Pierre de Ronsard
1524 - 1585
Quand à longs traits je bois l'amoureuse étincelle
Quand à longs traits je bois l'amoureuse étincelle
Qui sort de tes beaux yeux, les miens sont éblouis :
D'esprit ni de raison, troublé, je ne jouis,
Et comme ivre d'amour, tout le corps me chancelle.
Le cœur me bat au sein : ma chaleur naturelle
Se refroidit de peur : mes sens évanouis
Se perdent dedans l'air, tant tu te réjouis
D'acquérir par ma mort le surnom de cruelle.
Tes regards foudroyants me percent de leurs rais
Tout le corps, tout le cœur, comme pointes de traits
Que je sens dedans l'âme : et quand je me veux plaindre,
Ou demander merci du mal que je reçois,
Si bien ta cruauté me resserre la voix,
Que je n'ose parler, tant tes yeux me font craindre.
Le premier livre des Sonnets pour Hélène, 1578
Lire aussi l'Ode à Cassandre dans la note des Délires n°65
Mignonne, allons voir si la rose...
Victor Hugo
1802-1885
Mon bras pressait ta taille frêle
Mon bras pressait ta taille frêle
Et souple comme le roseau ;
Ton sein palpitait comme l’aile
D’un jeune oiseau.
Longtemps muets, nous contemplâmes
Le ciel où s’éteignait le jour.
Que se passait-il dans nos âmes?
Amour ! amour !
Comme un ange qui se dévoile,
Tu me regardais, dans ma nuit,
Avec ton beau regard d’étoile,
Qui m’éblouit.
Les Contemplations, 1856
Alphonse Daudet
(1840 - 1897)
L'oiseau bleu
J'ai dans mon cœur un oiseau bleu,
Une charmante créature,
Si mignonne que sa ceinture
N'a pas l'épaisseur d'un cheveu.
Il lui faut du sang pour pâture
Bien longtemps, je me fis un jeu
De lui donner sa nourriture :
Les petits oiseaux mangent peu.
Mais, sans en rien laisser paraître,
Dans mon cœur il a fait, le traître,
Un trou large comme la main.
Et son bec fin comme une lame,
En continuant son chemin,
M'est entré jusqu'au fond de l'âme !...
Les Amoureuses
Charles Cros
1842 – 1888
Cueillette
C'était un vrai petit voyou,
Elle venait on ne sait d’où,
Moi, je l’aimais comme une bête.
Oh ! la jeunesse, quelle fête.
Un baiser derrière son cou
La fit rire et me rendit fou.
Sainfoin, bouton d’or, pâquerette,
Surveillaient notre tête à tête.
La clairière est comme un salon
Tout doré ; les jaunes abeilles
Vont aux fleurs qui leur sont pareilles ;
Moi seul, féroce et noir frelon,
Qui baise ses lèvres vermeilles,
Je fais tache en ce fouillis blond.
Le Panier de Griffes
Stéphane Mallarmé
1842 – 1898
Apparitions
La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.
— C’était le jour béni de ton premier baiser.Ma songerie aimant à me martyriser
S’enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d’un Rêve au cœur qui l’a cueilli.
J’errais donc, l’œil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.
Poésies, 1887
Paul Verlaine
1844 – 1896
A poor young shepherd*
J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer.
J'ai peur d'un baiser !
Pourtant j'aime Kate
Et ses yeux jolis.
Elle est délicate
Aux longs traits pâlis.
Oh! que j'aime Kate !
C'est Saint-Valentin !
Je dois et je n'ose
Lui dire au matin...
La terrible chose
Que Saint-Valentin !
Elle m'est promise,
Fort heureusement !
Mais quelle entreprise
Que d'être un amant
Près d'une promise !
J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer:
J'ai peur d'un baiser !
Romances sans paroles 1874
*A poor young shepherd = un pauvre jeune berger
Arthur Rimbaud
1854 – 1891
À... Elle
Rêvé pour l'hiver
L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...
Et tu me diras : « Cherche ! » en inclinant la tête,
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
- Qui voyage beaucoup...
En wagon, le 7 octobre 1870.
Paul Géraldy
1885 – 1983
Abat-jour
Toi et Moi
Je ne peux pas publier ce poème que j'aime. L'oeuvre n'est pas encore tombée dans le domaine public mais, en cherchant bien, vous pouvez trouver le texte sur la toile.
Quand un ouvrage peut-il tomber dans le domaine public ?
Lire : Pourquoi Apollinaire a mis 95 ans pour entrer dans le domaine public
>> VOIR Poèmes d'amour – Tome 2 - Florilège proposé par mamiehiou
>> Et d'autres textes d'auteurs dans " Florilège - La pensée des autres"
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