→ UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
→ Articles classés par catégories (tags)
Le XVIe siècle est un siècle d'une grande fécondité dans le domaine de la langue. Nous avons pu le voir avec notamment Rabelais (au chapitre 9) et Ronsard (au chapitre 10) ; tous deux font partie de ceux qui ont inventé le plus grand nombre de mots.
Montaigne* (1533-1592)
Michel Eyquem de Montaigne aime le mot juste et fuit « les longueries ». Il dit lui-même que « son esprit crochette et furette tout le magasin des mots et des figures pour se représenter. » Sa pensée (n'oublions pas qu'il était gascon), s'exprime dans les mots concrets de la langue populaire ; il use de digressions, saute d'une idée à l'autre à coups de récits, de poésie, de démonstrations, se laissant guider par sa sagesse, sa tolérance et son humanisme jamais dépourvu d'émotions.
« Que les paroles ne soient plus de vents mais de chair et d’os »
Montaigne, dans son œuvre majeure « les Essais », aborde, pêle-mêle, tous les sujets possibles, qu'ils soient importants ou futiles : de simples questions domestiques côtoient ses réflexions métaphysiques.
Il se nourrit des oeuvres de l'Antiquité, mais, dit-il : « Je feuillette les livres, je ne les étudie pas : ce qui m'en demeure, c'est chose que je ne reconnais plus être autrui. »
Il tente de répondre à la question : « Qu'est-ce que l'Homme ? » Pour ce faire, il doit répondre à celle-ci : « Qui suis-je, moi, Michel Eyquem de Montaigne ? »
Vous l'auriez vu, lisant et écrivant dans sa « librairie » où il avait fait peindre, sur les poutres, les sentences des Anciens**.
En conclusion au XVIe siècle :
Après avoir assisté à un foisonnement d'innovations linguistiques, où s'exprime une grande liberté, on va peu à peu mettre en place quelque rigueur en prônant une plus grande simplicité dans le style, ce qui donnera lieu bientôt à l'élaboration de la grammaire.
En 1827, dans « La Préface de Cromwell », Victor Hugo écrit :
« [...] La langue française n’est point fixée et ne se fixera point. Une langue ne se fixe pas.
L’esprit humain est toujours en marche, ou, si l’on veut, en mouvement, et les langues avec lui. Les choses sont ainsi. Quand le corps change, comment l’habit ne changerait-il pas ? Le français du dix-neuvième siècle ne peut pas plus être le français du dix-huitième, que celui-ci n’est le français du dix-septième, que le français du dix-septième n’est celui du seizième. La langue de Montaigne n’est plus celle de Rabelais, la langue de Pascal n’est plus celle de Montaigne, la langue de Montesquieu n’est plus celle de Pascal. Chacune de ces quatre langues, prise en soi, est admirable, parce qu’elle est originale. Toute époque a ses idées propres, il faut qu’elle ait aussi les mots propres à ses idées.
Les langues sont comme la mer, elles oscillent sans cesse. À certains temps, elles quittent un rivage du monde de la pensée et envahissent un autre. Tout ce que leur flot déserte ainsi sèche et s’efface du sol. C’est de cette même façon que des idées s’éteignent, que des mots s’en vont.
Il en est des idiomes humains comme de tout. Chaque siècle y apporte et en emporte quelque chose. Qu’y faire ? Cela est fatal. C’est donc en vain que l’on voudrait pétrifier la mobile physionomie de notre idiome sous une forme donnée. C’est en vain que nos Josué littéraires crient à la langue de s’arrêter ; les langues ni le soleil ne s’arrêtent plus. Le jour où elles se fixent, c’est qu’elles meurent [...] »
NOTES
*Montaigne devrait se prononcer Montagne, puisqu'on ne prononce pas le i en langue d'oc.
**Retrouver cinquante-sept des sentences des Anciens, peintes sur les travées de sa librairie. (traduites du grec ou du latin), dans les notes des Délires n° 105
Délires sur une réponse qui se fait attendre + Les sentences chères à Montaigne
Publications en 1861 et 1894, et en appendice dans La Pléiade, Gallimard 1963.
→ UNE PETITE HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
commenter cet article …