LE FRANÇAIS DANS TOUS SES ÉTATS
Mon mari rencontre beaucoup de jeunes gens de nationalités ou d'origines diverses quand il va jouer sur les terrains de football de "Sainté" et il entend des questions que certains se posent sur différents sujets.
L'autre jour, un jeune sportif d'origine maghrébine s'étonne, comme aurait pu le faire d'ailleurs n'importe qui d'autre : « Mais pourquoi la langue française est-elle si compliquée ? Pourquoi faut-il mettre un S à temps* ? »
Je vais tenter de lui répondre.
Sommaire de l'article
1-Le français est-il une langue beaucoup plus difficile que les autres ? 2-Qu'en est-il de l'anglais ? 3-L'origine des langues 4-D'où vient le français ? 5-Pourrait-on supprimer les nombreuses exceptions des règles du français ? 6-Simplification de quelques règles compliquées en 1990
1-Le français est-il une langue beaucoup plus difficile que les autres ?
Il suffit de parcourir quelques sites sur les langues étrangères, le russe, le chinois, le japonais, etc. pour se rendre compte qu'aucune langue n'est facile.
On peut penser à juste titre que le français est une langue difficile.
► La débâcle de l'orthographe – À qui la faute ?
Toutes les langues, quelles qu'elles soient, ont leurs règles, avec leurs difficultés.
Par exemple, le français compte deux genres qu'il faut connaître lorsqu'on emploie un substantif (un nom) : le masculin et le féminin ; l'allemand en compte trois : le masculin, le féminin et le neutre ; un seul genre en anglais.
L'allemand a des déclinaisons qui font varier l'orthographe des mots selon leur fonction : nominatif, génitif, datif et accusatif ; et ce n'est pas une mince affaire quand on l'étudie !
2-Qu'en est-il de l'anglais ?
Beaucoup croient que c'est une langue facile.
Erreur ! Si l'anglais était si facile, tout le monde parlerait couramment l'anglais en fin de troisième ; et combien de bacheliers sont-ils capables de comprendre une conversation en anglais et d'y participer avec aisance ?
> L'anglais facile : réalité ou mythe ? - AgoraVox le média citoyen
Quant au chinois, il doit être très difficile de s'habituer aux idéogrammes !
Toutes les langues ont une origine lointaine et elles ont évolué au fil du temps. On ne parle pas le français ni l'arabe comme on les parlait dans l'antiquité ou au Moyen Âge. Les grands-parents d'aujourd'hui, eux-mêmes, ne sont-ils pas parfois étonnés de ne pas comprendre les mots nouveaux utilisés par leurs petits-enfants ?
Les langues sont vivantes ; elles se transforment, s'enrichissent (ou parfois s'appauvrissent) au cours du temps.
Et je suppose que les jeunes gens d'origine arabe ne parlent pas la langue du Coran, et que leur langue compte de nombreuses formes dans les divers pays du monde où on la parle.
Des exceptions : L'espéranto, le volapük et quelques autres langues ont été créées de toutes pièces et leurs règles sont fixées. Elles n'appartiennent pas à un pays en particulier mais se veulent internationales.
4-D'où vient le français ?
Le français est une langue indo-européenne comme de très nombreuses langues ayant pour origine l'indo-européen, langue préhistorique supposée être la mère des langues parlées depuis l'Inde jusqu'à l'Europe.
Dans ces langues indo-européennes, on distingue plusieurs familles dont les langues romanes : le français, le catalan, l'italien, l'espagnol, le portugais, le roumain, pour ne citer qu'elles.
Pourquoi la plupart des mots français sont-ils issus du latin ?
Le latin est une langue venue d'Italie. Lorsque Jules César conquit la Gaule en 51 avant Jésus-Christ ses troupes s'y installèrent apportant avec eux leur langue. Leur parler s'imposa aux Gaulois : le latin vulgaire, c'est-à-dire un latin populaire différent du latin écrit (le latin classique).
Toutes les langues romanes sont issues du latin vulgaire.
Avant que le latin se soit installé en Gaule, on y parlait le gaulois qui était composé de différentes langues celtiques aujourd'hui éteintes.
On compte encore quelques mots de français ayant une origine celtique : balafre, barde, bec, bécasse, bouleau, cerf, cohorte, etc.
Au fil des siècles, deux langues se sont différenciées : les dialectes de la langue d'oïl parlée dans la partie nord de la France et la langue d'oc au sud.
Oui se disait oïl ou oc.
Peu à peu, la langue d'oïl de l'Île de France appelée parfois francien s'est imposée pour devenir le français, et cela en différentes "étapes", l'ancien français, le moyen français et le français moderne.
Des mots français de diverses origines
Un grand nombre de mots français sont d'origine grecque. Beaucoup de mots savants, dans de nombreuses langues, sont aujourd'hui construits à partir de mots latins et aussi de mots grecs.
Par exemple le mot anthropophage (celui qui mange de la chair humaine) vient de anthropo- (du grec ancien ἄνθρωπος être humain) et de -phage (du grec ancien φάγος mangeur).
Outre ces langues anciennes, le français, comme la plupart des langues, fait des emprunts aux autres langues ; et inversement, d'autres langues empruntent au français.
On trouve sur la toile de nombreux sites répertoriant des mots qui ont migré d'une langue à une autre.
Par exemple :
Les mots français d'origine arabe - EspaceFrançais.com
La langue française est une des langues qui permet le mieux d'exprimer avec une grande précision les nuances de la pensée.
5-Pourrait-on supprimer les nombreuses exceptions des règles du français ?
Il fut un temps où les règles d'orthographe et de grammaire n'étaient pas encore établies, et l'on pouvait écrire les mots de différentes façons sans qu'on crie à la faute d'orthographe.
On s'en rend compte si l'on a la curiosité de feuilleter le Dictionnaire Godefroy : Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, par Frédéric Godefroy (1881).
Je tombe au hasard sur le mot FIN qui s'est dit : fineison, finoison, finaison, finixon, finicion, finition.
Lorsque des grammairiens comme Malherbe (1555-1628) et Vaugelas (1585-1650), des groupes d'écrivains et d'intellectuels comme La Pléiade et L'Académie Française, pour ne citer qu'eux, voulurent fixer les règles du français, ils conservèrent beaucoup de leurs exceptions car l'habitude de leur usage était déjà bien prise.
Dans les siècles qui ont suivi, on a voulu souvent simplifier la langue.
> Les nombreuses réformes de la langue française
6-Simplification de quelques règles compliquées en 1990
Le Conseil supérieur français de la langue française, approuvé par l'Académie française établit des rectifications qu'il publie dans les « Documents administratifs » du Journal officiel de la République française le 6 décembre 1990.
Voir dans ce blog > Réforme de l'orthographe - L'orthographe recommandée aux enseignants - Lexique
Mais on peut appliquer ces règles ou non, à sa guise.
Ces simplifications n'ont pas eu beaucoup de succès et peu de Français les appliquent, attachés qu'ils sont à leur orthographe traditionnelle.
Recommandées en 2008 (B.O.19 juin 2008), elles sont la référence aujourd'hui pour l'enseignement à l'école primaire. (B.O. 3 mai 2012)
7-Textes et articles qui se rapportent au sujet
dans ce blog :
→ À la recherche de l'étymologie d'un mot
→ Des anglicismes - L'origine de l'anglais
→ Une petite histoire de la langue française racontée par mamiehiou
→ Comment faire des progrès en français ?
♥
Le français, une langue universelle.
« Le français est aujourd'hui parlé sur tous les continents par environ 220 millions de personnes dont 115 millions de locuteurs natifs auxquels s'ajoutent 72 millions de locuteurs partiels (évaluation Organisation internationale de la francophonie : 2010). Elle est une des six langues officielles et une des deux langues de travail (avec l’anglais) de l’Organisation des Nations unies, et langue officielle ou de travail de plusieurs organisations internationales ou régionales, dont l’Union européenne. »
Wikipédia (extrait de l'article sur le français)
♥
Lu sur l'Express (Interview de Claude Hagège, linguiste renommé)
[Extrait de l'article]
mchfrench@mac.com : En tant que professeur de français aux États-Unis je me rends compte, bien évidemment, de la difficulté de notre grammaire. Je remarque tant d'erreurs d'accord de participe passé même dans des journaux comme Le Monde et l'Express. Des fautes que même certains de mes élèves remarquent parfois. Si les Français ne savent plus accorder les participes passés, comment peut-on espérer que nos étudiants étrangers le fassent? Je suis pour la défense de la langue, de sa pureté, de sa beauté... et certainement pas pour un nivellement par la base. Où se trouve le juste milieu?
Claude Hagège : Permettez-moi de dire que ces fautes sont vénielles** au regard de l'américanisation galopante du vocabulaire. Le non-respect de l'accord des participes ne me paraît pas de nature à compromettre la pureté (notion puriste, par définition, qu'un linguiste professionnel n'utilise évidemment jamais) ni la beauté (Voir entrée "Beauté" de mon Dictionnaire amoureux des langues) du français. Quant aux difficultés (Voir ibid. entrée "Difficiles (langues)"), je me permets d'attirer votre attention sur un point très largement ignoré: l'anglais est une langue très difficile (évident pour la prononciation, et tout autant pour les innombrables expressions verbales à adverbe postposé, au sens totalement imprévisible, comme to see off, "accompagner à la gare", to bring about, "être la cause de", to do someone in, "tuer quelqu'un".
NOTES
* Le mot temps vient du latin tempus. Il a conservé le s.
** fautes vénielles : des fautes n'ayant pas une grande importance (comparées aux innombrables mots anglais — américains — qui envahissent notre langue).
On peut lire sur la toile :
Dictionnaire étymologique de la langue française par Léon Clédat (1914)
Cliquez sur le livre pour en tourner les pages
La langue française en 5 idées reçues - Lire – L'Express
Mots d'origine étrangère utilisés en français
Extrait de l'article sur la langue arabe :
L’arabe classique [...] est une langue sémitique comme l’hébreu, l’araméen ou l’akkadien. La particularité de ces langues sont les racines de mots qui sont généralement à base de trois consonnes.
Exemples :
kataba, il écrivit
kitāb, livre
maktaba, bibliothèque
Ajouté au caractère flexionnel de la langue, il n’est pas facile de reconnaître rapidement un radical sans bien connaître la grammaire. Les recherches dans le dictionnaire ne sont donc pas facilitées.
Peut-on dire que l'arabe est moins compliqué que le français ?
ooooooooooooooooooo
En 1827, dans « La Préface de Cromwell », Victor Hugo écrit :
« [...] La langue française n’est point fixée et ne se fixera point. Une langue ne se fixe pas.
L’esprit humain est toujours en marche, ou, si l’on veut, en mouvement, et les langues avec lui. Les choses sont ainsi. Quand le corps change, comment l’habit ne changerait-il pas ? Le français du dix-neuvième siècle ne peut pas plus être le français du dix-huitième, que celui-ci n’est le français du dix-septième, que le français du dix-septième n’est celui du seizième. La langue de Montaigne n’est plus celle de Rabelais, la langue de Pascal n’est plus celle de Montaigne, la langue de Montesquieu n’est plus celle de Pascal. Chacune de ces quatre langues, prise en soi, est admirable, parce qu’elle est originale. Toute époque a ses idées propres, il faut qu’elle ait aussi les mots propres à ses idées.
Les langues sont comme la mer, elles oscillent sans cesse. À certains temps, elles quittent un rivage du monde de la pensée et envahissent un autre. Tout ce que leur flot déserte ainsi sèche et s’efface du sol. C’est de cette même façon que des idées s’éteignent, que des mots s’en vont.
Il en est des idiomes humains comme de tout. Chaque siècle y apporte et en emporte quelque chose. Qu’y faire ? Cela est fatal. C’est donc en vain que l’on voudrait pétrifier la mobile physionomie de notre idiome sous une forme donnée. C’est en vain que nos Josué littéraires crient à la langue de s’arrêter ; les langues ni le soleil ne s’arrêtent plus. Le jour où elles se fixent, c’est qu’elles meurent [...] »
J'attire l'attention de mes lecteurs en reproduisant ci-dessous le commentaire de Sun Tzu auquel je souscris entièrement.
Les jeunes Japonais et Chinois apprennent un système d'idéogrammes conçu à la base pour une élite de lettrés, et pourtant à 13 ans ils maîtrisent le nécessaire pour pouvoir lire un journal (3000 caractères !), la «discrimination socio-culturelle» est une belle excuse pour le nivellement par le bas et la culture du moindre effort; qui sont très appréciés en France je vous le concède !
Quant au «passéisme», doit-on considérer que "après que" se construit avec l'indicatif, au mépris de toute cohérence linguistique ? Doit-on abandonner l'imparfait du subjonctif car il est trop littéraire, et ainsi ne pas fournir toutes les clés à des jeunes qui malgré l'abêtissement voulu par l'Education Nationale, seront quand même menés à lire des auteurs classiques qui utiliseraient ça ? Puis c'est un comble de parler de «passéisme» quand on se réfère aux graphies... médiévales ! Les langues suivent les tendances politiques, ce qui inclut des standardisations...
Les réformateurs zélés de l'orthographe à la française, n'obéissant visiblement qu'au culte du progrès, n'ont souvent aucune formation sérieuse en linguistique. Le français est une langue comptant de nombreuses lettres muettes et donc de nombreux homophones (ver/verre/vers/vert/vair etc), ce n'est pas de l'espagnol; simplifier l'orthographe suivant la prononciation serait aberrant et ne mènerait qu'à de plus amples confusions grammaticales. Mais une telle simplification existe déjà, c'est un sociolecte créé par les nouvelles technologies: le langage SMS ! Vous le trouvez facile à lire ? Les études statistiques ont prouvé que pour la plupart des gens, la réponse était non...
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Note : Overblog a mélangé les commentaires de mes lecteurs
et mes réponses