évoluer dans leur accoutrement emcombrant ; ils se cachèrent et parvinrent à l'échanger contre leurs vêtements pour rejoindre la fête. Ils furent aussitôt happés par les surveillants chargés de traquer les resquilleurs et on les mit dans la rue illico.

Il faut dire que tout était surveillé de très près pour la circonstance. Vingt-quatre heures avant le coup d'envoi, on fermait les quatre portes aux quatre coins du campus. Nul ne pouvait ni entrer ni sortir pendant la préparation. Les professeurs mêmes qui y logeaient, étaient, si l'on peut dire, assignés à résidence. Rien n'aurait servi de montrer patte blanche. On raconte qu'un jour, un jeune homme qui ne voulait pas payer l'entrée, s'était juché sur un arbre, la veille. Il avait passé très inconfortablement, sous la pluie, la nuit à la belle étoile et le froid l'avait bien fait souffrir. On était venu le cueillir au petit matin, transi.

 

◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊

 

L'année scolaire se termina par des embrassements amicaux.

"Au revoir ! À bientôt en octobre prochain !"

Je passai mes vacances en France et octobre revint. Je partis pour ma deuxième année. Mais tout changea en moi. Malgré la chaude amitié qui m'unissait à mes camarades, malgré mon amour du théâtre, j'éprouvai à mon arrivée un sentiment jusque-là inconnu : celui de l'exil. Le soleil en France, encore si chaud en cet automne, laissait la place au froid et à la pluie d'Irlande. Un désir nostalgique m'envahit si fort qu'il ne pouvait que grandir au fil des mois.

Je me surpris à déambuler, le soir, dans le grand parc, pour réfléchir à la décision qu'il me fallait prendre. Peu à peu, des ombres m'accompagnèrent, qui hantaient ces lieux.

George Bernard Shaw s'affligeait que cette terre d'Irlande fût propice aux rêveries ; William Butler Yeats me raconta The land of the Heart's Desire.; Bram Stoker passa comme un bruit d'ailes avec son Dracula ; Jonathan Swift n'en avait pas fini de stigmatiser ses semblables ; Oscar Wilde faisait des mots d'esprit oh que je t'aime Oscar ; Samuel Becket jouait un bouffon sinistre ; et James Joyce, James Joyce bien sûr, venait de croiser l'ombre de Nora Barnacle à la porte de l'Université, près de la statue de Molly Malone**.

L'Irlande a enfanté et inspiré ces génies, et ils l'ont quittée, pour la plupart. Il fallait que, ivre de l'air qu'ils avaient respiré, je m'en aille aussi, et que je rentre à la maison.

 

Notes :

Titre : Oh les beaux jours à Trinity College, en référence à Oh les beaux jours (Happy days) de Samuel Beckett

*D.A.R.T., Dublin Area, Rapid Train : Un train "rapide", réputé pour sa lenteur.

**Molly Malone, Figure populaire et mythique de l'Irlandaise qui vend du poisson et des coquillages sur les marchés de Dublin. On trouve sa statue à proximité de l'entrée principale du campus de Trinity College, au bas de Grafton street.

 

Pour en savoir plus sur Molly Malone : Molly Malone — Wikipédia

Admirez sur la toile The book of Kells

trinity college Dublin images

 

 

°Les scènes présentées en anglais au concours

William Shakespeare

Henry VI

Act I, Scene 2

Tirade de Jeanne d'Arc devant le futur Charles VII de France

Extrait

Joan la Pucelle - Dauphin, I am by birth a shepherd's daughter,
My wit untrain'd in any kind of art.
Heaven and our Lady gracious hath it pleased
To shine on my contemptible estate:
Lo, whilst I waited on my tender lambs,
And to sun's parching heat display'd my cheeks,
God's mother deigned to appear to me
And in a vision full of majesty
Will'd me to leave my base vocation
And free my country from calamity:
Her aid she promised and assured success:
In complete glory she reveal'd herself;
And, whereas I was black and swart before,
With those clear rays which she infused on me
That beauty am I bless'd with which you see.
Ask me what question thou canst possible,
And I will answer unpremeditated:
My courage try by combat, if thou darest,
And thou shalt find that I exceed my sex.
Resolve on this, thou shalt be fortunate,
If thou receive me for thy warlike mate.

Le Roi se meurt (1963)
(que j'ai joué en anglais)

Eugène Ionesco

Dernière tirade de MARGUERITE

Extrait

Il perçoit encore les couleurs. Des souvenirs colorés. Ce n'est pas une nature auditive. Son imagination est purement visuelle... c'est un peintre... trop partisan de la monochromie. (Au Roi) Renonce aussi à cet empire. Renonce aussi aux couleurs. Cela égare encore, cela te retarde. Tu ne peux plus t'attarder, tu ne dois pas. (Elle s'écarte du Roi) Marche tout seul, n'aie pas peur. Vas-y. (Marguerite, dans un coin du plateau dirige le Roi de loin) Ce n'est plus le jour, ce n'est plus la nuit. Il n'y a plus de jour, il n'y a plus de nuit. Laisse-toi diriger par cette roue qui tourne devant toi. Ne la perds pas de vue, suis-la, pas de trop près, elle est embrasée, tu pourrais te brûler. Avance, j'écarte les broussailles, attention, ne heurte pas cette ombre qui est à ta droite... Mains gluantes, mains implorantes, bras et mains pitoyables, ne revenez pas. Ne le touchez pas ou je vous frappe ! (Au Roi) Ne tourne pas la tête. Evite le précipice à ta gauche, ne crains pas ce vieux loup qui hurle... ses crocs sont en carton, il n'existe pas. (Au loup) Loup, n'existe plus ! (Au Roi) Ne crains pas non plus les rats. Ils ne peuvent pas mordre tes orteils. (Aux rats) Rats et vipères, n'existez plus ! (Au Roi) Ne te laisse pas apitoyer par le mendiant qui te tend la main... Attention à la vieille femme qui vient vers toi... Ne prends pas le verre d'eau qu'elle te tend. Tu n'as pas soif. (A la vieille femme imaginaire) Il n'a pas besoin d'être désaltéré, bonne femme, il n'a pas soif. N'encombrez pas son chemin. Evanouissez-vous. (Au Roi) Escalade la barrière... Le gros camion ne t'écrasera pas, c'est un mirage... Tu peux passer, passe... Mais non, les pâquerettes ne chantent pas, même si elles sont folles. J'absorbe leurs voix ; elles, je les efface ! Ne prête pas l'oreille au murmure du ruisseau, c'est une fausse voix. Objectivement, on ne l'entend pas. C'est aussi un faux ruisseau, c'est une fausse voix... Fausses voix, taisez-vous ! (Au Roi) Plus personne ne l'appelle. Sens, une dernière fois cette fleur et jette-la. Oublie son odeur. Tu n'as plus la parole. A qui pourrais-tu parler ? Oui, c'est cela, lève le pas, l'autre. Voici la passerelle, ne crains pas le vertige. (Le Roi avance en direction des marches du trône) Tiens-toi tout droit. [...]

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